Cette fois-ci dans Partie Rapide, Kalkulmatriciel met des mandales au ralenti dans Your Only Move Is HUSTLE et Shift a tué son mari dans le jeu narratif d'horreur psychologique Loretta.
Your Only Move Is HUSTLE
Your Only Move Is HUSTLE est un projet développé en quasi-solo par Ivy Sly, dont le concept peut être résumé par : une partie d’échecs, mais dans laquelle on colle des patates à son adversaire. Si le principe parait assez simple, il demande tout de même au joueur ou à la joueuse de solides connaissances des mécaniques de jeux de combat.
Bonhommes bâtons-nous
Vous vous êtes essayé à Tekken 4 il y a 20 ans sur la PlayStation 2 de votre voisin, et évidemment il vous a mis la piquette. À ce moment, vous vous êtes dit que non, les jeux de combat n’étaient définitivement pas pour vous, il faut trop de réflexes et de sens du rythme. Heureusement, Your Only Move Is HUSTLE est là pour vous réconcilier avec le genre, grâce à un concept très malin : décomposer chaque action habituellement implicite d’un combat au tour par tour. Même si chaque tour a une durée limitée (30 secondes en mode normal), elle laisse aux joueurs·ses le temps de la réflexion, la réactivité est alors remplacée par l’anticipation.
Minimaliste par essence et par nécessité, le jeu nous donne le contrôle de simples silhouettes qui devront s’affronter jusqu’à ce que l’une d’elles tombe à court de points de vie. Ensuite, un replay nous montre que les 30 minutes passées à élaborer notre petite stratégie ne prenaient en fait que quelques dizaines de secondes en combat réel. Si le mode solo peut s’avérer utile pour tester les différents archétypes et trouver celui qui nous correspond, on ne ressentira l’excitation d’un vrai combat que lors d’une partie en multijoueur. En affichant directement les mouvements à venir lors des prochaines frames et le set de techniques des deux joueurs·ses à l’écran, on se rend compte de la kyrielle de paramètres à prendre en compte chaque seconde lors d’un round. Même s'il se joue uniquement à la souris, le titre permet d’appréhender très rapidement les concepts de gestion de l’espace, de timing ou encore de match up, et la nécessité de bien connaître ses techniques et celles de son adversaire pour ne pas se faire cueillir après un saut mal dosé.
Si Your Only Move Is HUSTLE brille par la fraîcheur de son concept et la profondeur de son gameplay, il n’est tout de même pas exempt de reproches : en gros, le jeu manque d’un bon coup de polish. On l’a dit, chaque partie regorge d’une quantité très importante d’informations qu’il faut afficher à l’écran de manière claire et intelligible. Malheureusement, le résultat est confus, les zooms automatiques sont assez mal gérés et l’IU recouvre régulièrement les personnages, rendant la scène peu lisible et forçant le·a joueur·se à passer une partie de son tour à recadrer sa zone de jeu pour y voir quelque chose.
On peut aussi reprocher au titre d’être des plus cryptiques pour les parfaits novices des jeux de combat. L’absence de tutoriel digne de ce nom rend très compliqué de comprendre des notions propres au genre, les frames, priorités ou autres cancels resteront mystérieuses si une personne de votre entourage qui s’y connaît un peu n’est pas disponible pour un petit briefing.
Your Only Move Is HUSTLE a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Malgré une finition qui laisse à désirer, ce qui est compréhensible pour un projet à petit budget, Your Only Move Is HUSTLE est une vraie bonne proposition de ce début d’année pour dépoussiérer le fighting game. En regardant son gameplay typique d’un point de vue différent, le titre met très intelligemment en lumière les subtilités d’un genre souvent considéré comme un passe-temps pour bourrins. Même s’il sera peut-être nécessaire de potasser un peu les notions de base des jeux de combat pour ne pas se sentir abandonné, ce serait dommage de passer à côté d’une petite pépite qui pousse à enchaîner les parties pour quelques euros.
Loretta
Loretta vit avec son mari Walter dans la ferme pourrie de ses beaux-parents, après avoir dû quitter New York pour fuir les dettes conséquentes de son époux. Des années de rancœur, de non-dits, d’adultère plus tard, et surtout la découverte d’une assurance-vie, Loretta saute le pas et assassine Walter, avant de balancer le corps dans le puits derrière la maison. Le titre de Yakov Butuzoff nous met dans la peau de la veuve meurtrière, dont le but sera de camoufler le meurtre, démêler les secrets inavoués de son mari et s’enfuir avec la thune. Enfin, ça c’est sur le papier. Dans la pratique, on râle beaucoup, sur les puzzles Journal de Mickey, les problèmes de conception, la lenteur du rythme et les mini-jeux mal fichus.
Film noir, horreur psychologique et Adibou
Et c’est très dommage, car si j’ai beaucoup de choses à reprocher à Loretta – au jeu comme au personnage – tout n’est pas non plus à jeter, loin de là – du moins pour le jeu, pour ce qui est du personnage, c’est plus compliqué. La plus grande force du titre repose indéniablement dans son atmosphère, absolument glauquissime, qui s’appuie bien plus sur la force évocatrice de son pixel art minimaliste – disons-le, c’est très variable, et certains décors sont un peu trop flous pour être honnêtes – et de sa bande-son terriblement efficace, que sur de grosses ficelles horrifiques. Les meurtres et scènes choquantes sont montrés avec une sobriété glaçante – quand ils sont montrés tout court – et le titre distille un sentiment de malaise et de dégoût via ses dialogues, ses révélations implicites, ses personnages aux facettes toutes plus répugnantes les unes que les autres. On est dans une économie de moyens parfaitement maîtrisée, qui a compris qu’une mise en scène puissante et efficace peut se passer de jump scares ou effets tape-à-l’œil.
Le scénario, certes plutôt classique dans ses tropes et rebondissements, a tout de même quelques fulgurances qui ont su me surprendre, et réussit à aborder certains thèmes sensibles et peu explorés dans le jeu vidéo, notamment autour de la maternité et des familles recomposées, et ce malgré un style d’écriture parfois caricatural. Un scénario dont je n’ai d’ailleurs pas vu tous les aspects : Loretta dispose de fins multiples et quelques embranchements faisant prendre des trajectoires radicalement différentes à l’histoire. Malheureusement, pour les mêmes raisons que pour Children of Silentown, le titre ne me donne vraiment pas envie de m’investir pour le refaire plusieurs fois afin de tout voir et tout comprendre.
Car Loretta est surtout un jeu narratif à l’exécution terriblement laborieuse. À la frontière du point’n’click et du mode de déplacement au clavier avec les classiques ZQSD, le titre reste le cul entre deux chaises et rend la moindre interaction pénible. Il faudra inspecter les décors à la souris, cliquer sur un élément lancera une petite description ou remarque de la part de Loretta, mais pour interagir avec – ramasser un objet, actionner un interrupteur, quitter une pièce, etc. –, il faudra se déplacer au clavier, puis cliquer sur l’objet une fois à portée. Je ne crois pas avoir déjà vu ça dans un autre jeu du genre, et j’ai ma petite idée de pourquoi. Ajoutez à cela des déplacements terriblement lents, et la moindre séquence de recherche ou de puzzle devient une punition.
D’autant que ces séquences d’énigmes ou d’exploration sont loin d’être passionnantes en soi : si l’histoire est plutôt prenante, son rythme est constamment plombé par des mini-jeux assez nuls et des énigmes à la difficulté quelque peu insultante. Vous voulez en savoir plus sur ces affaires de meurtres, de disparitions, de manuscrit, de coffre-fort, de passé trouble, de maternité difficile ? Loretta vous apportera toutes les réponses, mais il va d’abord falloir se fader des puzzles à 4 pièces, des allers-retours dans la maison pour trouver des fusibles, crocheter des serrures et autres activités que l’on aimerait volontiers voir disparaître du point’n’click pour toujours : ce n’est jamais intéressant, jamais amusant, dans aucun jeu. C’est du pur remplissage, sans propos, sans intérêt ludique, c’est complètement hors-sujet et ça nuit systématiquement au rythme du titre et à l’investissement des joueurs et joueuses. Comment voulez-vous que j’en aie encore quelque chose à faire du destin de Loretta après une grosse trentaine de tentatives sur un mini-jeu de crochetage imprécis ?
Loretta a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Voilà qui est bien dommage. Malgré des dialogues parfois un peu lourdauds, le scénario de Loretta et surtout son atmosphère à la frontière du film noir et de l'horreur psychologique accrochent et tiennent la route jusqu'à la fin, qui donne sincèrement envie d'explorer les autres embranchements et péripéties. Envie malheureusement balayée par la perspective de devoir refaire les mêmes puzzles médiocres et allers-retours laborieux, dont le genre du point'n'click devrait définitivement faire le deuil.
Kalkulmatriciel
Cc c Kalkul. J'adore parler à tous les PNJ, mettre des mandales et saboter les coop.
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