En janvier, The Pixel Post fait son Calendrier de l’Après ! Chaque jour, retrouvez un jeu sorti en 2020 que nous avons adoré, mais qui n’a pas tout à fait eu l’écho que nous espérions. Aujourd’hui, Shift vous parle de Ikenfell, le jeu doux et bienveillant dont le monde avait besoin cette année.
Si le reste de la rédaction a visiblement eu du mal à trouver sa petite perle indé de l’année, ici c’est tout le contraire : ma liste atteint presque la dizaine de jeux, grâce à mon attrait pour la scène indépendante, certes, mais plus probablement à cause de mes achats compulsifs qui me font craquer plusieurs fois par mois pour un titre à dix balles et quelques, sur lesquels je peux passer aussi bien 20 minutes que 20 heures – voire plus de 100, me disent mes stats de Celeste. Dur de choisir, donc, dans l’avalanche de titres que j’ai pu tester – de mon côté ou pour le site – , et mon dévolu se jette finalement aujourd’hui sur Ikenfell.
Le titre ne paye pas forcément de mine vu de l’extérieur, tant il semble convenu, avec ses mécaniques empruntées aux RPG au tour par tour façon Paper Mario : La Porte Millénaire ou Bug Fables, son pixel art très joli mais somme toute assez commun, ou même son synopsis d’école de magie et d’adolescent·es découvrant de sombres vérités sur leur établissement. Mais sur cette base assez classique, le titre de Chevy Ray se démarque grâce à une indéniable bienveillance et envie de bien faire, et ce sur tous ses aspects. Une complète réussite, auprès de laquelle j’ai continuellement eu envie de retourner tout le long du mois d’octobre, à la manière d’un doudou qui m’aurait attendu à la fin de chaque journée nulle et qui m’a fait un bien fou au milieu de cette année 2020 merdique.
Une bienveillance d’abord envers son public, qui pourra être particulièrement ménagé s’il le souhaite. J’en ai fait mon cheval de bataille depuis quelques mois, et je dois admettre qu’Ikenfell en a été le principal déclic – aux côtés de Disc Room et Super Cable Boy – en se détachant à son tour des standards « Facile – Normal – Difficile », pour proposer une expérience entièrement modulable. Vous avez du mal – ce qui serait compréhensible, le jeu est parfois assez ardu – avec les mécaniques de rythme pendant les combats ? Pas de souci, les degrés de réussite d’attaque et défense (Parfait, Bien ou Raté) peuvent être réduits au nombre de deux, en supprimant les ratés. Vous avez VRAIMENT du mal ? Toujours pas un souci, puisqu’il est possible de passer les attaques et contres en automatique ou semi-automatique, de régler les combats en auto-run et regarder le jeu faire, voire de gagner automatiquement toutes les bagarres pour profiter du scénario. Et le titre ne s’arrête pas aux seules considérations de mécaniques et difficulté. Il prend soin de se rendre accessible aux personnes atteintes de différents handicaps et de proposer des trigger warnings pour les différents sujets abordés dans le scénario – parfois assez lourds.
Mais une bienveillance surtout envers ses personnages, tous sympathiques et développés, avec qui on souhaite très vite être pote – une écriture qui détonne pas mal avec les standards actuels du RPG, qui ont un peu trop tendance à ressortir le cliché de héros antipathiques sous couvert de cynisme et second degré. Un groupe de compagnons attachants, donc, qui montrent que l’on peut présenter des personnages gentils et bienveillants sans les rendre niais ou superficiels, et que faire un jeu feelgood n’empêche pas pour autant de placer ses héros dans des situations rudes et d’aborder des sujets graves. Chaque péripétie est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur un ou une des protagonistes et une chose est certaine : les auteurs·trices aiment ces personnages et souhaitent de tout cœur que nous les aimions aussi – ce qui est, je dois dire, la grande réussite d’Ikenfell. On notera également que parmi les sujets abordés, une grande majorité passe par les relations amoureuses et amicales et s’inscrit dans des problématiques LGBTQ+, en traitant avec justesse de genre, de non-binarité, de couples bi et homosexuels, et d’asexualité.
Une tendresse à la fois pour son cast et pour son univers qui se retrouve jusque dans sa bande-son, signée par le duo Aivi & Surasshu – épaulé·es par la talentueuse Sabrielle Augustin – déjà bien connus pour leurs compositions sur Steven Universe, une série qui brassait également des sujets similaires avec tout autant de justesse et bienveillance. Avec ses 75 pistes – beau bébé – , l’OST se détourne vite de ses très très beaux thèmes liés aux environnements, pour se concentrer sur des musiques dédiées aux personnages et leurs variations d’état d’esprit ou de représentation. La musique de combat changera avec la leader du groupe, certains personnages auront droit à leur séquence chantée, et les mélodies représentant certains personnages feront leur retour, mêlées à d’autres dans certaines scènes clés. Une façon particulièrement touchante et efficace de caractériser ses protagonistes par tout autant de leitmotivs et couleurs musicales, de retranscrire leurs personnalités et émotions sans passer par de l’exposition et de rendre mémorables leurs actions et évolutions.
Ikenfell aurait pu se contenter d’être le petit RPG pixelisé de la rentrée, son univers et son système de combat étant bien assez solides pour le rendre recommandable et justifier ses quelque vingt euros. Sa bienveillance de tous les instants, autant pour son public que pour ses personnages, en font un incontournable, tant la volonté de bien faire et de partager cet enthousiasme avec le plus grand nombre se ressent dans toutes les strates du titre, de l’écriture aux options d’accessibilité, en passant par les mécaniques et la bande-son. Ikenfell est un jeu fait avec le cœur et la plus grande des sincérités, et, couplé à un univers passionnant et des mécaniques efficaces et éprouvées, se hisse sans forcer tout en haut des indispensables de 2020.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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