Même si le pays est un sous-traitant de choix avec de nombreux développeurs de talent officiant sur de grosses productions étrangères, il est assez rare qu’un jeu bulgare arrive jusqu’à nous. C’est désormais le cas de Lifeslide du studio Dreamteck, qui arrive même en volant puisqu’il y est question de piloter des avions en papier.
Je me demande souvent, en repensant aux vieux titres arcade, si tous les jeux sont obligés d’avoir un propos ou un scénario. Comme un vieux réflexe venu de cette époque, beaucoup de développeurs essayent encore d’habiller leurs expériences de jeu assez abstraites (que ce soit des beat them up ou des expériences purement esthétiques) d’un semblant de contexte. Libérer la princesse, vaincre une dépression ou trouver un trésor : il est rare que même les expériences les plus purement arcades ne se dotent pas d’un argument quelconque pour justifier leur existence. C’est ainsi que Lifeslide entend pompeusement vous faire traverser « toutes les étapes de la vie » à dos d’avion en papier : de l’adolescence aux turbulences en passant par les doutes ou la quête de la paix intérieure, on y glisse de biome low poly en biome low poly comme on avance dans l’existence, en traversant paysages et saisons. Et franchement, ce n’était presque pas la peine, tant le plaisir de devenir le meilleur pilote en papier mâché se suffit à lui-même. Tant et si bien que, en somme, Lifeslide est déjà par la force de son gameplay le meilleur simulateur de vol sans vrai avion paru en 2021.
Retrouver la joie que nous avions
Lifeslide a une proposition si minimaliste que la résumer par des mots semble presque ne pas lui rendre hommage, mais disons que c’est une sorte de Outrun avec des avions de papier. Vous y incarnez donc un bout de journal plié qui doit rejoindre le prochain checkpoint avant la fin du chronomètre, et vous contrôlez les directions : haut pour ne pas frapper le sol, bas pour gagner de la vitesse, et gauche/droite pour y éviter les obstacles qui se dressent devant vous. Voici les seuls fondamentaux que vous aurez à acquérir, la pureté du gameplay étant ici quasiment totale. L’histoire qui accompagne le jeu est de ce fait assez anecdotique, mais elle est racontée avec une grande discrétion et sans jamais être envahissante, consistant essentiellement à quelques inscriptions en surimpression dans les décors à chaque changement d’environnement, et donc d’étape de votre vie.
Bien entendu, cette seule proposition de virevolter tout droit serait vite lassante, il est donc essentiel de s’orienter correctement dans les différents environnements proposés. En ramassant tout d’abord différentes gemmes : certaines servent de bonus de temps, d’autres génèrent de la monnaie à dépenser dans la boutique in game du jeu pour débloquer du contenu, comme nous le verrons plus bas. Mais aussi en ciblant les différents éléments qui vont vous permettre de prolonger plus loin votre vol : courants ascendants, items permettant de faire un saut de la dernière chance, accélérateurs ou autres rampes de propulsion.
Il est ainsi quasiment impossible de terminer Lifeslide d’une traite : vous aurez besoin pour cela de meilleurs avions que ceux proposés en début d’aventure. Néanmoins, l’échec fait pleinement partie du fun puisque le level design du jeu a été particulièrement soigné et que tout « incident » (plus de temps, l’avion se prend un mur, tombe dans l’eau etc.) se solde par un rechargement quasi instantané de la partie. En gros, chaque biome peut se traverser en moins de deux ou trois minutes, mais recèle de nombreux passages secrets et petits challenges alternatifs qui brisent le sentiment de répétition. De ce point de vue, Lifeslide est presque autant un jeu d’exploration qu’un jeu de pilotage, et c’est sans aucun ennui qu’on retraverse tel ou tel environnement en quête de trésors demeurés cachés.
Notons d’ailleurs qu’en plus de la quête principale, un système de navigation « Zen » vous permettra de réexplorer à votre guise un niveau ou un ensemble de niveaux, facilitant la tâche de ceux qui souhaiteraient platiner le jeu, tandis que les amateurs de scores se tourneront vers le mode défi, proposant les habituels challenges hebdomadaires pour comparer vos courses avec celles des autres joueurs. Des options pour le moins classiques, mais confortables.
Flight Simulator RPG
La notion de progrès dans Lifeslide ne se résume cependant pas à simplement faire avancer le plus loin et le plus longtemps possible un avion, les développeurs ayant introduit, comme je le spécifiais, une mécanique de monnaie qui vient s’ajouter au « simple » gameplay de vol. Une partie importante de votre prise de risque pendant vos sessions de vol sera de choisir entre ramasser des gemmes de temps (vous donnant donc du confort pour finir le niveau) et des gemmes de points. Ces dernières viennent garnir un compte qui vous servira à améliorer les caractéristiques de votre avion mais aussi à en débloquer de nouveaux, ces derniers ayant de meilleures caractéristiques en termes de capacité à planer, en résistance aux chocs ou à la friction, ou encore en prise de vitesse. Oui, vous abandonnerez bien vite l’idée d’avoir des avions en papier qui fonctionnent comme des vrais, ceux-là sont ostensiblement cheatés.
C’est la petite cerise sur le gâteau de Lifeslide : cette progression générale que l’on ressent très fortement au fil des parties, davantage que je ne le pensais au départ. Si les premiers avions, coincés aux stats les plus modestes, ne sont pas si amusants que cela à conduire, ceux que l’on débloque vers la fin du jeu, une fois les caractéristiques de vol boostées au maximum, donnent l’impression de piloter d’impressionnants bolides. On aurait peut-être d’ailleurs aimé que l’ensemble des avions se débloque un poil plus vite : vers la fin du jeu, il vous faudra grinder assez longtemps pour débloquer les derniers aéroplanes et les derniers « boosters ».
C’est peut-être d’ailleurs le seul vrai défaut de Lifeslide. Son expérience, courte et ramassée, est peut-être presque un peu trop diluée pour avoir un impact maximum. Si l’ensemble des niveaux est très inventif, on sent un poil de recyclage et un manque d’inspiration dans le dernier tiers de l’aventure, qui aurait pu être encore plus dense, mais c’est vraiment histoire de dire que tout n’est pas absolument sans reproche. De même, on peut aussi signaler quelques rares bugs (l’avion qui disparaît, une poignée de textures qui s’affichent à moitié) ainsi que des ralentissements ponctuels qui font parfois lever un sourcil, mais au final rien de bien grave.
Lifeslide a été testé sur PC via une clé envoyée par l’éditeur. Le jeu est également disponible sur iOS.
Lifeslide ne raconte vraiment pas grand-chose, même s’il tente de se donner les atours d’une métaphore sur la vie, l’existence et tout le reste. Qu’à cela ne tienne, il est surtout excellent pour ce qu’il est une fois le pad en main : une expérience paisible de course contre la montre, un jeu d’arcade efficace mais tranquille qui vous offre le plaisir simple de commander des véhicules à la physique parfaitement travaillée dans des décors superbes et variés. Accessible et amusant, plein de surprises tout au long de l’aventure, Lifeslide représente tout ce que je cherchais en termes de sensation de conduite et de pur plaisir de jeu. À moins que vous soyez totalement allergiques à l’idée de piloter des avions en papier, je ne vois aucune raison pour ne pas l’essayer au plus vite.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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