26 décembre 1999. Date importante dans ma vie : déjà j’ai passé la fin de journée à ramasser les tuiles de notre toit après la tempête Lothar. C’est également à ce Noël que j’ai eu mon seul et unique chien d’animalerie, un Golden Retriever un peu teubé, tout pété, mais adorable. Mais surtout c’est la date où mon foyer se vit équipé de son premier ordinateur, un Packard Bell avec un Pentium III qui fut quelques mois plus tard gracié par la présence de Windows Millenium, superbe idée. Ma mère, qui avait pris le PC, s’était également fait tenter par un jeu : Alpha Centauri. Ce fut mon premier vrai contact avec le 4X mais aussi avec la SF.
Resituons : en 1999 je jouais déjà à Civilization II. Sur PS1 (je vous jure, je l’ai toujours, c’était injouable) mais aussi en multijoueurs sur le PC du papa d’un ami. Autant dire qu’entre la maniabilité discutable sur PS1, surtout avec la première manette sans stick de l’époque, et le fait qu’on recommençait toujours nos parties avec mon pote, je n’ai jamais fini une partie de Civilization II. Arrive alors Alpha Centauri avec sa boite sublime, son manuel épais comme une notice de machine industrielle et son poster de l’arbre technologique. Rappelez-vous : nous étions le 26 décembre 1999, je n’ai donc pas pu y jouer tout de suite considérant que nous n’avions plus de courant suite à la tempête. Par contre, ce que j’ai fait, c’est lire le manuel.
Je l’ai toujours ce manuel, et pour cet article j’ai profité de passer chez mes parents pour le ressortir. Déjà : la moindre mécanique de gameplay est détaillée, toutes les stats sont là. Ce manuel n’est pas qu’une simple notice pour jouer au jeu c’était une extension de l’univers d’Alpha Centauri (avec par exemple l’extrait d’un roman lié retraçant ce qu’il s’est passé peu avant le jeu). Autant dire qu’en attendant que je puisse y jouer, ce manuel a pas mal enflammé mon imagination de gamin de tout juste 9 ans à qui sa mère venait d’offrir l’intégrale de Fondation (tout remonte à ce Noël : les chiens, la SF, les 4X, c’est dingue).
Parlons-en un peu d’Alpha Centauri. Suite spirituelle de Civilization, le jeu vous transporte en 2200 et des brouettes lorsque l’expédition de l’ONU vers Alpha Centauri (aka : victoire scientifique) est sabotée alors que le vaisseau arrive en orbite. Dans la confusion, sept des leaders du vaisseau s’échappent avec leur capsule de colonisation. Chacune de ces sept personnalités représente une idéologie différente et elles s’affronteront pour la suprématie sur Chiron, la planète qu’elles devront coloniser. Si Civilization est une ode aux accomplissements de l’Humanité, Alpha Centauri est une œuvre parfois cynique sur l’ambition et les idéologies qui mèneront l’Homme à sa perte. Rappelez-vous : le vaisseau a été saboté et les dirigeants de l’expédition en profitent immédiatement pour casser l’objectif de coloniser Chiron de manière unie pour s’approprier la planète au nom de leur idéologie respective.
Alpha Centauri se joue plus ou moins comme Civilization II. Les villes deviennent des colonies, les bâtiments des installations, les merveilles des projets secrets, et il y a plusieurs conditions de victoires. Le jeu se démarque par quelques subtilités comme la personnalisation totale des unités (idée qui sera reprise dans beaucoup de 4X de SF). Mais là où Alpha Centauri brille particulièrement c’est par son histoire. Eh oui un 4X peut avoir une histoire, comme nous l’ont prouvé les jeux d’Amplitude dernièrement. Alpha Centauri vous raconte son scénario via des « interludes » textuels qui décrivent les évènements étranges qui entourent la planète. Planète, avec un P majuscule, est en effet semi consciente, la manifestation de sa conscience étant les vers télépathes, créatures terrifiantes paralysant leurs victimes en les bombardant de rêves horribles pour implanter leurs larves dans le cerveau de leurs proies. Au fil du jeu on découvre que l’activité humaine sur Planète rend l’astre de plus en plus conscient, avant que l’Humanité finisse par fusionner avec elle (ce qui est l’une des conditions de victoire, la Transcendance).
Je vous avouerais que je n’ai jamais fini de partie d’Alpha Centauri. J’avais 9 ans, et j’étais foutrement incapable de finir un jeu aussi complexe qu’un 4X par Firaxis. En revanche ce jeu a capturé mon imagination, j’ai encore en tête certains des films de merveilles, que j’ai regardé en allant fouiller dans les fichiers du jeu (une autre première pour moi). Ils étaient parfois perturbants, souvent incompréhensibles, mais avaient ce pouvoir d’attraction irrésistible (je vous en mettrais quelques uns en fin d’article). Idem pour Planète qui m’a introduit au concept de monde vivant (que je retrouverai quelques mois plus tard en finissant Fondation, une des inspirations du jeu, tout est lié !). C’était la première fois que je voyais une map comme personnage à part entière (par exemple Chiron réagit à ce que vous faites en vous envoyant plus ou moins de vers télépathes en fonction de votre empreinte sur l’écosystème planétaire). Les Factions, avec leurs idéologies radicalement différentes, m’ont fait comprendre qu’il y avait plusieurs moyens d’être une société (j’avais 9 ans hein, allez pas croire que je suis devenu révolutionnaire à cet âge-là, je m’en foutais). Et finalement j’ai fini par lire quasi l’intégralité de leurs inspirations qu’ils détaillaient dans le manuel : Asimov, Aldiss, Heinlein, Clarke, Herbert et j’en passe. Alpha Centauri est donc à la racine de mon amour actuel pour la science fiction et rien que pour ça je dis merci à Firaxis, à Brian Reynolds et à ma maman (qui, quelques années plus tard, se lamentait que je ne lisais que ça, c’est de ta faute maman).
Mais le plus beau dans toute cette petite histoire de nostalgie c’est qu’Alpha Centauri, et son extension Alien Crossfire, sont toujours disponibles, et jouables, chez les gentils polonais de Good Old Games, pour un peu moins qu’un kebab. Le jeu a évidemment un petit peu vieilli, mais reste quand même agréable pour peu que l’on soit capable de passer outre une interface qui semble plutôt avoir été conçue pour un logiciel que pour un jeu vidéo (il y a beaucoup trop de clics droits). Il manque également deux trois innovations que les Civilization suivants ont apporté (comme stacker les unités), mais globalement le jeu est toujours sympa à jouer, n’hésitez pas si vous êtes curieux de voir à quoi aurait dû ressembler Beyond Earth.
Quelques films des merveilles (attention y’a des trucs très très creepy) :
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
follow me :
Articles similaires
Le backlog de TPP : plancton, démons et apocalypse
nov. 07, 2024
Le backlog musical : un crabe, des robots et du pesto
oct. 20, 2024
Le backlog de TPP : licornes, tapis roulants, disparition
oct. 05, 2024