Cette fois-ci dans Partie Rapide, BatVador joue à la sorcière dans le sinistre et envoûtant The Mildew Children et Shift prend son temps pour tuer les monstres d'encre d'Inkbound.
The Mildew Children
Il y a quelque chose d’inquiétant dans The Mildew Children dès les premières secondes. Même si on le sait en commençant, un village peuplé uniquement d’enfants a quelque chose de déstabilisant, surtout si dès les premières minutes, une petite fille habillée en noir et armée d'une faux nous explique comment tenir les morts en respect. Très éloigné de notre monde occidental aux croyances plutôt rationnelles ou tout du moins monothéistes, The Mildew Children nous plonge dans un environnement à la fois familier, celui d’une Europe médiévale, et totalement étranger, où les rituels païens et un cycle de réincarnation infini régissent la vie des habitants destinés à ne jamais vivre au-delà de la vingtaine à chacune de leurs incarnations.
Moisissure et réincarnation
Tout au long de l’aventure, on suit Kyrphel, l’une des quatre sorcières de son village. Kyrphel n’a guère l’air d’avoir plus de 16 ans et déjà ses forces déclinent. En plus de ça, malgré leur rôle fondamental dans l’équilibre du village, les sorcières sont ostracisées et discriminées. Ça serait un lundi comme les autres pour Kyrphel si ce n’était pour deux raisons en lien l’une avec l’autre. L’une, c’est la mort inopinée d’une des quatre sorcières du village et l’autre, c'est que le grand rituel sacré qui permet de garantir l’équilibre du village et de la réincarnation doit avoir lieu dans la semaine ET nécessite quatre sorcières. En plus de son chagrin, car on l’apprend très vite, les sorcières ne se réincarnent pas, Kyrphel doit faire face à un problème quasiment insoluble : comment réussir le rituel dans ces conditions. C’est ce que l’on va explorer pendant les environ 5 heures que prend l’histoire au travers des thèmes comme la discrimination, les croyances, l’équilibre des choses, etc.
The Mildew Children est un beau visual novel en 2D. Avec sa direction artistique soignée et quelques animations, il fait vivre un univers sombre et violent, mais aussi très beau, avec des personnages variés et cohérents. Il ne brille en revanche pas vraiment par son gameplay qui n’est pas problématique, mais juste nettement déjà vu. Il faut faire de nombreux allers-retours dans le village, retrouver son chemin dans la forêt et les mini-jeux lors des dialogues empêchent surtout de lire correctement ceux-ci. À noter cependant qu’il existe trois options pour les mini-jeux, « normal » (celle pour laquelle j’ai opté), « facile », et sans mini-jeu (ce que je choisirais si je devais recommencer). Comme je l’ai déjà dit ici et là, j’aime bien le principe de mini-jeux, car vu mon déficit d’attention, ils m’aident souvent à rester concentrée sur l’action, mais ici, ils m’ont surtout empêchée de suivre l’histoire, ce qui est bien dommage pour un visual novel.
Cette dernière constatation m’amène à mon dernier point, qui est que malgré ses qualités et mon envie sincère de vraiment profiter de mon aventure, The Mildew Children (prenons un instant pour apprécier ce titre à sa juste valeur) m’a un peu laissée de côté. Car voilà, il faut lire sans arrêt des tartines et des tartines de textes dans un anglais un peu désuet (ou en russe si vous avez les compétences), dans un encart sur la droite de l’écran. Aucun de ces dialogues n’est doublé et il faut donc être réellement concentré et parfois prendre des notes, parce que le jeu nous demande de nous rappeler plus tard certaines incantations ou connaissances. L'absence de journal, ou d’une forme d’encyclopédie, donne par moments l’impression d’être submergé d’informations, mais de ne pas toujours savoir comment les relier entre elles et donc possiblement de rester sur sa faim parce qu’on est passé à côté de quelque chose. Il faut cependant noter que The Mildew Children semble avoir été développé par une toute petite équipe et qu’il s’agit du premier jeu du studio, ce qui laisse plutôt présager du bon pour la suite si les choix de gameplay étaient repensés.
The Mildew Children a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
The Mildew Children a beaucoup de potentiel, mais en raison de ses choix de gameplay, il peut laisser les joueur·euse·s sur le côté. Pour bien profiter de cet univers étrange, il faut savoir d’avance dans quoi on s’embarque : beaucoup, beaucoup de lecture et des mini-jeux pas toujours inspirés, mais à côté de ça de beaux décors et des personnages attachants dans un monde qu’il faut apprendre à déchiffrer au fur et à mesure de l’aventure.
Inkbound
Un hack’n’slash en tour par tour, avec des saisons et un système de hub et d’instances façon MMO, une esthétique assez cheum de surcroît : sans autre contexte, il faut avouer qu'Inkbound n’est pas super attirant. Pourtant, et tout comme pour Monster Train, le premier jeu du studio Shiny Shoe, il faut savoir dépasser les apparences et les a priori. Car Inkbound, c’est vraiment très bien. C’est d’ailleurs un cas assez intéressant de second jeu, très différent du précédent en termes de gameplay, mais finalement assez similaire dans sa philosophie.
Je l'ai pigé à l'encre de tes jeux
Monster Train, c’était un mélange assez improbable de tower defense et de deckbuilding. On devait protéger le brasier au cœur d’un train traversant les enfers contre toutes sortes de factions et, contre toute attente, ça fonctionnait incroyablement bien. C’était varié, inventif, ça exploitait son concept à fond sans tirer sur la corde, et c’est toujours l'un de mes deckbuilders préférés, que j’ai d’ailleurs fini par relancer en parallèle. Inkbound change radicalement de gameplay, mais conserve la même idée : prendre un genre dont les enjeux dépendent habituellement d’une action en temps réel, et le passer au tour par tour.
Ici, plus question de tower defense, mais de hack’n’slash. Comme dans n’importe quel jeu du genre, on choisit une classe de personnage, qui possède ses attaques, passifs et caractéristiques propres, et on part cliquer sur des monstres pour les buter. Sauf que dans Inkbound, ces affrontements se déroulent comme dans un tactical, avec des déplacements limités et un certain nombre de points d’action par tour. Pour être tout à fait franc, j’ai été très dubitatif durant mes deux ou trois premières parties. L’écran est assez chargé en informations, on ne comprend pas immédiatement les conséquences de nos actions, la quantité de données et concepts à assimiler n’est pourtant pas si énorme, mais tout est un peu contre-intuitif en débutant dans Inkbound.
Et puis on finit par comprendre ce qu’il se passe. Personnellement, le déclic s’est produit quand j’ai enfin réussi à désapprendre mes réflexes de hack’n’slash, admettre que j’avais le temps de réfléchir à mon placement, de lire tous les passifs et les attaques des ennemis, de planifier l’ordre de mes actions, et de me construire une build solide. À partir de là, la confusion a laissé place à l’enchantement : Inkbound est vraiment très bien conçu. Les classes de personnages sont variées et permettent de se construire des builds assez puissantes et jouant sur des mécaniques très différentes, avec des mutations de compétences (parfois franchement techniques), des items qui empilent les passifs et la possibilité d’exploiter à fond et de manière grisante les synergies. Même la structure du jeu, que je trouve un peu bancale, a au moins un avantage : on ne fait jamais une run "pour rien". Il y a tellement de quêtes, d’objectifs et sous-objectifs, qu’on finit toujours par faire progresser une jauge ou une quête et gagner de l’XP et des objets, voire des nouvelles classes, même en cas d’échec de la run.
Car oui, j’ai quand même des réserves sur un aspect d'Inkbound. Alors que le titre se prête vraiment bien à l’enchaînement de runs et d’affrontements, la surcouche scénaristique vient un peu alourdir l’ensemble. Le problème n’est pas tant que le titre raconte une histoire, mais que toute la progression, toutes les quêtes principales et annexes consistent en la résolution d’objectifs dont le design fait beaucoup penser à un vieux MMO. Empoisonner tant d’ennemis dans telle zone, tuer tel boss en portant tel objet, parler à tel PNJ : ce ne sont pas des actions très intéressantes. On passe ainsi un peu trop de temps entre chaque run à éplucher un carnet de quêtes très peu clair et occultant parfois des détails importants, alors que tout ce qu’on souhaite, c’est retourner taper des monstres.
Un système qui rappelle qu’Inkbound était il n’y a pas si longtemps un jeu avec de la monétisation in game et un système de saisons et récompenses, dont le studio s’est affranchi, souhaitant se débarrasser d’un maximum de mécaniques de rétention et de l’effet FOMO qui les accompagne. L’objectif est atteint : je ne me sens pas obligé à y revenir tous les jours pour ne rater aucun bonus de saison, et le système de jeu est suffisamment solide et agréable pour que j’y retourne de moi-même, et avec plaisir. Reste que la structure est inchangée, et que cet aspect quest design de MMO des années 2010 n’est pas des plus élégants et plombe un poil le rythme. On aurait préféré un système plus discret comme celui de Monster Train. Des désagréments cependant vite oubliés dès que la partie suivante est lancée, et que nos seules préoccupations redeviennent la construction d’une build surpuissante pour nettoyer des arènes en deux tours.
Inkbound a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Certes, la couverture est un peu chelou et le résumé fait peur, mais ne jugez pas Inkbound trop vite : tout comme Monster Train, il s'agit d'un roguelite tactique particulièrement généreux et bien conçu. Sa variété de classes, pouvoirs, ennemis et synergies le font tenir sur la durée et le sentiment constant de progression le rend toujours un peu plus grisant à parcourir. On regrettera ce quest design un peu lourd et maladroit, mais rien qui nous empêchera d'y passer encore de nombreuses heures.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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