Cette fois-ci dans Partie Rapide, BatVador incarne un agent du FBI, non pardon, du FDI dans The Operator, et Zali plonge dans les tranchées du jeu de survie Conscript.
The Operator
Vous êtes là tranquillement dans votre vie à penser que les représentants de la loi, c’est moyen votre tasse de thé, lâchant un petit ACAB une fois de temps à autre et sans y prendre garde, vous voilà dans la peau d’un nouvel agent du FDI (pas du tout le FBI avec une fausse moustache), dans le très controversé programme des opérateurs. Controversé, car comme vous le dira avec toute la délicatesse qui le caractérise l’agent Walker, il n’est plus possible d’accéder aux indices sans votre entremise et c’est, pour le dire poliment, un peu casse-pied.
Le monde entier est un complot
De l’agent Tanner, dont c’est le premier jour en tant qu’opérateur au FDI, on sait peu de choses, il est plutôt pote avec le directeur et c’est à peu près tout. De toute façon, il n’est qu’un rouage dans ce joli programme tout neuf et il n'a pas le temps de niaiser, le travail l'appelle sous les traits de son superviseur. Fermement situé dans les années 90, The Operator nous confronte à un poste de travail à la fois rétro et en même temps relativement avancé pour ce que j’imagine être la technologie judiciaire à cette époque. De ce poste de travail, Tanner va recevoir des appels d’abord de son superviseur, puis des agent·e·s avec lesquels il va travailler et avoir accès à différentes applications et dossiers relatifs aux affaires en cours. Sa mission, aider les agent·e·s sur le terrain à résoudre leurs affaires en analysant les preuves. Les affaires vont rapidement s’entrecroiser pour dériver vers un monde de conspirations et de complots dans une ambiance qui rappelle X-Files et cette paranoïa poisseuse envers le gouvernement qui nous cacherait l’existence des extra-terrestres ou des expériences scientifiques maléfiques (vous aussi les années 90 ça commence doucement à vous manquer ?).
Autant le dire tout de suite, les puzzles sont relativement simples à résoudre, trouver une identité, une adresse, analyser un échantillon en paramétrant correctement la machine… surtout que le jeu ne vous lâche pas vraiment la bride. Dès qu’on a fait trois pas tout seul, l’un ou l’autre des protagonistes vient vous dire ce qu’il faut faire. Ceci étant dit, c’est un défaut assez excusable, si l’on prend en compte qu’il s’agit d’un jeu assez court et donc que ce que l’on peut découvrir est assez limité et qu’il est développé par une seule personne. S’il faut être à mon avis prévenu sur ce point avant de se lancer, The Operator est un jeu malin qui a l’originalité de faire appel à un storytelling plus sonore que visuel. Toutes les phases en dehors de l’ordinateur sont uniquement racontées (et bien racontées) par des sons et des flashs de couleur, le trajet pour rentrer, le stress quand Tanner se retrouve dans une situation critique… narration sonore qui est d’ailleurs intégrée astucieusement au jeu. À propos de la narration sonore toujours, douze millions de bons points aux acteurs et actrices qui incarnent leurs personnages de façon naturelle et convaincante. Je n’ai même pas été frustrée par l’impossibilité de passer les dialogues alors que la patience n’est même pas dans le top 50 de mes qualités. Par moments, j’ai eu l’impression de regarder une bonne série policière.
Pour ce qui est de l’histoire elle-même, je ne vais pas m’étendre dessus pour éviter de gâcher l’intrigue et les rebondissements, mais en 2 h 30- 3 h, The Operator raconte une histoire qui se tient, avec plein de détails qui viennent étayer vos découvertes, ou mettre la puce à l’oreille, et je ne saurais que trop conseiller d’être attentif·ve aux détails qui viendront prendre tout leur sens à la fin (ou peut-être avant, mais je ne suis pas une très bonne détective). Dans la mesure où le jeu n’a qu’une seule fin et aucune possibilité de passer les dialogues, une deuxième partie n’est pas vraiment indiquée, sauf si éventuellement on échoue à un puzzle précis (j’avoue, je me suis plantée) qui change non pas le résultat, mais la quantité d’informations à laquelle on aura accès pour comprendre tous les tenants et aboutissants de l’affaire.
The Operator a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
En quelques heures, The Operator déroule efficacement son intrigue en s’appuyant sur un casting convaincant et une narration sonore originale. Si on peut lui reprocher de trop encadrer le joueur, c’est un défaut facilement pardonnable au vu de la qualité de l’ensemble et du fait qu’il soit développé en solo. Ce n’est pas parfait, bien sûr, mais c'est un solide jeu policier d’une poignée d’heures et une chouette promesse pour les prochains projets du studio Bureau 81.
Conscript
Le conflit de 14-18 reste encore et toujours un parent pauvre des jeux historiques. À quelques exceptions près, Verdun, Ypres et les Dardanelles passionnent assez peu les développeurs. Si ce n'est pour produire des aventures horrifiques. Quoi de mieux qu'une créature venue des profondeurs pour ajouter un peu d'angoisse à une tranchée pleine de boue et de cadavres ? Et d'une certaine manière, le Conscript de Catchweight Studio ne s'éloigne pas énormément des canons de l'épouvante. À un détail près, cependant : ici, pas besoin d'élément fantastique pour avoir les miquettes. Le simple fait d'être un soldat perdu dans un réseau de fortifications bombardées entre le shrapnel et le gaz moutarde suffit.
Attention ça va tranchée
Conscript est donc un survival-horror, au sens le plus strict du terme : tout est horrible, et il faut survivre. Vous êtes un jeune poilu sur la ligne de front au moment le plus meurtrier de la bataille de Verdun. Rapidement, un assaut réussi des Allemands désorganise les lignes de défense françaises, et vous vous retrouvez isolé et séparé de votre frère, blessé et laissé à un sort incertain. Votre objectif : retrouver ledit frangin, puis si possible votre unité, dans un dédale labyrinthique de tranchées étroites et de fortifications ténébreuses. Et, si possible, en sortir entier.
Formellement, tout ceci prend la forme d'un vieil épisode de Resident Evil, avec une vue de dessus (pratique pour un jeu se passant dans des tunnels et des crevasses). On manage un inventaire trop petit pour contenir tout ce que l'on ramasse. On compte ses munitions pour faire face à des ennemis en surnombre et étrangement résistants aux balles. On annote progressivement une carte bourrée de puzzles tordus à résoudre. On respire un bref instant dans une salle de sauvegarde où un "marchand" (ici un trafiquant de cigarettes) améliore vos pétoires et vous vend des trousses de soin. Et on termine l'aventure en débloquant une des six fins possibles du jeu, sorte de verdict venant récompenser notre attitude pendant l'aventure.
Difficile de critiquer ces choix de game design : c'est une grammaire vidéoludique qui a fait ses preuves. Mis à part dans sa volonté de ne pas (trop) verser dans le fantastique et de rester à hauteur de soldat, Conscript étonne par sa capacité à ne pas du tout sortir des sentiers battus du genre, se reposant énormément, voire uniquement, sur son ambiance. Cette dernière, il faut le dire, est franchement réussie : l'aventure est saturée de cris, d'explosions, de blessés traumatisés et de piles de cadavres. L'horreur de la guerre est bien là, le sentiment d'étouffer en permanence et d'être en permanence à un cheveu de la mort également.
En revanche, Conscript déçoit énormément sur quelques aspects purement techniques. Manette non ou mal reconnue (et commandes au clavier pénibles), interface confuse, obligation de passer sans arrêt par les menus pour tout et n'importe quoi, lisibilité de l'action parfois nulle, bugs de collision, combats raides... Malgré toute sa bonne volonté, la dernière production de Team17 irrite un peu à cause d'un manque de finition plutôt regrettable.
Conscript a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Je suis toujours preneur de jeux horrifiques sortant des sentiers battus. Avec Conscript, j'ai au moins eu un cadre, une ambiance et une approche narrative plutôt fraîche (enfin, aussi fraîche que peut l'être une tranchée en 1916). Difficile, donc, de ne pas le recommander au moins aux amateurs du genre, malgré mes grosses réserves sur son exécution technique.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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