Dans le Backlog de TPP, les rédactrices et rédacteurs du site dépoussièrent leurs bibliothèques virtuelles et viennent vous parler tous les mois de jeux, récents ou anciens, enfin sortis de leurs backlogs et qui les ont séduits. En ce mois de novembre, Zali a fini par explorer le Japon fantomatique de Ghostwire: Tokyo, Tritri a construit des villes dans Cities Skylines II, Shift a écumé les mers dans Saltsea Chronicles et glau a enquêté sur les conséquences de la mort des Roottrees.
Zali : Ghostwire: Tokyo
Il est des jeux qu'on a follement envie de lancer à leur sortie et qui finissent au fin fond de votre backlog parce que le temps, la vie, les aléas. Il se trouve que pourtant, le Ghostwire: Tokyo de Tango Gameworks paru en mars 2022 fait des efforts démentiels pour être joué, étant régulièrement soldé et étant présent à la fois dans le Game Pass et dans le PlayStation Plus. Il est par ailleurs précédé d'une réputation de chouette petit titre à l'ambiance assez travaillée. Je n'avais donc qu'à me motiver pour finir par le lancer sur ma PS5 et essayer d'oublier que je n'aime pas trop les FPS en monde ouvert. Car oui, souvent, ce sont des jeux qui m'ennuient un peu. Par chance, cette fois-ci, la mayonnaise a pris !
D'une certaine manière, j'ai cependant déjà joué des dizaines de fois à Ghostwire: Tokyo. Une map à découvrir, des missions principales, des missions secondaires, un arbre de compétence, des collectibles à gogo, il n'y a rien de très original là-dedans. C'est un open world parmi d'autres, pas vrai ? Eh bien non. Ghostwire: Tokyo a deux énormes atouts pour lui, constitués par son ambiance unique et sa manière de s'ouvrir sans vous noyer sous le contenu inutile.
Côté ambiance, on se retrouve dans un Japon pop ultramoderne, brutalement vidé de ses habitants remplacés par des hordes de yokai qu'il faudra tour à tour exorciser, aider où simplement trucider. Tokyo est modélisée à la perfection, des monts aux métros en passant par les boutiques, on n'a pas vu plus immersif depuis Yakuza: Like a Dragon. Côté gameplay, on vous propose un système de combat non seulement assez riche, mais qui se dévoile en même temps que le jeu, lequel vous empêche sciemment d'explorer toute sa carte d'un coup, se révélant au contraire quartier par quartier. On découvre donc la ville à un rythme assez contraint mais plutôt logique, par bloc de deux ou trois missions, et on réalise avec joie que Ghostwire: Tokyo fait partie de ces jeux en monde ouvert fait pour être terminés : une quinzaine d'heures en ligne droite, une trentaine en retournant chaque caillou pour accomplir chaque mini-quête. C'est parfait, merci.
Tritri : Cities Skylines II
Paradox, dans sa grande sagesse, a décidé de sortir trois jeux en un mois : le sympathique The Lamplighters League, le médiocre Star Trek Infinite et le très attendu Cities Skylines II, suite d'un des city builder les plus vendus de l'histoire. Il faut dire que Cities Skylines, tout de même sorti en 2015, commençait à vraiment montrer ses limites après huit ans de DLC qui pesaient sur un jeu qui ne supportait même pas le multithreading. Par conséquent, il était temps, comme Crusader Kings II à son époque, de le mettre à la retraite et de sortir un digne successeur à un jeu bien-aimé et qui avait à lui seul relancé un genre grièvement blessé par un Sim City 2013 désastreux.
Dire que Cities Skylines II était ma plus grosse attente de l'année n'est pas une exagération. Je me suis regardé toutes les vidéos de Colossal Order sur le jeu, lu tous les journaux de développement et je n'ai même pas pu résister aux let's play de mes vidéastes Paradox favoris sortis parfois deux mois avant le jeu. Il faut dire que les promesses étaient là : plus grande map, IA des citoyens plus réaliste, simulation économique profonde et nouveaux outils de construction de route.
Et il n'y a pas à dire : ce Cities Skylines II représente un nouveau mètre étalon dans le genre très peu représenté du city builder moderne. Tout est plus fluide, plus profond, sans être noyé sous des menus et sous-menus. Je vais m'attarder un petit peu sur ce qui m'a le plus soufflé : l'outil de construction de route. Dans le premier, l'outil était déjà assez puissant mais manquait de souplesse. Les routes ne pouvaient pas se croiser à des angles plus bas que 25° (en gros) et il était assez difficile de faire des intersections et échangeurs réalistes qui ne finissent pas en plat de spaghettis. Dans Cities Skylines II, Colossal Order livre un outil versatile et très souple, grâce à des options de "snap" variées. Basiquement, dans le premier, vos routes ne pouvaient se fixer qu'à d'autres routes. Désormais, vous pouvez coller vos voies à des bâtiments, des guides, des angles précis, ou même à rien du tout. Tout ça donne des options ahurissantes pour construire des échangeurs et intersections réalistes.
Rien que pour ça, le jeu est une réussite. Et ce n'est pas la simulation économique, ou l'IA des citoyens qui donne par extension une simulation du trafic plus réaliste qui va gâcher la fête. En revanche, les problèmes de performances et un certain manque de variété dans les bâtiments et le contenu prouvent qu'encore une fois pour un jeu Paradox, la version 1.0 n'est qu'une base pour une longue suite de DLC. Ce modèle ne me dérange pas, d'autant que Cities Skylines II est fort agréable, mais il peut être intéressant d'attendre un petit peu que le jeu soit étoffé par un an ou deux de DLC.
Shift : Saltsea Chronicles
Quatre ans après le déjà excellent Mutazione, les Danois·e·s de Die Gute Fabrik reviennent avec Saltsea Chronicles, une épopée à travers un archipel dans un monde post-déluge. Si le jeu peut sembler à première vue moins élaboré que le précédent en abandonnant un certain nombre de briques de gameplay, on se rend vite compte au bout de quelques chapitres que Die Gute Fabrik a justement retiré tout le gras de Mutazione – qui n’en avait déjà pas beaucoup – pour se concentrer intégralement sur la partie VN et répondre aux énormes ambitions narratives qu’iels avaient pour ce nouveau jeu.
Toutes les bases et thématiques de Saltsea Chronicles étaient finalement déjà là dans Mutazione : le discours écologiste, les enjeux de la vie en communauté, la spiritualité et la science, tantôt antagonistes, tantôt complémentaires, le deuil, la famille, le genre, le tout porté par une galerie de personnages composée majoritairement de profils atypiques et marginaux et une direction artistique merveilleuse. Saltsea Chronicles reprend tous ces thèmes et tous ces aspects et les porte bien, bien plus loin. La première très bonne idée, à la fois pour parler de communauté et pour donner la parole à tous types de caractères et de profils, est dans le choix du point de vue. Le personnage principal du jeu est en effet un équipage tout entier, bougeant d’un seul corps à travers tout l’archipel, mais dont il va falloir gérer au mieux les personnalités, objectifs, passés, secrets des différents membres, avec toujours en tête qu’il sera impossible de contenter tout le monde, ni de faire le choix parfait, que ce soit dans la poursuite de la quête principale ou dans les différents conflits entre personnages.
Cette quête principale nous lance à la recherche de Maja, la capitaine disparue de notre équipage dont nous allons suivre la trace d’île en île, chaque escale étant en plus l’occasion de dérouler une petite histoire, donnant à l’aventure un caractère feuilletonnant très agréable. Car si les deux premiers chapitres peuvent troubler question rythme, lore et enjeux, on prend très vite le pli (à condition d’avoir un solide niveau en anglais) et le titre devient absolument génial quand on comprend que l’on va pouvoir visiter un paradis de la technologie, rencontrer des vieilles dames vivant en autogestion sur une île aux chats, enquêter sur un meurtre dans une communauté de biologistes ou se retrouver au milieu d’un conflit mêlant autochtones, volcanologues et fêtards, tout en gérant notre propre équipage de bras cassés, composé aussi bien d’un historien que d’ados, d’une vieille dame, d’un bébé ou d'un vieil ermite.
Tous les membres de l'équipage ayant voix au chapitre – et Saltsea Chronicles permettant de créer des embranchements de sauvegardes pour expérimenter différents choix et sélections de personnages pour les escales –, le titre se permet ainsi de couvrir très largement, et de manière extrêmement juste et sincère, toutes les thématiques citées ci-dessus. Bien loin d’être moralisateur ou trop didactique dans ce qu’il aborde – particulièrement sur les questions LGBTQ+ – le jeu est surtout une très très belle collection de tranches de vie, drôle, touchante, parfois très triste aussi, et atteint un incroyable équilibre entre raconter une histoire aux rebondissements palpitants et brosser le portrait terriblement attachant des membres d’un équipage. J'en suis sorti comme à la fin d’une bonne série ou saga littéraire : heureux d’être arrivé au bout et pourtant si triste de quitter ces personnages auxquels je m’étais tant attaché. 2023 aura été un excellent cru en termes de VN et expériences narratives, et Saltsea Chronicles est définitivement mon coup de cœur en la matière.
glau : The Roottrees are Dead
Les Roottrees sont mortes. Ce 8 décembre 1998, les trois sœurs ultra-connues et leurs parents ont été victimes d'un accident d'avion. Le problème, c'est que la succession de leur empire financier — une confiserie renommée, une marque de vêtements et plus encore — doit prendre en considération tout l'arbre généalogique depuis l'arrière-arrière-grand-père fondateur, à cause d'un étrange testament. C'est à vous qu'incombe la tâche délicate de retrouver tous les membres de cette tentaculaire famille, à l'aide de votre fidèle modem et de Spidersearch, le moteur de recherche le plus efficace du moment.
De page en page, de référence en mot-clef, The Roottrees are Dead tisse sa toile et nous embarque dans ses histoires de famille à tiroir sous la forme d'un Obra Dinn, en validant régulièrement nos trouvailles. Heureusement, parce que l'enquête va se révéler ardue et il faudra probablement vous munir d'un calepin en plus de celui disponible in-game. Même ainsi, il sera difficile d'échapper à la frustration de fin de jeu, dès lord qu'il manque un indice devant lequel on est passé deux mille fois.
L'enjeu en vaut la chandelle. D'abord, The Roottrees are Dead est gratuit et disponible là, maintenant, dans votre navigateur, à un clic d'ici. Un avertissement peut-être, il ne faut pas être allergique aux portraits fabriqués par Midjourney — c'est gratuit, on vous a dit. Les graphismes ne sont de toute façon pas le point fort de l'exploration généalogique. Le véritable trésor est cette écriture jazzy du web ambiance fin de millénaire, au doux son du ronronnement de notre vieux PC. Les jeux d'enquête sont toujours des jeux d'atmosphère, et cela suffit à nous faire relancer le titre, quitte à repasser pour la vingtième fois dans les archives familiales pour trouver ce que faisait ce fichu 42e Roottree.
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zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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