Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali fait exploser des trucs dans le shoot them up Valfaris: Mecha Therion et Batvador nous parle des dégâts du tourisme de masse dans Tourist Trap.
Valfaris: Mecha Therion
Connaissez-vous Steel Mantis ? Parce que ce développeur, c'est tout un délire. Spécialisé dans les expériences de jeu rétro extrêmement brutales, ses productions se distinguent par une bande-son de metal saturé, des gerbes de sang dans tous les sens... et une direction artistique au croisement entre la première PlayStation et un numéro de Métal Hurlant retrouvé dans un grenier. Autre particularité : Steel Mantis n'hésite pas à changer de registre vidéoludique à chaque nouveau titre. Après le platformer Slain: Back from Hell en 2019 et le run and gun Valfaris en 2019, c'est un passage au shoot them up qui s'opère avec Valfaris: Mecha Therion. Dans ce dernier, le héros de Valfaris monte dans un gros robot pour faire exploser des trucs, mais croyez-moi, peu importe, car on n'est pas là pour le scénario.
Death Metal
Oui, parce que l'histoire de Valfaris: Mecha Therion, qui est, croyez-le ou non, la suite de celle de Valfaris, se résume assez rapidement. Nous sommes dans un futur metallo-destroy, et vous poursuivez un méchant à bord de votre engin de l'enfer, en dégommant des abominations d'outre-espace au passage. Tout le jeu et toute sa direction artistique sont issus des cerveaux malades de groupes de hard rock chevelus des années 80. On aime ou pas, mais au moins ça donne un sacré cachet très identifiable à l'ensemble : chiens métalliques de l'espace, dragons interdimensionnels qui tirent des lasers, méchas avec des tronçonneuses en guise de bras, on sait où on met les pieds, à savoir dans mon carnet de dessin d'adolescent edgy de 13 ans en 1998.
Et pour peu qu'on adhère à cette esthétique 100% vulgos, on peut se concentrer sur l'essentiel : le jeu. Et sous cette couche assez bruyante et tape-à-l'œil, il s'avère en fait assez malin dans sa structure, avec une courbe de difficulté plutôt bien pensée. Les niveaux sont découpés en checkpoints dans lesquels on peut dépenser les points obtenus en route pour améliorer sa machine, changer ses armes, et se bricoler le mécha tueur parfait de manière plutôt satisfaisante.
Chaque segment de chaque monde présente ainsi une difficulté spécifique : abattre un boss, esquiver des lasers dans un labyrinthe, échapper à un poursuivant, etc. Ce découpage en séquences brèves au lieu d'immenses niveaux à apprendre par cœur instaure une dynamique très rythmée façon die and retry. Le tout en incitant à refaire des séquences déjà terminées plus tard pour y dénicher davantage de secrets ou de récompenses.
C'est peut-être une des principales surprises que j'ai eues en parcourant le jeu : son level design est étonnamment plus propre et moins bordélique qu'il n'en a l'air et témoigne d'un vrai savoir-faire en la matière. Valfaris: Mecha Therion renouvelle de manière assez continue et convaincante son expérience, et surprend même par quelques confrontations contre des boss assez originaux.
J'ai particulièrement apprécié le fait que les styles de combat proposés soient éminemment modulables, en permettant assez vite de permuter les types d'attaques à distance comme à courte portée. Cela donne l'impression de pouvoir adapter chaque situation à ses propres préférences (dégâts de zone, de précision, nombre et type de missiles, etc.). On n'est certes pas dans la subtilité du banc de montage d'un Armored Core VI, mais l'idée reste la même : pouvoir terminer un ensemble de niveaux assez contraints avec pas mal de liberté de gameplay.
Valfaris: Mecha Therion a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
L'aspect extrêmement criard, beuglant et aux frontières de la beauferie d'un bar de métalleux en fin de soirée masque un peu le fait que Valfaris: Mecha Therion est en réalité un jeu assez abordable. Voire assez amical pour qui n'est pas un amateur de shoot them up chevronné. Il s'agit d'un jeu de tir assez subtil, assez malin, et qui fourmille d'idées plutôt originales et dont le seul défaut (outre son esthétique clivante) serait à chercher du côté d'une action parfois confuse. Quand trop d'éléments sont affichés à l'écran, les confrontations tournent hélas un peu à la bouillie de polygones, mais on a vu bien pire en la matière.
Tourist Trap
Premier jeu du studio uruguayen TragicoMedia, Tourist Trap est un court point and click en 2D à l’ambiance très cartoon et satirique qui ne s’embarrasse pas de subtilité pour parler des dégâts du tourisme de masse, du néocolonialisme et de la marchandisation des cultures autochtones.
Un Truman Show balnéaire
Après un rêve aussi cryptique que cliché, comme on peut le faire remarquer dès le départ, car Tourist Trap ne s’embarrasse ni de subtilité ni de quatrième mur, on suit Lucas, dont la vie entière est régie par une multinationale. Le but de Lucas, c’est d’aller au travail, il est guide touristique sur sa petite station balnéaire, ce qui consiste en fait à divertir les touristes avec sa culture et ses conditions de vie en échange d’un maigre salaire dont est déduit le loyer de sa maison. Maison dont un mur est littéralement vitré pour permettre aux touristes de suivre chacun de ses mouvements. L'absence de quatrième mur est à prendre autant au sens figuré qu’au sens littéral. Le reste de son salaire, on le découvre bien vite, passe dans l’achat de produits vendus par la multinationale, car il n’y a pas d’autres commerces sur l’île. En chemin, Lucas va croiser un singe doté de la parole qui va l’entraîner sur la piste d’une conspiration. Pendant les deux heures de l’aventure, on rencontre une poignée de personnages hauts en couleur et on découvre l’enfer qu’est devenu Santa Ballena pour ses habitants : manque d’infrastructures et de services pour les locaux, monopole commercial, dégâts environnementaux, etc.
Le gameplay de point and click est relativement léger, outre cliquer à droite ou à gauche pour diriger Lucas, il y en a juste assez pour donner l’impression de faire quelque chose et de réfléchir trente secondes, mais guère plus. C’est suffisant pour le temps de l’aventure et permet de ne pas avoir à chercher de solution pour avancer dans le jeu. Tourist Trap est en outre un titre très linéaire qui ne permet guère de détours et nous amène précisément là où il veut aller sans multiplier les quêtes, intrigues et lieux, ce qui le rend très efficace et parfaitement calibré pour sa durée. Le titre n'est pas dépourvu de défauts : les « blablablas » qui remplacent les dialogues sont assez crispants, l’interface n’est pas super intuitive et il n’offre aucune rejouabilité, mais sa courte durée, son propos ramassé et son prix rendent ses défauts minimes et facilement pardonnables.
Le capitalisme trouve toujours un chemin
Tourist Trap rappelle par son ambiance et son humour les point and click des années 1990 comme Sam et Max, les tropes racistes et homophobes en moins. Si j’ai souligné que le jeu ne faisait pas grand cas de la subtilité, ce n’est pas un défaut. En rendant son propos très clair et compréhensible, il oblige le·a joueur·euse à faire face à toutes ces petites réalités dérangeantes qu’on s’arrange pour ignorer lorsqu’on part en vacances dans des lieux « exotiques » et ce que, poussé à l’extrême, nos attentes collectives d’authenticité engendrent pour les locaux et les lieux visités. Avec ses dialogues amusants et sa structure très linéaire, Tourist Trap fait exactement ce qu’il est venu faire et il le fait bien et se paye même le luxe d'un petit twist à la fin.
Au-delà du tourisme, les développeurs expliquent dans le press kit qu'ils souhaitaient faire en filigrane un commentaire sur le statut des créateurs·rices vivants hors de l’Occident, qui se trouvent face à un choix compliqué. S’ils veulent que leurs créations atteignent une audience plus large, ils peuvent soit développer des « produits » adaptés à la culture occidentale (en anglais, généralement en reprenant les éléments et codes déjà établis) ou en marchandisant leur culture (en utilisant les éléments saillants et reconnaissables de leurs cultures tout en proposant une expérience adaptée au monde occidental). S’il est peut-être plus difficile de cerner précisément ce parallèle en tant que joueur·euse, c’est un propos intéressant qui aurait peut-être mérité (encore) plus de place.
Tourist Trap a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Xbox.
Drôle, efficace, divertissant et percutant, Tourist Trap est un chouette point and click qui questionne et illustre les rapports de domination autant économiques que culturels entre l'Occident et le reste du monde. S'il n'est pas exempt de défauts et peut être un peu léger question gameplay, il assume à fond sa forme et son propos et ça marche. Pour ma part, j'ai hâte de voir ce que feront par la suite les développeurs de TragicoMedia.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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