Vous vous souvenez quand Thanos a cherché à récupérer les Pierres d’Infinité pour pouvoir claquer des doigts et supprimer 50% de la population ? Et bien s’il avait vécu entre 1347 et 1352, il aurait pu voir l’émergence de la Peste Noire qui a réussi à faire plus ou moins la même chose au niveau de la population européenne. Plus de 25 millions de personnes disparues dans d’atroces souffrances. C’est sur cette base que sort A Plague Tale : Innocence, un jeu donc rempli de joie et de bonne humeur.
Oubliez les Ubisoft, Quantic Dream ou autres mastodontes de l’industrie, nous devons l’arrivée de ce Plague Tale : Innocence à Asobo Studio. Vous n’en avez jamais entendu parler ? C’est normal, pas d’inquiétude. Bien qu’existant depuis 2002, le studio bordelais est surtout connu pour avoir adapté des films Pixar en jeu vidéo (à l’époque où cela se faisait encore). A Plague Tale : Innocence est clairement leur projet le plus ambitieux à ce jour (ils ont d’ailleurs eu recours à l’aide de Focus Home Interactive pour éditer ce dernier). Et autant vous le dire tout de suite, j’espère très fort que ce ne sera pas le dernier.
Il y a quelque chose de pourri au royaume de France
Nous sommes en l’an de grâce 1348 en Aquitaine, et l’automne a déjà commencé à avoir des effets sur la forêt du domaine de la famille De Rune. Amicia, 14 ans, la fille de papa De Rune s’entraîne avec ce dernier à manier sa fronde et à chasser avec son adorable chien (que l’on peut caresser, +1 sur la note que l’on ne donnera pas). Manque de bol, le pauvre clébard va connaître un destin funeste au bout de 10 minutes puisqu’on va le retrouver à moitié mort, avant de le voir disparaitre au fond d’un trou dans les bois (-10 sur la note, j’ai hésité à poser la manette et m’arrêter là). Et comme si cela ne suffisait pas, l’Inquisition, imaginez des chevaliers/religieux hyper sympas et qui adorent utiliser leurs armes, débarque chez les De Rune, tue le père de famille, puis la mère avant de partir à la poursuite d’Amicia et de son frère Hugo.
Un petit frère de 6/8 ans qu’elle ne connait presque pas puisqu’enfermé dans sa chambre depuis son plus jeune âge, car il semble être atteint d’une maladie non définie mais qui lui laisse des marques sur la peau et de jolis maux de tête. Pas le temps de s’en inquiéter cela dit, puisque notre fratrie va devoir fuir l’Inquisition qui aimerait vraiment mettre la main sur le petit Hugo. Et comme si les chevaliers ne suffisaient pas, il va vous falloir aussi fuir les rats.
Alors attention, je ne parle pas de quelques rats cachés au fond d’une pièce sombre. Je parle de centaines et même de milliers de rats qui dévorent tout ce qui est fait de chair et ne se trouve pas à côté d’une source de lumière. Vous vous souvenez de ce film World War Z (qui n’est pas sorti je refuse d’y croire, lisez le livre s’il vous plait) avec ces infectés acrobates qui courent partout et se sautent dessus ? Imaginez la même chose mais avec des rats noirs.
Vous allez donc devoir fuir tout en évitant les chevaliers mais aussi les rats et en espérant trouver de l’aide pour votre petit frère. C’est l’occasion pour moi de vous parler de la grande crainte que j’avais avant de lancer le jeu : devoir protéger un personnage sans réelle utilité tout au long de l’aventure. J’ai connu Ashley Graham de Resident Evil 4, j’ai déjà vécu la guerre vous savez ! Et j’ai eu très peur quand le jeu m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas que je m’éloigne trop de lui sous peine qu’il panique et alerte les chevaliers. Rassurez-vous, je n’ai pas pesté (vous l’avez ?) une seule fois sur le personnage d’Hugo. Tout simplement parce que durant la très grande majorité de la grosse dizaine d’heures qu’il vous faudra pour finir l’aventure, vous n’aurez pas à le laisser derrière vous et il vous tiendra la main, faisant de la fratrie en réalité un seul et unique personnage à contrôler : MERCI ASOBO STUDIO !
Au delà de ça, c’est en plus un personnage très attachant qui va vous accompagner dans votre fuite. Alors oui, il est naïf, ne connait pas grand chose d’un monde qu’il n’a jamais vu car bloqué dans sa chambre, mais il n’est pas stupide pour autant et comprend rapidement les implications de vos actions pour le protéger. Et puis si vraiment vous le trouvez insupportable, sachez qu’il ne sera pas avec vous pendant les 17 chapitres de l’aventure et que vous aurez la chance de trouver sur votre route d’autres personnages de votre âge avec qui vous formerez un petit groupe soudé et débrouillard face aux dangers représentés par l’Inquisition et les rats.
Le syndrome Tomb Raider
Parlons un peu gameplay si vous le voulez bien. Celui-ci est composé de deux phases différentes en fonction du danger que vous rencontrerez. Tout d’abord vous avez l’Inquisition, qu’il vous faudra éviter dans ce qui se rapproche le plus d’un jeu d’infiltration. Jeter un vase pour faire du bruit et passer derrière un garde intrigué, apprendre le pattern des rondes des soldats pour passer au bon moment : rien de bien original il faut l’avouer. J’avoue même trouver un peu simple en 2019 de continuer à se cacher dans des hautes herbes, surtout quand on peut se retrouver à moins d’un mètre d’un soldat sans qu’il ne puisse nous détecter alors qu’on est clairement visible au milieu de trois brins d’herbe.
Heureusement pour vous, votre fidèle fronde va pouvoir vous aider à ne plus fuir face à cette menace, puisqu’un tir dans la tête suffit à tuer un soldat. Cette fronde, très (trop) pratique, vous allez pouvoir l’améliorer en récupérant un peu partout des matériaux. De quoi transporter plus de munitions, frapper plus vite et plus silencieusement ou encore briser les casques protégeant certains soldats.
Et puis il y a les phases avec les rats. Cette fois-ci on se retrouve plutôt avec un puzzle-game où il vous faudra trouver un moyen d’aller d’un point A à un point B sans vous faire dévorer. Votre meilleure alliée sera la lumière : celle des torches que vous pourrez transporter, mais aussi celle des braseros que vous pourrez allumer. Une fois encore votre fronde sera d’une grande utilité, puisqu’en utilisant les bonnes munitions (toujours fabriquées avec les matériaux trouvés un peu partout), vous pourrez allumer de loin une torche et vous ouvrir un passage : vive l’alchimie !
Là où le jeu est malin, c’est qu’il va rapidement mélanger ces deux phases de gameplay vous mettant face à l’Inquisition et aux rats en même temps. L’ennemi de mon ennemi est mon ami vous connaissez ? Libre à vous de détruire une lampe tenue par un soldat pour que les rats se jettent sur lui et vous ouvrent un passage. Cela permet ainsi de renouveler l’expérience de jeu avec en plus de nouvelles munitions à utiliser aux effets divers (éteindre les flammes, endormir un adversaire, appâts pour rats amateurs de chair fraîche, etc). Le jeu fait ainsi plus pencher la balance en faveur du puzzle-game que du jeu d’infiltration… Et c’est pas plus mal.
On peut cependant lui reprocher deux choses. La première, c’est un personnage qui, au fil des améliorations de son arme et des découvertes de nouveaux types de munitions, devient trop fort. Si le jeu n’est pas vraiment difficile à la base, vous donnant le plus souvent les bons matériaux pour passer une zone juste en arrivant sur celle-ci, il devient une balade de santé sur la fin. Je me posais plus de questions sur la manière dont j’allais tuer mes adversaires que sur comment j’allais bien pouvoir réussir à passer. Et c’est sans compter sur l’arrivée d’une certaine capacité que je ne vous divulgâcherai pas ici mais qui s’apparente à un très sympa cheat code (bien que justifiée dans le scénario).
La seconde est le manque de conséquences dans les actes d’Amicia. Vous allez tuer, directement ou pire encore, en laissant les rats le faire pour vous. Pourtant cela n’aura aucune incidence sur la psyché de votre personnage ou sur le jeu en lui même. Ce syndrome Tomb Raider est d’autant plus dommage que la première mort (obligatoire) que vous allez causer dans le jeu est vraiment bien retranscrite (y compris d’un point de vue sonore) mais que, une fois cette étape passée, votre héroïne de 14 ans va plutôt bien supporter ces massacres. Peut-être que des conséquences comme celles que l’on pouvait trouver sur un Dishonored, avec plus de difficulté quand on tuait beaucoup de monde, n’auraient pas été de trop.
This is la Peste
Si le gameplay n’est pas le plus original que j’ai eu l’occasion de tester, il est porté par une direction artistique et une ambiance sonore à tomber. Visuellement parlant, la beauté de certains paysages n’est égalée que par le dégout que j’ai pu avoir devant certaines vues composées de dizaines de cadavres, parfois dévorés par les rats. Certaines scènes m’ont laissé un goût de fer dans la bouche. Et les rats… Si individuellement ils ne sont peut être pas modélisés à la perfection, c’est leur nombre qui fait tout le travail. Ce mouvement constant de centaines de rongeurs, tournant autour de votre personnage, prêts à bondir sur vous si vous mettez le pied dans l’obscurité… À glacer le sang !
Et il serait honteux de ne pas mentionner l’excellent travail d’Olivier Derivière sur la bande-son du jeu. Ses musiques, bien qu’on sente qu’elles ont dû trainer parfois un peu trop près de l’OST de Game of Thrones (il faut dire que l’univers s’y prête), collent parfaitement au jeu et aux situations et sont l’occasion d’entendre des instruments pas assez exploités comme la viole de gambe ou la nyckelharpa (à mes souhaits). Et que dire de ces violons stridents à chaque apparition des dizaines de rats (frissons garantis). Finissons par le doublage, très bien réalisé, avec des voix reconnaissables comme Féodor Atkine (Jafar, Hugo Weaving), Bernard Gabay (Robert Downey Junior, Viggo Mortensen) ou encore Léopoldine Serre (T’choupi… Bah quoi ?). Il serait étonnant de ne pas voir tout ce travail récompensé lors de prochaines cérémonies.
A Plague Tale : Innocence a été testé sur PS4 via une clé fournie par l’éditeur. Un des membres de The Pixel Post, qui n’est pas lié à la rédaction, est employé par Focus Home Interactive, mais n’a été à aucun moment impliqué dans la préparation ou la rédaction de cet article.
Que ce Plague Tale : Innocence a fait du bien à mon moral de joueur (en faisant du mal à mon moral d’être humain). Bien sûr il n’est pas parfait et il mériterait de revoir certaines de ses mécaniques mais que ce fut dur de devoir poser la manette et de quitter cet univers. J’espère juste qu’en cas de suite (et il mérite cette suite), les rats ne seront pas remplacés par des insectes ou des araignées, je m’en voudrais beaucoup de ne pas pouvoir y jouer…
Murray
J'aime me prendre la tête, mais uniquement quand c'est dans un jeu vidéo. Sinon j'aime aussi la vie, mais ce n'est pas un amour réciproque.
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