Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift s'est offert une madeleine de Proust en se plongeant dans le 4X Songs of Silence et BatVador discute au coin du feu dans Fireside.
Songs of Silence
Dans le début des années 2000, la tante de ma mère s’est lancée dans une terrible et efficace entreprise de désocialisation de ma fratrie, en ramenant chaque été des piles de CD-Rom. Baldur’s Gate 1 et 2, Morrowind, Age of Empires 2, et, surtout, Heroes of Might and Magic 3 : chaque nouvel arrivage nous garantissait de nouveaux mois entiers scotchés à l’écran à tube cathodique familial. Il s’agit de mon premier et unique contact avec le genre du 4X, et il a globalement consisté à passer des heures entières sur des escarmouches en compagnie de mon petit frère, sans jamais en finir une seule. Une partie de Monopoly, mais avec des bagarres de démons, finalement. Vingt ans plus tard, me revoici face à un jeu du genre, avec le constat un peu étrange que finalement, pas grand-chose n’a changé.
Hello 4X my old friend
En tout cas, rien n’a changé sur la structure, les types de stratégies, la présentation de la carte et de l’interface, ni même sur le fond du scénario. Chacun notre tour, on dirige des armées menées par des héros et héroïnes, dans des villes qu’il faudra capturer, améliorer, protéger face aux sièges et invasions, tout en parcourant la carte à la recherche de ressources et reliques, avec pour objectif final la chute de la capitale adverse. Autant dire que je ne me suis pas senti extrêmement dépaysé en lançant Songs of Silence, et que l’effet de pantoufles nostalgiques a été assez énorme durant les premières heures.
Enfin, pour être honnête, quelque chose change, tout de même. Et c’est peut-être, pour l’instant, mon principal point de friction avec le titre. Car Songs of Silence se détourne à la fois des batailles au tour par tour d’un Heroes of Might and Magic et des résolutions automatiques d’un Total War, pour proposer un système d’auto-battler. Ainsi, on se contente de regarder nos armées se taper contre les armées adverses, avec comme seule interaction possible une pause active, et des cartes à jouer, pouvant activer quelques buffs et debuffs soumis à des cooldowns.
L’idée n’est en soi pas mauvaise, mais (et c’est probablement un effet amplifié par l’early access qui démarre tout juste), c’est pour le moment un système très limité qui peut s’avérer vite ennuyeux ou injuste. Ennuyeux, car les champs de bataille sont pour le moment relativement vides, qu’il n’y a pas de bouton d’avance rapide [màj : depuis le dernier patch, le fameux bouton d'avance rapide est présent], que les cooldowns sont assez lents, et qu’on passe ainsi plusieurs minutes à juste regarder nos troupes batailler mollement. Injuste, car une majorité des mouvements est ainsi soumise à l’IA, et qu’on assiste régulièrement au carnage d’une troupe d’archers ou de soigneurs qui n’ont jamais jugé utile de se barrer de cette zone pilonnée par des catapultes.
Cet aspect auto-battler est plutôt représentatif de la réserve que j’émets pour le moment face à Songs of Silence : si le premier contact est assez sympathique, on voit vite les limites d’un jeu qui manque encore pas mal d’options de paramétrage, notamment du côté de la difficulté/accessibilité ; et de polish, en particulier du côté de l’interface et des boutons (on se retrouve par exemple à attaquer par erreur une ville alors que l’on souhaitait juste l’observer). Pour un titre tout juste entré en early access, il y a déjà largement de quoi faire niveau contenu, avec pas mal d’unités et factions à débloquer, de quêtes et objectifs à accomplir, et déjà une première campagne assez complète à parcourir, mais ce sont les systèmes et leur exécution qu’il faudra surveiller tout du long de cet accès anticipé.
Songs of Silence a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Avec son esthétique plaisante et son contenu déjà assez solide, ce début d’early access est plutôt encourageant pour l’avenir de Songs of Silence. Reste que Chimera Entertainment a encore un peu de pain sur la planche pour rendre son système de combat plus juste et plus intéressant, et surtout ajouter tout ce qui manque côté réglages de difficulté et d’accessibilité, ce qui est cela dit tout à fait faisable sur la durée de quatre à cinq mois envisagée pour cet accès anticipé.
Fireside
Développé au départ sous forme de prototype pour la Stay Safe Jam 2020, organisée à distance pendant le pic de la pandémie de COVID-19, Fireside est la définition même du cosy et du wholesome et vu son contexte de développement, on le comprend. Il fait aussi partie de ces jeux dont il est difficile de parler sans être légèrement injuste. C'est sympathique, adorable, ça n’a pas vraiment de défaut saillant, mais il manque quand même à mon sens d'un tout petit quelque chose pour que la mayonnaise prenne vraiment.
Un gang de charmants loubards
Comme je le disais en intro, Fireside se veut wholesome, cosy et accessible à tous, en misant principalement sur la narration et en y ajoutant une composante de craft et une pincée de roguelite. Le principe est d’ailleurs très chouette : notre personnage, coincé sur une île après le naufrage de son bateau, s’établit en tant que marchand itinérant et se voit chargé de réparer les portails magiques de l’île. Parce que les portails sont instables, il ne dispose que d’un nombre de jours limité pour effectuer ses tâches sur l’île avant d’être ramené au cœur de l’île pour rendre compte à l’esprit un peu bougon qui gère les portails et rénover les environs. Chaque amélioration de ce camp de base va permettre de ramener davantage d’objets dans un sens comme dans l’autre, d’en stocker davantage aussi et ainsi de repartir plus équipé pour son voyage suivant et faire de meilleurs échanges.
Au fil des rencontres, on va tour à tour jouer les marchands, les diplomates, les coursiers, les détectives… pour aider une galerie de personnages extravagants, débloquer des recettes, faire de meilleurs échanges et accéder à tous les mondes disponibles. Côté gameplay, c’est peut-être là que se situe ma principale critique. Le déroulement d’une journée consiste à sélectionner le feu de camp suivant où l’on souhaite aller, puis regarder son personnage se déplacer (lentement) et ramasser une ressource sur son chemin. On gère parfois en chemin un événement aléatoire (ce qui tourne assez vite en rond), mais c’est tout pour la partie jour. Et la nouveauté passée, ces quelques secondes à devoir regarder un personnage marcher deviennent vite un peu lassantes. C’est le soir que se passe, de toute façon, la majorité de l’action. Autour des feux de camp, on dispose d’un certain nombre de points d’action à utiliser pour discuter avec les autres voyageurs, faire des échanges ou cuisiner des plats. À part une certaine répétitivité dans les dialogues, ça fonctionne très bien.
À force de vouloir être wholesome et doux, Fireside fini par prendre des airs de jeu éducatif. Les personnages apprennent de leurs erreurs, se réconcilient, embrassent leurs différences et on apprend l’importance de bien gérer les forêts et la pêche, etc. L'équipe a d'ailleurs reçu des financements du ministère allemand de l'Économie et de la Protection du climat. Bien sûr, ce n’est pas un mal et les jeux à visée éducative ont toute leur place dans le paysage vidéoludique. Cependant, ces « leçons », et par extension dialogues, sont peut-être un peu simplistes pour un·e adulte et le gameplay peut-être un peu compliqué pour un·e enfant, ce qui lui donne un ton un peu bancal par moments. Ceci étant dit, et malgré ces quelques défauts, Fireside fait également partie de ces jeux qui livrent exactement ce qu’ils promettent et il gagne des points bonus avec sa DA inventive et ses personnages comme Kévin la goutte d’eau, Siggi l'axolotl et Donnie, la plus mignonne des tortues qui valent clairement le détour.
Fireside a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Fireside livre ce qu’il promet, une expérience cosy et wholesome et on ne peut vraiment lui reprocher qu’un léger manque de contenu au niveau des événements et un gameplay de jour pas très intéressant. S’il lui manque une petite étincelle d’originalité ou de folie pour être vraiment inoubliable, c'est néanmoins un jeu agréable et solide dans un bel univers.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
follow me :
Articles similaires
Partie rapide : Urban Strife et Flintlock: The Siege of Dawn
déc. 10, 2024
Partie Rapide : 30 Birds et Slopecrashers
déc. 03, 2024
Partie Rapide : Robot Detour et Chicken Police - Into the Hive
nov. 07, 2024