« We have no tomorrow, but we can still have hope for the future ». C’est avec ces paroles que The Boss, mentor de Naked Snake, s’adresse à lui alors qu’ils s’apprêtent à s’affronter. Un combat qu’il ne souhaite pas. Et qui aura pour conséquence, après des années de doutes et de déni (et 2 opus PSP), de faire du soldat obéissant et optimiste, un leader sombre et déterminé. Metal Gear Solid 3 possède, comme la totalité des autres épisodes de la série, une narration unique. Kojima, le créateur, n’a jamais caché son amour pour le cinéma, et on le ressent dans les plans, la mise en scène, les dialogues. Au-delà de ces aspects techniques, c’est dans la construction du récit, de la légende Metal Gear Solid, qu’apparaissent le mieux ses influences.
Des personnages profonds, complexes, avec chacun leurs faiblesses, leurs espoirs, leurs désirs. Et surtout une histoire qui mêle faits réels et fictionnels, et qui suit le cheminement de Solid Snake, mais aussi de son « père » génétique, du statut de Naked Snake, soldat d’élite, jusqu’au moment où il devient Big Boss, chef terrible d’une nation autoproclamée. Et si les défauts dans le gameplay de ces jeux sont souvent plus que tolérés, c’est parce que l’histoire que Kojima a créée surpasse les maladresses techniques. Ce n’est pas réellement de la perte d’objectivité, c’est uniquement parce que la manière de raconter l’histoire va parfois occulter les manières de participer à celle-ci en jouant au jeu.
Pouvait-on imaginer, des années plus tôt, en pleine bataille entre Sega et Nintendo, qu’un jour viendrait où raconter un jeu dépasserait la simple action d’y jouer ? On peut penser que non. Mais le jeu vidéo a grandi. Il a tellement grandi que 74% des français admettent jouer aux jeux vidéo au moins occasionnellement en 2019, que l’encore très jeune esport, dont il est à l’origine, rapporte des centaines de millions de dollars, ou encore que Mario ou Pac-Man ont dépassé le cadre d’icônes de la pop-culture, pour devenir des figures de l’imaginaire collectif. Le jeu vidéo est en passe de devenir adulte. Pour certains, il l’est même déjà. Alors comment la narration a évolué pour suivre le cheminement de ces progrès vidéoludiques ?
Des prémices timides
Les premiers pas furent hasardeux, mais pas dénués d’ingéniosité. La technologie mettait un frein énorme à la liberté de création d’esprits qui, lorsqu’ils souhaitaient raconter visuellement, devaient se tourner vers des supports plus évidents. L’inventivité a permis le recours à une prouesse pour l’époque, les jeux textuels. Succès immanquables des années 70 jusqu’au milieu des années 80, ils s’agenouillèrent finalement devant l’avènement des jeux vidéo en 2D, qui pousseront le talent narratif vidéoludique du côté d’un genre tout nouveau, le point ‘n’ click.
Des jeux textuels rudimentaires…
Difficile de transcender le joueur avec les jeux de l’époque, les consoles, les moyens, les objectifs, il n’y avait rien à faire, le contexte lui-même semblait faire opposition à une narration développée dans le jeu vidéo. Mais en 1976 est diffusé sur le réseau ARPANET (l’ancêtre militaire d’un certain Internet) le jeu The Colossal Cave.
Considéré pendant longtemps comme le premier jeu vidéo d’aventure textuelle, il serait en fait le second : un dénommé Peter Langston aurait en effet créé un jeu nommé Wander en 1974, longtemps resté un mythe jusqu’à sa redécouverte. The Colossal Cave est le fruit du travail commencé en 1972 par William Crowther, un employé s’occupant des serveurs d’ARPANET, et de Don Woods, qui, en grand fan de Tolkien qu’il était, viendra ajouter à The Colossal Cave un background heroic-fantasy.
Ces débuts du jeu vidéo narratif sont l’affaire de cercles fermés de joueurs. Le textuel est plutôt rebutant, et nécessite parfois quelques connaissances de code informatique, ne serait-ce que pour lancer les jeux. Pas vraiment du tout public à la Nintendo quoi.
Mais déjà à ce moment, il y a cet amour des mondes imaginaires. Un nouvel élan de liberté créatrice et la volonté d’offrir à celui derrière l’écran une dose d’interactivité.
…aux point ‘n’ click des années 90
Avec l’arrivée des graphismes 2D puis 3D, la chute inéluctable des jeux « non graphiques » a dans le même temps vu l’émergence de nouveaux jeux, qui pouvaient mettre en scène les lignes de texte sous une forme visuelle un peu plus divertissante.
Cette époque a forgé des grands noms du jeu vidéo, notamment les productions du autrefois encensé studio LucasArts (maintenant, beaucoup moins), avec des titres comme Day of the Tentacle, Monkey Island ou encore Grim Fandango.
Ces jeux ont trouvé leur public avec le vieillissement de ceux qui ont grandi en passant des heures dans les salles d’arcade. Une fois adultes, avec la démocratisation des PC, ils ont pu tenter de retrouver ce divertissement à la maison. Mais leurs envies avaient évolué. Et le besoin d’immédiateté et de réactivité a laissé la place à autre chose. C’est-à-dire des jeux plus travaillés, plus profonds, et qui ne durent pas le temps de quelques crédits.
La souris, cette prouesse technologique démocratisée alors depuis une dizaine d’années, permet de repenser les actions et le déroulement de l’histoire. Les créateurs de jeux vidéo peuvent faire des histoires complexes, des plans détaillés, et permettre aux joueurs de se focaliser précisément sur certains éléments parfois cachés ou camouflés. Cliquer permet aussi de sélectionner, de viser, d’ordonner, de combiner. Toutes ces actions développent autant le gameplay qui se met au service de la narration. Le joueur agit pour avancer dans la suite de l’histoire, une histoire qu’il veut comprendre et connaître.
Les améliorations ne sont plus juste technologiques mais aussi directement vidéoludiques. Compréhension des mécanismes, développement des inventaires, déroulement de l’intrigue, tout est repensé.
À partir de ces progrès, les développeurs ont de plus en plus pris conscience que le medium vidéoludique était parfaitement capable de servir de support pour une narration profonde. L’industrie du jeu vidéo étant en croissance quasi-constante, la créativité n’en est devenue que plus importante.
L’avènement d’une narration vidéoludique
La narration vidéoludique ne cesse de devenir plus pertinente à mesure qu’elle s’affranchit des codes plus classiques. Les créateurs de jeux vidéo ne cherchent plus à simplement copier les codes du cinéma ou de la littérature, mais s’en inspirent pour essayer de faire naître un tout unique, quelque chose à la frontière entre le réel et le virtuel. C’est possible par le choix, au cœur de la narration vidéoludique, mais aussi par le lien qui existe entre le joueur et ce qu’il contrôle.
Le choix, force inépuisable de narration vidéoludique
Une bifurcation. C’est souvent avec cet exemple que l’on présente la notion de choix. Et c’est aussi le cas dans les jeux vidéo. Films et livres contraignent à suivre un chemin linéaire, à l’exclusion peut-être de la catégorie « livre dont vous êtes le héros ». Le jeu vidéo a, lui, une capacité à multiplier les possibilités de cheminements. Alors oui, des vidéastes YouTube se sont essayés à l’exercice en cachant des vidéos et où il fallait se balader de liens en liens. Et récemment, Netflix, via l’épisode Bandersnatch, a tenté d’offrir un certain contrôle au spectateur sur ce qu’il avait à l’écran. Mais ce sont là des micro-événements.
Côté jeu vidéo, on a déjà les rogue-likes à la rejouabilité infinie. L’aléatoire crée à chaque fois de nouveaux niveaux, ennemis ou équipements (comme dans Dead Cells, Darkest Dungeon ou Binding of Isaac). Les mondes procéduraux font vivre aux joueurs des expériences à chaque fois nouvelles à grande échelle. L’ensemble du monde où l’on évolue se modifie à chaque partie, tout en gardant sa cohérence globale. Les joueurs de Minecraft vous le confirmeront. Ceux de Starbound ou de No Man’s Sky aussi.
Pour ce qui est du choix, il est une arborescence de causes et conséquences. Si l’on prend l’exemple de Dishonored : vous devez entrer dans un bâtiment. Des gardes font des rondes autour. Vous avez des pouvoirs à votre disposition. L’environnement est vaste et vous avez alors le choix entre vous infiltrer furtivement, ou tuer les gardes qui patrouillent. Si vous entrez furtivement, vous serez comme invisible, aucune conséquence. Si vous choisissez de passer en force, vous risquez de déclencher une alerte si vos meurtres sont détectés. S’ils ne le sont pas directement, le cadavre peut être découvert par la suite. Cela renforcera directement la présence de gardes et l’augmentation de la sécurité dans les prochains niveaux. Et au final la difficulté pour le joueur de passer furtivement.
On voit bien là les effets cause/conséquence, qui finissent le plus souvent par impacter le scénario et donc la narration. Pour retourner sur Dishonored, les conséquences ne se font pas immédiatement sur le scénario, tout le long, il s’agit surtout de conséquences sur l’avancement de la narration. Mais lors de la conclusion du jeu, l’ensemble des choix va influencer le final : bon, neutre, mauvais.
Le but est de faire comprendre aux joueurs que leurs choix ont des conséquences, et donc que l’histoire dépend non pas uniquement des décisions des développeurs mais aussi de leurs propres décisions. Ces derniers disposent les Personnages Non Joueurs dans le jeu, et libre au joueur de venir leur parler ou non. Pour prendre un exemple différent de Dishonored, on peut choisir Fallout 3. Le titre de Bethesda propose une expérience post-apocalyptique qui place le joueur au sein d’une colonie humaine survivante. Ces derniers vivent dans des abris après qu’une guerre nucléaire a ruiné la surface de la Terre.
Dès le début de l’histoire, le joueur se retrouve, par sa progression, soumis à des choix d’apparence anodins. Mais au final, ils vont vite déterminer le caractère du personnage, et la manière dont il fera face aux aléas du monde « terrestre ». Sans spoiler quoi que ce soit (et je pourrais, c’est vrai quoi, maintenant Fallout 4 et Fallout 76 sont sortis), la fin même du jeu dépendra d’un choix, plutôt important d’ailleurs.
Afin d’éviter la création d’un scénario à embranchements trop complexes, Fallout 3 propose une narration classique de RPG. Une histoire principale qui n’avance que si l’on aborde certains PNJ, et des quêtes secondaires à suivre ou non. Ces dernières possèdent leurs propres conséquences mais impactent la narration principale. C’est le cas après quelques heures de jeu, de la possibilité offerte aux joueurs qui ont parlé aux personnages qu’il fallait, de participer à la destruction totale d’une ville de survivants. On a donc le choix entre détruire la ville, ou la sauver. La destruction entraîne réellement sa disparition de la carte, et on perd donc des quêtes et des interactions possibles.
Mais cela permet d’obtenir un lieu sécurisé si on se range du coté du riche propriétaire qui souhaite la voir détruite, puisqu’on pourra aller et venir dans son hôtel privé. Mais cette quête n’influencera pas le scénario directement, cela modifiera uniquement votre propre expérience du jeu.
Dans ces jeux, la narration sera donc le résultat des actions et des choix que fait le joueur. Si, avec Dishonored et Fallout 3, j’ai pu aborder les choix et leurs conséquences à l’écran, la pierre angulaire de la narration vidéoludique reste l’existence d’un lien entre le joueur et ce qu’il contrôle.
Le lien entre le joueur et ce qu’il contrôle
Je vais revenir là sur pas mal de trucs dont j’ai déjà parlé dans une vidéo sur l’interactivité, mais ça paraît inévitable tant narration et interactivité sont liées.
Le lien entre le joueur et ce qu’il y a à l’écran, c’est la plus grosse différence entre un spectateur et un joueur. Breaking Bad représente d’après moi ce qui s’est fait de mieux de ces dernières années tous supports visuels confondus. Mais il manquera toujours au cinéma ou aux séries ce petit plus, cette implication directe qui donne aux jeux vidéo une saveur si particulière.
Le dernier acte de Metal Gear Solid 3 est régulièrement cité comme l’un des plus intenses moments vidéoludiques. Pourquoi ? Parce qu’au bout du compte, le joueur tire sur The Boss et supporte tout le poids de cet acte. La manette devient l’arme, et le bouton, la détente, dans un moment intime où le joueur semblait pourtant mis de côté.
Comprenez-moi bien, il ne s’agit pas de dénigrer des médias plus passifs, ils ont évidemment leurs propres forces. Ce qu’il faut assimiler ici, c’est la légitimité des jeux vidéo à être aussi capables de raconter des histoires. Et parfois même, de le faire d’une manière encore plus prenante que d’autres médiums.
Prenons Life is Strange. Si le format épisodique emprunte aux séries, le développement de la narration est tout ce qu’il y a de plus vidéoludique. Des choix impliquant personnellement le joueur, et à chaque fin d’épisode, des confrontations avec les choix d’autres joueurs. Conséquences : on est presque poussé à refaire l’histoire pour explorer des choix différents. Mais on est surtout influencé sur notre manière de poursuivre l’aventure. Si une majorité des joueurs s’est montrée sympathique envers un personnage, doit-on, au regard de ces résultats, changer d’attitude ? Ou, au contraire, conforter nos choix précédents ?
Et, à la différence des « histoires dont vous êtes le héros », on voit évoluer les personnages avec lesquels on interagit. La présence visuelle des personnages qui subissent nos décisions nous impliquent forcément plus. Mais ce n’est pas tout.
Le lien dépasse vite le visuel, et aborde même l’émotionnel. Parce que ce n’est pas juste les réactions, actions, et avenirs des autres personnages qui vont nous affecter. Ce n’est plus non plus uniquement la sensation d’être nous-mêmes le responsable des actes et conséquences. C’est au-delà de ça. Le personnage contrôlé acquiert sa propre existence. Cela crée un état étrange, mixant à la fois notre existence réelle, notre lien au jeu, et le jeu lui-même.
En finir avec l’opposition narration/gameplay
C’est ce qui ressort finalement de tout ça. L’opposition longtemps soutenue entre narration et gameplay ne tient plus. D’autant que le jeu vidéo ne se contente plus de copier ses médias aînés, mais possède une narratologie spécifique. Les expériences narratives en sont donc ses meilleurs témoins. Mais pas que.
Toutefois pour beaucoup, l’opposition n’existe plus que dans la tête de quelques réfractaires. Et il s’agit désormais d’imaginer la suite.
Deux jeux pour deux voies différentes
La réussite critique et publique des expériences narratives témoigne d’une nouvelle manière de concevoir le jeu vidéo. Parce qu’elles créent un lien entre le joueur et le jeu en faisant de ce dernier une expérience de narration. Une focalisation qui se fait souvent au détriment du gameplay, qui s’en trouve limité. Le but des expériences narratives est de remplacer le lien d’interactivité par un lien émotionnel. Une relation affective se crée entre le ou les personnages, et le joueur, rendant l’expérience plus vive.
Firewatch par exemple remplit ce rôle à merveille. Pas question d’expérience de gameplay transcendante, ou de gros scoring. Au mieux, vous pouvez vérifier si vous avez validé des succès Steam. Ce qui compte, c’est l’expérience. Le simple fait de jouer, de vivre l’histoire qui a été créée par les développeurs. Pourtant le gameplay de ce jeu est incroyablement pauvre. Pas de saut, pas de dash avant ou arrière. Le gameplay n’est pas absent, vous continuez de jouer, mais vous êtes distancés. Il ne s’agit pas vraiment de QTE, en tout cas pas dans le sens d’un gameplay de réactivité. La participation du joueur est là pour lui rappeler que sa présence est nécessaire dans un récit où il est impliqué, et où l’histoire n’est là que parce qu’elle est jouée pour lui.
Et c’est pour ça que les expériences narratives ont bouleversé un schéma de narration qui était devenu assez commun. A savoir la séparation assez stricte entre phases de jeu et phases de narration (cinématiques). Les expériences narratives reviennent finalement plus à ce qu’on avait au début du jeu vidéo, mais en remplaçant les petites commandes de mots-phrases ou de verbes par des actions contrôlées mais simples. Et les textes descriptifs, par des décors graphiques.
L’autre cas, que Bioshock traduit le mieux d’après moi, c’est celui du « jeu-récit ». Qu’est ce que je veux dire par « jeu-récit » ? C’est pour moi l’introduction subtile de l’histoire du jeu sans que le joueur n’ait à faire des efforts volontaires de compréhension, notamment par la lecture. Il ne s’agit pas d’amener le joueur à réfléchir le gameplay par le scénario, mais par rapport à ce qu’il joue. Le récit est alors compris dans le gameplay. Pour l’exemple de Bioshock, il peut être approfondi par l’écoute d’enregistrements audio qu’on découvre durant l’aventure. Mais l’essentiel de l’histoire est parfaitement compréhensible uniquement en se focalisant sur les éléments de gameplay.
Ce qui ressort de cet exemple c’est qu’un jeu qui veut raconter tout en accordant une grande place à un gameplay poussé, doit, pour réussir, faire preuve d’un équilibre précaire. Parce que la narration ne doit jamais occulter le gameplay mais l’accompagner, sans pour autant que son influence ne vienne altérer l’expérience de jeu.
Toujours dans cette optique de narration par le gameplay, l’évident Hollow Knight. Le titre de Team Cherry s’est rapidement imposé comme porte-étendard du metroidvania intelligent, grâce à des mécaniques de jeux soignées parfaitement insufflées dans une histoire aux accents mélancoliques. Car cette dernière n’est jamais imposée au joueur. Elle se dévoile par bribes : par des environnements magnifiquement travaillés, déjà. Mais aussi par la nature des ennemis à affronter ou aux dialogues plus ou moins cohérents avec le peu de PNJ présents. Au joueur ensuite de connecter chaque élément pour que se dessine la vérité sur la chute de tout ce royaume à la beauté macabre. Un talent rare que celui de rendre si captivante une narration pourtant à peine perceptible.
C’est donc là deux choix radicalement différents, qui suivent chacun une voie spécifique afin de supprimer l’opposition gameplay/narration. Les expériences narratives intègrent les émotions du joueur comme une composante essentielle. Le gameplay, appauvri, se trouve lié continuellement à la narration par le biais de celui ou celle qui joue.
Quant à ceux qui souhaitent raconter sans faire de concessions sur l’aspect jeu, ils passent par une narration construite à l’intérieur même du gameplay. De cette façon, il n’y a pas opposition mais complémentarité. Le récent succès d’Outer Wilds est un magnifique témoignage de cette manière de faire.
Narration transmédia et autres trucs
Il reste donc à savoir si d’autres voies sont possibles pour faire évoluer ce schéma dans le futur. Pour certains, la narration transmédia paraît être une alternative crédible aux développements purement vidéoludiques de la narration. Elle a comme caractéristique principale de permettre à une œuvre d’exister à la fois de manière indépendante sur un support, mais aussi d’être intégrée dans un tout plus complet.
Et il s’agit donc de se servir de tous les supports possibles pour étendre un média qui existe et raconter une histoire différente. Évidemment, très vite, l’œuvre initiale s’en trouve dénaturée, parfois avec réussite, parfois sans. Ça n’est donc pas limité au cadre spécifique du jeu vidéo mais le principe est clair : faire évoluer la narration d’un jeu au-delà de son cadre purement vidéoludique.
Il faut le différencier par contre de l’adaptation pure, qui d’ailleurs s’est beaucoup transformée. Dans les années 80 (voire parfois avant) et jusqu’à la fin des années 2000, il était rare qu’un film ou un dessin animé, voire même un personnage marquant n’ait pas le droit à son jeu vidéo (dois-je vous rappeler qu’il y a eu un jeu vidéo Crazy Frog ?). Mais la tendance s’est plutôt inversée durant la décennie qui a suivi, jusqu’à maintenant. Le jeu vidéo sert désormais bien plus souvent de support au cinéma ou aux séries télé que l’inverse. Avec des succès… mitigés. Mais ça n’est là pas le sujet.
Enfin, à côté de cet aspect quasi-extra-vidéoludique, on a aussi des possibilités d’évolutions futures de la narration, plus spécifiquement dans les jeux eux-mêmes. C’est le cas avec la VR par exemple. Certains souhaitent y voir un tremplin technique comme au moment du passage de la 2D à la 3D. Et c’est effectivement une possibilité. Parce que si pour l’instant elle reste largement séparée des jeux vidéo classiques, on peut imaginer des phases VR pleinement intégrées dans ce qu’on considère comme du jeu vidéo classique. Cela pourrait venir remplacer les phases de cinématiques de jeux en vue FPS notamment. Avec quelque chose de moins invasif que les casques assez gênants qu’on connait. Mais c’est un futur encore difficile à prévoir.
Conclusion
Voilà donc pour ce rapide cheminement de la narration vidéoludique. Ce dossier n’avait pas pour but d’être exhaustif, ni d’être une explication scientifique ou sociologique poussée. Ce qui m’a motivé, c’était l’intérêt de faire un parallèle entre l’évolution technique et l’évolution de la narration du jeu vidéo. C’était aussi de voir que les opportunités offertes par de plus grandes possibilités technologiques ont énormément changé la façon de raconter dans le jeu vidéo.
Malgré ça, les foisonnements d’idées qui ont pu voir le jour grâce aux prouesses graphiques notamment, n’ont fait que ramener à des schémas déjà connus. Et les dernières tentatives novatrices semblent plutôt montrer que l’évolution de la narration vidéoludique se fait surtout… au-delà du jeu vidéo. Ce qui ne doit pas nous empêcher d’imaginer des manières nouvelles de raconter dans ce médium si spécifique.
N’hésitez pas à vous intéresser aux implications techniques et scientifiques de la narration en jeu vidéo. Certains chercheurs des games studies s’acharnent à décrire ce sujet souvent complexe, mais intéressant. Je vous conseille notamment cet article très développé d’Esteban Grine, consacré justement à la narration vidéoludique.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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