Cette fois-ci dans Partie Rapide, BatVador a fait des origamis dans Paper Trail et Shift s'est ennuyé à mourir dans le monde vide et absurde d'Astor: Blade of the Monolith.
Paper Trail
Produit par le tout petit studio britannique Newfangled Games, dont l’un des fondateurs, Henry Hoffman, n’en est pas à son coup d'essai puisqu’il a travaillé sur le puzzle game Hue, bien reçu par la critique et largement primé, Paper Trail raconte l’histoire somme toute assez classique de… suivez-moi plutôt, ça sera plus simple comme ça.
L'art du pliage
Pendant environ six heures, j’ai été Paige. Je n’ai pas souffert d’un dédoublement de personnalité digne des plus mauvaises représentations de la schizophrénie, non, j’ai juste utilisé les possibilités qu’offrent les médias et plus précisément les jeux vidéo pour sortir un peu du quotidien. Donc, pendant six heures, j’ai été Paige. Une jeune adulte ou une presque plus ado, comme on veut, qui souhaite aller à l’université, contre l’avis de ses parents. Parents qui souhaitent qu’elle reste avec eux, dans ce tout petit monde, joli et confortable, mais devenu si étroit et si étouffant. Sur ce premier tableau, Paige et moi nous sommes trouvées un point commun, celui de vouloir aller voir ailleurs, de rêver d’un monde plus grand. Nous avons aussi trouvé notre tante qui, coincée par l’orage, s’est contentée de manger des pommes de pin en attendant qu’on la délivre, et le gardien de phare misanthrope qui nous a indiqué sous forme cryptique comment rentrer dans la grotte qui ouvre le chemin vers la ville. Mais les similarités entre Paige et moi se sont arrêtées là, car si elle est dégourdie et capable de tordre l’environnement à loisir pour en faire surgir des chemins, moi, dans la vraie vie, je ne suis pas vraiment une as des puzzles. Mais voilà, pendant six heures, je suis devenue Paige et j’ai plié dans un sens, dans l’autre, beaucoup, pas beaucoup, en deux, en quatre, en carré, en rectangle et en d’autres formes que la géométrie classique réprouve probablement. J’ai visualisé l’envers du décor, j’ai créé des chemins, assemblé et désassemblé des escaliers, fait surgir des dalles des profondeurs de l’eau, activé des dominos que j’ai ensuite désactivés. Je me suis téléportée aussi et j’ai aimé tout cela.
Au cours du voyage, j’ai découvert l’histoire de Paige qui est devenue un peu la mienne. Une histoire simple, un peu naïve aussi, mais qui résonnait si absolument avec la douceur des couleurs et des univers que j’ai traversés que j’en ai été émue. J’ai aussi rencontré des personnages que je qualifierais de loufoques, à défaut d’un meilleur terme. Des personnages aux activités qui n’ont de sens que dans cet univers, des personnages qui ont l’air étrangement sereins à l’idée d’être coincés quelque part pour une durée indéterminée, des personnages parfois malicieux ou un peu désagréables, mais pas fondamentalement méchants.
Chaque monde que j’ai traversé m’a confrontée à des nouvelles mécaniques que j’ai presque toujours comprises intuitivement, et puis les plis à effectuer sont devenus moins évidents. J’ai dû réfléchir davantage et parfois consulter la solution intégrée, pour un petit coup de main sur le premier pli, ou plus. Il m’est arrivé aussi, temporairement, d’abandonner Paige et de revenir avec un œil neuf. Et malgré quelques difficultés, cependant bien dosées, je n’ai pas eu une seule seconde l’envie de laisser tomber. Je voulais découvrir le prochain monde, ses couleurs, son atmosphère et ses spécificités. Et surtout, je voulais que Paige arrive à l’université. Maintenant qu’elle y est arrivée, je vais retourner rendre visite à Paige et, elle et moi, nous irons revisiter les étapes de notre aventure pour y collecter les origamis et leurs charmantes dad jokes qui manquent à notre collection, et débusquer les quelques petits secrets qui s’y cachent encore.
Paper Trail a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
S’il reste dans le classique avec une histoire simple et touchante sur la nécessité de sortir de sa zone de confort pour grandir, Paper Trail sort des sentiers battus par son gameplay à base de pliages et de modifications de l’environnement. Il en résulte un puzzle game malin, qui demande un peu de réflexion et pas mal d’essais, mais sait rester accessible à tous ceux et celles qui veulent profiter de ce voyage doux-amer pourtant optimiste, avec ses couleurs chatoyantes et ses magnifiques environnements.
Astor: Blade of the Monolith
On peut, à ce stade, commencer à parler de toxic trait : je ne peux pas m’empêcher de foncer sur le moindre jeu d’aventure vaguement action/plateforme/light-RPG qui passe, encore plus s’il présente une esthétique un peu colorée et cartoon, à la manière de Hob (par les regrettés Runic Games), Elli ou Omno. Même quand, de toute évidence, ça s’annonce assez cassé, mou et médiocre. Comme Astor: Blade of the Monolith.
Astor et à travers
Oui, je sais, c’est assez méchant de le présenter comme ça, mais j’ai beau retourner le problème dans tous les sens, j’ai beaucoup de mal à être ne serait-ce qu’un peu positif au sujet de ce pauvre Astor. Et j’ai bien conscience qu’il ne mérite ni acharnement ni méchanceté de ma part, ce modeste jeu d’action développé par une petite équipe colombienne, plus habituée à la création de jeux mobiles où l’on incarne des singes qui font de la moto qu’à des light-RPG en 3D et semi-monde ouvert. Mais j’y ai joué, à ce jeu, une grosse dizaine d’heures, et j’ai soupiré sur minimum une erreur inacceptable à chaque niveau, ce qui fait beaucoup trop d’erreurs inacceptables pour ma patience et l’occupation de mon temps libre, et oui, ma Karen intérieure a été rapidement éveillée.
Cela va visiblement être mon cheval de bataille de 2024 : je ne comprends pas comment, avec le soutien de deux éditeurs comme tinyBuild et Versus Evil, un jeu peut sortir dans cet état, et si quelqu’un à la QA ou au publishing a tiré la sonnette d’alarme, ces personnes n’ont visiblement pas été écoutées, et, peu importe la raison, c’est très dommage. Car Astor aurait pu être un jeu sympathique, probablement un peu oubliable, mais suffisamment agréable pour ne pas regretter les quelques heures passées dessus.
Seulement, tous les aspects, de la narration au game feel, du level design au game design, de la physique aux énigmes, tout, absolument tout respire l’amateurisme et le manque d’expérience. Et à peu près tout aurait pu être réglé et réparé afin d’en tirer quelque chose de sympa. On passera très vite sur ce scénar anecdotique et pas très bien raconté, sur le manque cruel de variété côté bestiaire et situations (le tunnel de fin et ses arènes à répétition sont un véritable calvaire), ou l’inintérêt des quêtes annexes, pour se concentrer sur ce qui fait le plus mal : C2 Game Studio ne semblent jamais avoir l’air de comprendre ce qu’ils font et ce qu’ils citent.
C’est ainsi assez dramatique de constater que certaines compétences débloquées ne serviront absolument jamais, comme cette invocation de grosse pierre qui ne peut pas servir à la plateforme, ou l’appel d’une monture, alors que la grande majorité des biomes sont tout petits et que de toute manière, cette monture court aussi lentement que notre personnage. Ou encore que ces fragments de monolithe à collecter dans chaque niveau ne servent qu’à améliorer nos compétences, et que leur nombre est si grand que l’on peut acheter immédiatement 100% des améliorations d’une arme tout juste débloquée. Ou que cette carte n’est absolument pas une carte et occupe donc un onglet du menu pour rien. Que les animations et ralentis de chaque attaque lourde ou spéciale ne peuvent être désactivés et rendent donc les combats encore un peu plus pénibles. Ou que ce compteur de combos ne sert absolument à rien, puisqu’il n’y a ni scoring ni XP. Etc., etc., le jeu est parfaitement criblé d’exemples comme ceux-là.
On dirait vraiment que je m’acharne et je le déplore, mais plus que l’immense lassitude provoquée par chaque nouvelle mission, c’est surtout l’incrédulité devant un titre qui collectionne les briques de gameplay inutiles et parfois inutilisées qui frappe. C’est d’autant plus un gâchis qu’en retirant toutes ces mécaniques parfaitement hors-sujet, l’équipe aurait pu se concentrer sur la physique, le game feel, le rythme de la narration, peut-être ajouter quelques ennemis plutôt que de nous resservir les dix mêmes monstres ad nauseam tout au long de l’aventure. Bref, plutôt que de s’éparpiller dans un gameplay qu’ils n’utilisent jamais, C2 Game Studio auraient pu considérablement resserrer le scope d’Astor: Blade of the Monolith,et accoucher d’un titre encore plus modeste, mais beaucoup plus agréable à parcourir.
Astor: Blade of the Monolith a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur PlayStation 4 et 5, Xbox One et Series, et Nintendo Switch.
Plus que l’aspect assez cheap de sa technique et de sa narration, c’est la quantité absurde de briques de gameplay inutiles et hors sujet présentes dans Astor: Blade of the Monolith qui interpelle. On sent un studio qui a tâtonné dans toutes les directions avant d’arriver à la forme finale de son jeu, chaque mécanique superfétatoire semblant être un stigmate d’un choix de game design avorté. En résulte un titre profondément ennuyeux et cassé, qui donne par trois fois le faux espoir d’être arrivé à la fin.
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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