Antagonistes est une série de portraits non-exhaustifs de figures du jeu vidéo qui viennent s’opposer au protagoniste que l’on incarne. Mais plus qu’un simple vilain, ces « méchant(e)s » retenu(e)s possèdent à chaque fois une ou plusieurs caractéristiques qui les rendent vraiment uniques. Évidemment, puisqu’il s’agit d’aborder leurs actions et leurs parcours, parfois en profondeur, les portraits contiennent très souvent des spoils majeurs. Vous voilà prévenus !
It has come to my attention that some have lately called me a collaborator, as if such a term were shameful. I ask you, what greater endeavor exists than that of collaboration? In our current unparalleled enterprise, refusal to collaborate is simply a refusal to grow–an insistence on suicide, if you will.
Du point de vue de Gordon Freeman, et des joueurs et joueuses qui ont parcouru le titre de Valve, ça ne fait aucun doute : Wallace Breen est un traître. Il est le responsable de l’asservissement de la Terre et de la violence quotidienne subie par ses habitants. Or, pour Wallace Breen lui-même, ce portrait est bien sûr bien loin de la vérité. Qu’en est-il réellement ? Eh bien finalement, Gordon Freeman et ses alliés sont plutôt dans le vrai. Mais ça ne veut pas dire pour autant que l’approche qu’a Wallace Breen de ses actions ne mérite pas notre intérêt.
En effet, il n’est pas juste devenu d’un seul coup celui qu’on appelle “l’Administrateur”. Ce titre, il le possédait déjà avant : il gérait le problématique site de Black Mesa, lieu de l’intrigue du 1er Half Life. Son rôle y était assez flou mais il semble déjà s’intéresser énormément à de possibles mondes extraterrestres et à des dimensions parallèles. Son poste lui a en tout cas permis d’accéder de façon privilégiée à un vaste ensemble de travaux et de recherches effectués sur place. Un savoir qui a sans aucun doute été utile pour lui permettre de contacter les forces aliens du Cartel qui s’attaquent à la Terre.
C’est là toute l’intelligence de Wallace Breen. Ce dernier profite du contexte inédit et terrible de cette guerre disproportionnée pour mettre en avant sa capacité à pouvoir entrer en contact avec un ennemi jusque-là inconnu. Les forces de la Terre, dépassées et désorganisées, s’en remettent à lui. Le voilà donc unique négociateur de la planète entière. Ses habiles techniques de diplomatie et de manipulation seront alors au service de son ambition personnelle, flirtant même avec une forme de folie des grandeurs. Il obtient la fin de la guerre, qui aura duré 7 heures, mais à un prix terrible : la dépendance totale de l’Humanité.
Concrètement, Wallace Breen autorise la soumission des habitants de la Terre à la domination indirecte du Cartel et leurs projets. Parmi ces projets, un sort du lot, celui de l’hybridation biomécanique. Il s’agit là d’une procédure d’assimilation qu’ils mettent en place auprès de toutes les espèces intelligentes des mondes dont ils prennent le contrôle. Cela va de pair avec l’installation d’un champ de suppression, effaçant tout désir et rendant la reproduction humaine impossible.
Tout cela, Wallace Breen l’accepte pour deux raisons. La première, comme je l’ai dit, c’est par ambition personnelle. Il accède ni plus ni moins au poste de dirigeant de la Terre. Certes, il n’est qu’une marionnette aux yeux du Cartel, un simple pion facilitant leur implantation. Mais ce poste lui accorde un pouvoir immense et une marge de manœuvre plus importante qu’il n’y paraît.
La seconde, c’est par conviction. Wallace Breen est convaincu des bienfaits du projet d’hybridation et des conséquences qui en découlent. Il ne voit pas le Cartel comme une entité malfaisante, ni comme une véritable menace. Et c’est pour ça qu’il collabore. Il les considère comme des êtres dont le savoir et la technologie offrent une occasion unique pour l’Humanité, celle de se dépasser. Une transcendance aux apports dépassant de loin les souffrances vécues par ses semblables. Il le répète longuement lors de ses discours sur les écrans omniprésents dans Cité 17 : il veut diriger l’Humanité vers un futur grandiose loin des contraintes posées par l’instinct humain. En s’en débarrassant, tous les êtres humains survivants accéderont à un stade supérieur de l’évolution. Voire même à l’immortalité.
C’est aussi pour cela qu’il a un rapport ambigu avec le protagoniste. Il admire son abnégation, sa capacité à résister, et à endosser un destin qui le dépasse. Mais il ne comprend pas comment un scientifique peut se refuser à une telle avancée. Il ne comprend pas pourquoi Gordon Freeman, mais aussi ses alliés, refusent ce pas en avant dans l’histoire de l’évolution humaine. En tant qu’antagoniste, Wallace Breen n’est donc pas foncièrement mauvais. Si le doute demeure quant à son rôle dans la crise de Black Mesa, sa négociation auprès du Cartel et sa collaboration active ont permis d’éviter l’éradication totale de l’Humanité en tant qu’espèce.
Ses derniers mots lâchés à Gordon Freeman à la fin d’Half Life 2, “You need me”, peuvent être interprétés de diverses manières. J’ai personnellement choisi de croire qu’il reste, même devant sa propre mort, convaincu d’avoir agi au service du plus grand bien.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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