La mode de ces derniers temps a été les jeux qui, pour se décrire, se contentaient de se comparer à d’autres œuvres existantes. J’ai vu passer un auto-proclamé mélange entre Rimworld, Crusader Kings II et Dwarf Forteress, j’ai eu l’occasion d’essayer un jeu qui se revendiquait de deux œuvres de SF sacrées. Là, avec Banners of Ruin de MonteBearo et édité par Goblinz Studio, on se compare à deux roguelikes très différents dans leur gameplay et leur approche du genre, Darkest Dungeon et Slay the Spire. Le problème avec ce genre de communication, c’est qu’en plus de généralement très mal décrire le jeu, elle appelle à des comparaisons avec les œuvres citées, rarement à l’avantage du titre qui se veut être leur descendant. La faute à une mauvaise compréhension de ce qui a fait le succès de ces jeux et Banners of Ruin ne sera pas l’exception.
Comme Zali vous l’a déjà indiqué, le mois d’août 2020 a été certes rempli par les indés tentant leur chance face à l’exode des AAA vers les mois d’octobre/novembre, mais ceux testés par notre rédaction ont eu tendance à laisser un arrière-goût de pas grand-chose, à part une certitude que vous ne les reverrez pas dans notre GOTY de fin d’année. Des jeux corrects, qui fonctionnent sur le plan technique, avec un gameplay OK mais sans plus, une ribambelle de jeux moyens, déjà oubliés à peine finis. Et je suis désolée de vous annoncer que Banners of Ruin en fait totalement partie.
Ce qui faisait la force de Darkest Dungeon, c’était son ambiance et la possibilité de s’adapter
Tout le monde croit à tort que Darkest Dungeon est uniquement apprécié pour sa difficulté à la limite de l’injuste. Si effectivement ça peut faire des streams amusants, ce n’est jamais ce que j’ai retenu. Un narrateur marquant, une ambiance lovecraftienne parfaitement retranscrite, une DA reconnaissable entre mille, le positionnement qui change la façon de jouer mais surtout, la possibilité de toujours pouvoir rattraper ses erreurs en ayant accès à de nouveaux personnages à faire mourir atrocement, c’est ça l’ADN de ce jeu. Perdre des personnages de haut niveau est toujours un très mauvais moment à passer mais le fait de faire monter plusieurs équipes en parallèle fait passer la pilule. De Darkest Dungeon, Banners of Ruin ne semble avoir repris que la « difficulté » et le positionnement, de façon plus ou moins réussie. Il y a bien une tentative d’histoire, limitée au minimum, où il semblerait que nos personnages soient déterminés à tuer tous les gardes de la ville, mais rien d’extraordinaire pour le moment. La direction artistique est bien faite, à défaut d’être à mon goût, mais les différents tons de marrons, de vert kaki et de gris n’auront aucune chance de s’imprimer à votre rétine.
Banners of Ruin a donc préféré se concentrer sur une difficulté qui peut sembler injuste au début, mais facile à contourner au fur et à mesure que l’on comprend les mécaniques, dont le système de déplacement. Chaque combat se déroule sur deux rangées, avant et arrière, avec trois possibilités de placement sur chaque ligne, gauche, droite et milieu. Early Access oblige, la mécanique est pour l’instant assez peu exploitée, peu d’attaques jouent là-dessus et les conséquences sont surtout pour les ennemis, où les rangées jouent l’une après l’autre si les ennemis sont dispersés sur les deux. Ce n’est pas le cas pour vos personnages, où le déplacement permettra juste de donner différents effets aux rares attaques qui prennent en compte la mécanique ou encore d’esquiver les assauts ennemis dans certains cas. Quant à la difficulté, elle vient uniquement du fait qu’au fur et à mesure du temps, les ennemis ont de plus en plus d’armure et font de plus en plus de dégâts. Il est facile de contourner ça puisque le jeu donne aussi la possibilité à nos personnages de devenir des sacs d’armure mais le manque d’amélioration des attaques rend chaque avancée longue et fastidieuse. Mais ça, j’y arrive tout de suite.
Ce qui faisait la force de Slay the Spire, c’est l’amélioration de son personnage et les styles de jeux différents
On retrouve dans Banners of Ruin un peu plus de similitudes avec le jeu de Mega Crit Games. Déjà, les deux sont des jeux de cartes, nouveau style à la mode que l’on retrouve à chaque conférence, mais on retrouve aussi l’idée de chemin à choisir, de personnages différents, d’objets qui donnent des passifs et la possibilité d’acheter de nouvelles cartes pour étoffer son deck. Mais encore une fois, les mauvaises conclusions semblent avoir été tirées du succès de Slay the Spire : ce qui est le plus marquant ici, ce ne sont pas les ennemis sacs à PV. C’est tout ce qu’il y a autour, qui permet d’aborder ces combats de la façon que l’on souhaite. Notamment le fait de pouvoir programmer son chemin, en sachant exactement où seront les marchands, les points où se soigner, les ennemis élites, les améliorations de cartes etc. Dans Banners of Ruin, on retrouve ce système avec trois chemins, censés mener à trois fins différentes : soit la possibilité de se soigner, soit une amélioration d’équipement, soit pouvoir recruter un nouveau membre de notre équipe, contre monnaie sonnante et trébuchante parce qu’être un rebelle c’est bien, mais la thune, c’est mieux.
Le problème ici, c’est que l’on n’a aucune visibilité sur ce qu’il se passe, les options des chemins se révèlent au fur et à mesure des tours. Enfin je dis « problème » mais pas vraiment au final parce que là où l’on peut croire au début qu’il faut à tout prix suivre un chemin particulier pour arriver à l’option que l’on souhaite choisir à la fin de celui-ci, ce n’est pas le cas. Il suffit juste que le compteur d’options restantes avant la fin arrive à 1 sur l’un des chemins pour que toutes les fins nous soient disponibles. Je ne sais pas si c’est un choix d’early access pour que les gens puissent avancer plus facilement et donc tester le jeu plus loin, ou si ça restera comme ça. Parce que du coup, tout n’est que très superficiel et à part quelques loots un peu plus intéressants, il n’y a strictement aucun intérêt à se fader les combats élites, autant avancer tout droit en choisissant les options les plus simples. Rien à voir donc avec le système de Slay the Spire, qui oblige à bien réfléchir à ses déplacements grâce à ses différents embranchements. Quant aux améliorations, elles se concentrent sur les armes de nos personnages, représentées par une carte spéciale qui est donc liée au perso en question, sur les armures qui donnent… de l’armure supplémentaire au début de chaque tour, sur le choix de l’augmentation de l’endurance, qui permet de jouer des cartes à chaque tour, ou de la volonté, qui permet de jouer des cartes plus puissantes mais qui ne se recharge pas durant le combat, quand on monte de niveau et sur parfois le choix de passifs qui ont différents effets sur les combats. Aucune version supérieure de nos cartes d’attaque par contre, ou même la possibilité d’en tirer plus à chaque tour. Au fur et à mesure, les combats deviennent juste lourds, où tout le monde a de l’armure à gogo, où l’on peut jouer toutes les cartes que l’on tire parce que nos personnages accumulent l’endurance, et où il faut juste passer du temps à descendre des ennemis sacs à PV pendant qu’ils ne font aucun dégât.
L’Early Access, toujours aussi mal exploitée
Il devient dur de trouver un jeu complet à sa sortie en ce moment. La plupart choisissent d’opter pour l’early access, que ce soit pour un retour actif des joueurs ou pour raisons financières. Si je ne suis pas fan du recours systématique à l’early, certaines situations se comprennent. Par exemple Supergiant Games, qui a utilisé cette possibilité pour faire un roguelike ambitieux sous la forme d’Hades. Ils avaient l’avantage d’avoir déjà trois excellents jeux à leur actif, une roadmap claire et la confiance de leur base de joueurs, ce qui a donné une sortie en early idéale, où le contenu jouable était certes court mais propre. En y jouant, il était tout de suite possible de voir la direction qu’allait prendre le titre. Deux/trois coups de peinture plus tard, le jeu est toujours en accès anticipé mais constitue une expérience plaisante, qui donne envie d’y revenir à chaque mise à jour pour faire avancer l’histoire et constater l’équilibrage de gameplay et les ajouts divers et variés. Il y a un autre cas, drastiquement différent, qui est celui de Larian. Même si l’idée d’un RPG en early access me fait frissonner d’horreur à chaque fois, le but affiché est clair : ils veulent des joueurs prêts à leur faire des retours, l’early sera concentrée uniquement sur le premier chapitre et elle ne leur sert qu’à récupérer des statistiques pour travailler les systèmes de jeux et l’équilibrage pour la sortie finale. Une sorte de précommande qui donne accès à une bêta en quelque sorte, qui n’est pas pour moi, mais qui a l’avantage de ne pas mentir sur ce qu’elle est.
Et puis il y a les autres. Ceux qui sortent dans un état qui correspond à peine à une alpha, ceux qui sont corrects mais à qui il manque des features essentielles (n’est-ce pas Temtem et ton absence de journal de quêtes) ou encore ceux qui ne semblent nous donner qu’une idée très vague de ce qu’ils sont réellement. Banners of Ruin tombe dans la dernière catégorie. Je ne saurais même pas dire si je peux conseiller d’attendre un peu parce que je n’arrive pas à imaginer ce qu’il deviendra. Il ne semble que montrer toutes les idées qu’il a, le déplacement, les passifs selon les races, les équipements, sans qu’elles soient vraiment implantées dans cette early. Techniquement, ça marche, mais impossible de dire quelle sera sa forme finale.
Banners of Ruin a été testé sur PC via une clé envoyée par l’éditeur.
Il serait injuste de donner dès maintenant un avis définitif sur Banners of Ruin. Ca reste une early access avec la possibilité que les changements apportés soient drastiques. Mais pour l’instant, je suis face à un gloubi-boulga d’idées piochées à gauche et à droite, aucune n’étant vraiment exploitée ou finie. Pour continuer sur les métaphores culinaires chères à Zali, Banners of Ruin est un plat en sauce tiédasse, qui a attendu trop longtemps sur le comptoir pour que j’en veuille encore et qui aurait mérité de rester plus longtemps à mijoter. Le genre de jeux que l’on consomme si vraiment on est en gros manque de jeux de cartes roguelike, sur lequel le temps que l’on passe n’est ni bon ni mauvais, c’est juste un moment. Certains apprécieront sûrement, pour l’instant mon avis pourrait se résumer par un haussement d’épaules.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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