Attendu avec impatience par les amateurs des jeux Supergiant Games, Pyre est sorti le 25 juillet dernier sur PC et PS4, trois ans après Transistor. Avec ce jeu, les développeurs ont voulu se démarquer des précédents : une narration différente, un gameplay se rapprochant plus du jeu de sport en équipe que de l’action-RPG et une nouvelle direction artistique tout en dessin.
Vous voici arrivé dans le Downside, le lieu d’exil des criminels du Commonwealth, au bord de la mort. Vous êtes sauvé par trois figures masquées, qui vous posent une question essentielle : savez-vous lire ? Il se trouve que vous avez été exilé pour ça et vous devenez rapidement leur Reader, chargé de les guider dans les rites du Downside qui pourront à terme les mener vers leur liberté et l’absolution de leurs crimes.
Une osmose parfaite
Les jeux de Supergiant Games ont toujours eu une particularité par rapport aux autres : si le gameplay, la narration et la musique peuvent sembler moyens pris un par un, ensemble, ils se renforcent les uns les autres pour créer un jeu complet, tout en harmonie. Pyre n’échappe pas à la règle. A la première écoute de la musique (mise sur YouTube par les développeurs dès la sortie du jeu), j’étais assez déçue, trouvant tout un peu en deçà des opus précédents. Mais c’est en jouant que les mélodies trouvent leur sens, chacune décrivant l’ambiance d’un lieu ou les caractères des équipes que vos personnages affronteront dans les Rites. Ce qui permet de rajouter du dynamisme dans un jeu où la plupart des choses sont dites à travers des textes, comme dans un visual novel, les personnages se contentant d’une réplique dans une langue inventée à chaque prise de parole. Et les musiques sont d’autant plus intégrées à l’histoire que les parties chantées sont interprétées par deux personnages, ici le Lone Ministrel et Céleste, chargés de veiller au bon déroulement des rites de libération et de raconter en chansons l’histoire de votre équipe.
Il en est de même pour le gameplay, qui est tout à fait différent de Bastion et de Transistor. Point d’action-RPG ici, vous contrôlerez une équipe de trois personnes et votre but sera de marquer des buts/des paniers avec une orbe stellaire dans le bûcher des autres, afin d’amoindrir leur flamme. Très surprenant au premier abord, le gameplay finit par faire sens avec l’histoire : dans ce jeu, il n’est pas question de faire du mal ou de détruire les adversaires. Tout se déroule sous une forme de rites religieux, où chaque équipe doit être respectueuse de l’autre et où ce qui est jugé est leur capacité à travailler ensemble comme si les trois personnes de l’équipe ne formaient qu’un. Même si la finalité est presque plus violente, vu qu’en cas de victoire, vous ne toucherez pas à l’intégrité physique de vos adversaires mais à leur moral, en amoindrissant leurs chances de retrouver leur liberté. En effet, le jeu est découpé en deux parties : la partie où vous voyagez avec vos coéquipiers qui est celle de l’histoire et la partie comprenant le gameplay, les rites en eux-mêmes. Chaque rite, gagné ou perdu, vous fait avancer vers le rite final, qui vous permet de choisir un compagnon à libérer. Mais à chaque fois qu’un de vos compagnons retrouve la liberté, vous enlevez une chance à votre ennemi d’être libre, les rituels fonctionnant en cycle et (spoiler) sont limités en nombre..
De l’importance de la narration
ATTENTION SPOILERS !
Comme dit précédemment, vous incarnez donc le Reader, celui chargé de guider les personnages du jeu à travers les épreuves, grâce au Livre des Rites, qui décrit la mythologie et l’esprit dans lesquels ces rites ont été réalisés. Votre arrivée permet de réveiller les étoiles qui indiquent le lieu des épreuves et de faire renaître les Nightwings, une équipe créée par les Scribes pour affronter toutes les autres et leur donner une chance à la liberté et à la rédemption. Vous voilà donc parti en vadrouille avec les nouveaux Nightwings, à suivre les étoiles et à enchaîner les épreuves pour donner une chance aux membres de votre équipe d’être libres.
Plus abordable au final que les histoires mystérieuses de Bastion et Transistor où de nombreuses questions restaient en suspens même à la fin, l’histoire de Pyre parle également de thèmes plus graves et plus ésotériques. La religion tient une place prépondérante, avec les Scribes, sorte de demi-dieux fondateurs de l’esprit du Commonwealth, la terre d’origine de tous. Chaque Scribe représente l’une des races que l’on trouve dans le jeu, afin de souligner l’amitié possible entre les peuples. Par la suite, ils ont créé les Rites, afin que chacun puisse prouver son mérite et ait une chance de racheter ses erreurs. Mais le Commonwealth d’où vos personnages viennent n’est plus celui des Scribes. La nation fondée sur la miséricorde et l’amitié entre les peuples est devenu une sorte d’atroce mélange entre 1984 et Fahrenheit 451 : un totalitarisme en guerre permanente contre les harpies, où la lecture est criminelle et les livres, brûlés. Une méthode qui permet aux dirigeants de se prémunir contre toute révolte au sein de leur nation mais également dans le Downside, le lieu d’exil, où sans Reader, l’équipe des Nightwings ne pouvait se reformer et relancer le cycle des Rites.
C’est à partir de ce moment-là que l’histoire de Pyre prend une tournure intéressante, bien qu’il faille malheureusement attendre quelques heures pour y arriver. Ce qui commence comme une histoire de rites religieux sans autres enjeux que la liberté et la promesse d’une haute place dans la société du Commonwealth se transforme en révolution qui dépasse chaque protagoniste, dont le but principal devient le bien-être de leur nation plutôt que le leur. En effet, l’ancien Reader des Nightwings, Volfred Sandlewood, a mis en place un plan pour reformer son équipe détruite suite à une trahison qui a causé la mort de deux de ses coéquipiers. Il charge un jeune homme, Hedwyn, de recruter tous les compagnons qu’il puisse trouver tant qu’ils sont de race différente et de se trouver un Reader pour réveiller le livre des Rites et les étoiles qui mènent aux épreuves. Son but final étant de libérer huit personnes, représentant chacun une race comme les Scribes, afin de mener une révolution dans le Commonwealth. Ce changement complet dans les enjeux des personnages permet de modifier votre perspective sur l’histoire. Devez-vous libérer les gens qui correspondent le plus à l’image de la révolution ? Ceux envers qui vous êtes attachés et qui ont des gens qui les attendent de l’autre côté ? Voire même vos « ennemis », qui ont chacun leurs propres histoires et qui sont pour certains très sympathiques, quitte à faire capoter la révolution programmée ? Encore une fois, Supergiant Games brille à travers son scénario, vous permettant de plus de choisir la finalité de l’histoire pour la première fois, faisant de vous un protagoniste à part entière plutôt qu’un spectateur un peu passif du destin des personnages.
Des faiblesses qui peuvent être des forces
Pyre a indéniablement des points faibles mais leur particularité, c’est qu’ils ne seront pas les mêmes selon les joueurs. Certains, comme moi, regrettent un gameplay lassant et un jeu qui traîne sur la longueur alors qu’il aurait très bien pu se finir avec deux heures de moins. D’autres détestent l’histoire, qu’ils trouvent superficielle et peu développée tout en adorant le fantasy ball qui sert de gameplay. Au final, il est très dur de donner un avis objectif, comme certains ont essayé de le faire, sur un tel titre : tout est une question de ressenti et dépend de ce qu’on attend d’une expérience vidéo-ludique. Pyre nous fait nous reposer la question de ce qui est essentiel pour faire un bon jeu : un gameplay agréable, une bonne histoire, de beaux graphismes ? D’ailleurs, votre expérience ne sera pas la même qu’un autre selon ce que vous privilégiez : comme dit précédemment, vous devrez choisir plusieurs fois un personnage à ôter de votre équipe. A vous de voir si vous choisissez selon l’attachement que vous avez envers un personnage ou si vous préférez la tactique et l’optimisation en choisissant les moins efficaces en premier.
Malgré tout, Pyre n’est pas un jeu qui convient à tout le monde. Certains ne trouveront leur compte dans aucun aspect, d’autant plus que le titre est en anglais uniquement et demande beaucoup de lecture. Et même si vous avez apprécié Transistor ou Bastion, rien n’indique que vous aimerez celui-là tant il se démarque de ses prédécesseurs. Je suis personnellement restée un peu partagée sur ce nouvel opus jusqu’à la fin, où quelques heures après, je me suis rendue compte que les personnages et l’ambiance générale me manquaient. Pyre est le genre de jeu qu’il n’est pas facile de décrire et de recommander ou pas. Au final, tous les tests et critiques au monde resteront un peu vains, pour savoir si on peut apprécier ce titre, il n’y a pas d’autre moyen que d’y jouer.
De mon point de vue, Pyre fait honneur aux précédents jeux de Supergiant Games. Si l’histoire des personnages vous prendra sûrement moins aux tripes que l’histoire d’amour et de musique déchirante de Transistor, ce nouveau titre a l’avantage d’avoir une véritable fin qui ne vous fera pas cogiter pendant des heures sur la finalité de votre session de jeu. Comme à chaque fois, il faut saluer la performance de Logan Cunningham, qui délaisse son rôle habituel de narrateur pour faire la voix d’un des seuls personnages parlant anglais et qui est toujours aussi saisissant dans sa performance. Il en est de même pour les mélodies de Darren Korb, portées par sa voix et celle d’Ashley Barrett, qui forment un duo toujours parfait, donnant un peu de relief à un jeu qui en aurait manqué autrement. L’osmose entre le travail de chacun nous donne un très bon titre, un peu long sans que l’on regrette au final les heures passées dessus. Mention spéciale pour la direction artistique et pour cette musique à la fin (qui spoil un peu), personnalisée selon vos choix.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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