Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali bondit partout dans Ninja or Die et Shift s'enjaille autour de son menu S12 dans le puzzle game Sushi For Robots.
Ninja or Die
Il est, je crois, toujours bon de relativiser les défauts d'un jeu au regard de ses conditions de production. Dans le cas de Ninja Or Die, il est important de réaliser que l'on parle d'un titre japonais créé en quasi solo par Nao Peca, un vétéran de l'industrie nippone qui a décidé de lancer son propre micro-studio. Il a finalement réussi à faire éditer son premier produit par Marvelous Games, un éditeur qui est depuis longtemps une passerelle entre les marchés indés japonais et occidentaux. Et Ninja or Die, s'il est un jeu hélas bourré de défauts, s'inscrit néanmoins complètement dans cette logique.
Ninjutsu je serais pas v'nu
Ninja or Die ne manque pas de bonnes idées. Des idées à l'exécution malheureuse, certes, mais au moins l'aventure essaie de se démarquer des canons du genre. Tout est axé autour d'une thématique centrale : votre seul bouton d'action est un bouton de saut. Et quand vous sautez, non seulement vous vous déplacez, mais vous infligez de lourds dommages aux ennemis sur votre passage. La clé du succès est donc de bondir comme une super balle dans tous les sens et d'avancer de salle en salle pour arriver à terminer un niveau, ce qui vous permet de revenir au camp de base, d'acheter des upgrades et de recommencer dans le niveau suivant.
Hélas, il y a dans cette prémisse pas mal de publicité mensongère. Parce que si les premiers tableaux vous permettent en effet de voler à toute allure en percutant de manière satisfaisante tous les ninjas adverses, vous allez bien vite devoir passer un temps ABSURDE à micro-manager votre inventaire, qui se remplit à la vitesse de l'éclair. Les ennemis lâchent du loot, qui est ramassé automatiquement. Et pour faire de la place, mettons, aux objets de soin, vous allez passer votre vie à devoir manuellement balancer des écharpes, du gingembre ou des parchemins pour ramasser un objet potentiellement plus intéressant. Et je dis potentiellement, parce qu'il n'y a aucun moyen de savoir si, par exemple, une arme qui traîne par terre vaut mieux que celle que vous avez en main.
Pire encore : cette notion de one button game qui pourrait s'avérer très plaisante s'estompe encore un peu plus quand on débloque des personnages secondaires possédant des mécaniques de combat alternatives. La geisha, par exemple, ne peut pas attaquer en sautant, mais uniquement à distance, vous forçant à une improbable gymnastique de doigts à base de sauter-viser-tirer donnant une impression de shoot'em up particulièrement chaotique… et dont le bouton de tir et d'utilisation des objets est identique, ce qui est une inexplicable source de confusion pendant les scènes d'action.
Fait étrange, Ninja or Die ne semble pas avoir vraiment pris en compte ces variations de gameplay, pourtant obligatoires lors de certaines phases de combats de boss. Ainsi, l'IA des ennemis est visiblement incapable de répondre correctement quand on se poste à proximité et qu'on balance des tonnes d'objets offensifs plutôt que de sauter au travers : j'ai pu atomiser la plupart des ennemis majeurs du jeu en me mettant juste à côté et en tapant dessus assez longtemps, en me soignant juste de temps à autre. On a vu plus amusant.
Dans le même genre d'idée, il semble que le développeur ait cherché à mettre en place une grosse variation de jeu par niveau : ici, c'est une avalanche qui fonce sur vous en vous poussant à aller très vite de l'avant, là ce sont des bourrasques qui dévient vos sauts ou encore ici ce sont des nuages empoisonnés qui inversent les commandes. Mais rien n'est vraiment bien calibré, et tout concourt un peu à rendre le gameplay à la fois moins agréable et moins clair. La faute, notamment, à un pixel art certes joli et détaillé, mais saturé de particules, de lumières, d'explosions et de bouillies de pixels divers. En clair, la plupart du temps, on avance sans bien savoir ce qu'on fait, et on triomphe parce que le niveau de difficulté a été placé assez bas et que notre personnage peut facilement être transformé en sac à PV muni de potions de soin en abondance.
Ninja or Die a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
La proposition de Ninja or Die est particulièrement originale, et aurait pu constituer un des meilleurs roguelites de l'année si ce dernier avait bénéficié d'une meilleure qualité de vie, de combats plus clairs et de niveaux mieux construits. Tout est assez prometteur là-dedans, mais tout échoue aussi un peu à ne pas être plombé par des défauts absurdes. C'est à la fois beaucoup de travail accompli pour Nao Games pour livrer une proposition dont on se souviendra, et un certain gâchis tant tout aurait pu être beaucoup plus satisfaisant là-dedans.
Sushi For Robots
Développeur généralement solo de jeux gratuits ou presque, Luis Diaz, alias Ludipe, s’est associé avec d’autres talents, en particulier les concept artists Monsters Pit (prestataires pour des clients aussi variés et prestigieux que Disney, Games Workshop, Konami ou Codemasters) pour un nouveau projet de plus grosse ampleur que ses précédents : le petit puzzle game Sushi For Robots. On reste dans le tout petit indé auto-édité, mais pour un développeur solitaire spécialisé dans le jeu de navigateur gratuit, une sortie Steam mise en avant par l’évènement Cerebral Puzzle Showcase est un sacré changement.
Sushis pour robots et soucis pour neurones
De par son concept simplissime à l’exploitation terriblement complexe et retorse, son esthétique mignonne et pastel, son accessibilité et son level design ciselé, Sushi For Robots se rapproche grandement des incroyables titres des Polonais d’Afterburn (Railbound, Inbento, Golf Peaks). Pas de train, de bento ou de golf ici, mais des sushis à servir aux bons robots en un nombre de tours limité, en plaçant les bons stickers aux bons endroits. La principale différence entre Sushi For Robots et les titres d’Afterburn repose cependant dans la courbe de difficulté : là où même le redoutable Railbound nous laissait deux ou trois mondes d’échauffement, le titre de Ludipe frappe fort et instantanément.
Ce n’est pas un reproche ou un défaut en soi, c’est même complètement compréhensible au vu du faible nombre de niveaux proposés par le jeu (4 mondes de 16 tableaux chacun), mais la courbe de difficulté de Sushi For Robots est une des plus raides qu’il m’ait été donné de voir dans un puzzle game. À peine la première mécanique présentée – les stickers permettent de changer la forme et la couleur d’un sushi – que la difficulté explose, avec une limite de tours ultra-serrée et des possibilités multiples de résolution de puzzles, et continuera de grimper de manière exponentielle.
Sushi For Robots reste extrêmement sobre dans ses tableaux et mécaniques : les niveaux restent très ramassés, le nombre de robots à nourrir est toujours très faible (largement moins de 10) et les nouvelles mécaniques se font rares. Mais si tout s’ajoute avec parcimonie, c’est parce que chaque nouvelle brique de gameplay vient chambouler toute la logique précédemment construite, et parce que chaque petit niveau est savamment conçu pour vous détruire les méninges. L’ajout de téléporteurs, de passerelles à double sens, de stickers qui en détruisent d’autres après une utilisation et autres épices qui dégoûtent les robots : tout est intelligemment conçu pour rendre chaque nouveau tableau un peu plus diabolique que le précédent.
J’ai maintenant une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne, c’est que Sushi For Robots n’est pas entièrement cruel, et propose un mode créatif, permettant de s’affranchir de la limite de tours, et jouer sans contraintes. Il dispose également d’un bouton permettant de débloquer tous les niveaux d’un coup, afin de ne jamais rester bloquer indéfiniment. La mauvaise nouvelle, c’est que même avec ce mode créatif plus que bienvenu pour la rédaction de cette chronique, le jeu reste extrêmement difficile, et que j’ai passé de longs moments de réflexion et d'expérimentation devant certains tableaux pour en venir à bout. Si je n’ai pas de reproches majeurs à lui faire, je me dois tout de même de prévenir : Sushi For Robots, derrière sa chouette direction artistique et son mignon sound design, est un puzzle game de niveau expert, et dont le mode facile représente déjà un challenge élevé.
Sushi For Robots a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Avec son concept aussi minimaliste qu’efficace, ses niveaux ramassés, mais merveilleusement conçus, ses mécaniques redoutables et son adorable direction artistique, Sushi For Robots se place sans problème dans le haut du panier du puzzle game indé. Il est cependant à réserver aux joueurs et joueuses confirmé·e·s : sa courbe de difficulté est aussi raide qu’impardonnable, et chaque nouveauté de gameplay rendra le titre encore plus complexe et retors. Même en activant cet humiliant, mais nécessaire mode facile.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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