Cette fois-ci dans Partie Rapide, glau affronte le wargame caché sous Kingdom, Dungeon and Hero tandis que Shift fait des allers-retours entre le body horror cyberpunk et le récit queer de Psychroma.
Kingdom, Dungeon and Hero
J'aurais dû me méfier. Vu de loin, Kingdom, Dungeon and Hero ressemblait à un petit jeu de stratégie indé combiné avec un peu de roleplay. Mais les premiers clics sur ces hexagones suscitent une impression de déjà-vu que confirme l'historique d'Alvaro Sousa, son unique développeur : c'est lui qui est responsable de Warplan et Warplan Pacific, de bons gros wargames opérationnels couvrant des fronts entiers de la 2ᵉ Guerre mondiale.
À la guerre comme à la guerre
Sousa n'est pas le premier wargamer à se lancer dans l'aventure du 4X. L'exemple le plus connu est celui de Victor Reijkersz qui, après avoir fait ses gammes dans la série des Decisive Campaigns, a surpris la communauté avec Shadow Empire. Celui-ci reprend globalement les codes du 4X – maintenir un empire en essayant de s'étendre – en y ajoutant les thèmes du wargame : un système logistique complexe, une hiérarchisation militaire des unités, ainsi qu'un aspect visuel repoussant parce que c'est comme ça, c'est dans le cahier des charges.
Clairement, KDH reprend cette formule : apporter des concepts du wargame – en un poil plus joli cette fois – au genre ronronnant du 4X. L'aspect stratégique est ainsi assez développé, avec des villes et villages qui sont des points d'ancrage indispensables pour le support des troupes et la production générale, ce qui fait que les offensives ressemblent souvent à des danses autour des localités, où l'on se cherche un peu avant d'exploiter une faiblesse dans les lignes. En parallèle, on gère des équipes d'aventuriers recrutés pour des tâches diverses : administrer un domaine, une armée, explorer une crypte oubliée.
Sauf que là où Shadow Empire est devenu une référence, KDH rate assez largement sa mue. Sans même parler des (nombreux) bugs, les ajouts qu'il propose sont tout simplement trop légers ou pas très bien fichus, et ils n'ont surtout pas grand-chose à voir les uns avec les autres. L'exploration des donjons est rachitique : on se déplace sur une mini-carte, on clique sur attaquer quand on croise des monstres, on continue tant qu'il nous reste des points de vie. À tel point que le développeur lui-même a ajouté un bouton pour automatiser le processus, ce qui achève de rendre la chose inutile. Or, sortis de là, nos héros sont à peine décoratifs : quelques légers bonus, voilà tout.
Reste la partie stratégique, déjà mentionnée. Tout n'y est pas à jeter : il faut un peu réfléchir à l'organisation de ses troupes pour capturer un nouveau point tout en restant dans sa zone logistique. Mais on y reste sur sa faim. On ne peut par exemple pas consulter l'état logistique des troupes adverses, ce qui rend toute tentative d'encerclement assez vaine. Et puis tout semble un peu léger, arbitraire et surtout bien terne. On a l'impression que KDH essaie sans cesse de réinventer la roue, pour un résultat au mieux mitigé. La gestion du royaume se limite à construire quelques bâtiments, la "recherche" à augmenter légèrement des pourcentages ici où là.
Clou sur le cercueil, KDH est… incroyablement… lent. Sur les scénarios 1v1, passe encore. Mais lancez la campagne principale et ce sont soudains plus de 40 royaumes qui vont jouer les uns après les autres, pendant de looongues minutes sur mon ordinateur dernier cri. Vu le faible nombre de troupes dont on dispose au début, on passe facilement plus de temps à attendre son tour qu'à jouer. De quoi achever ceux qui ne s'étaient pas encore endormis sur la monotonie du titre.
Kingdom, Dungeon and Hero a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Jeu de stratégie ? Gestion d'aventuriers ? Wargame à thématique médiévale ? Ce jeu-sandwich semblait bien alléchant, et certains pourront se satisfaire du ballet opérationnel des troupes, traité de façon correcte. Malheureusement, l'ensemble n'a aucun liant et manque franchement de saveur sur quasiment tous ses aspects. Dommage.
Psychroma
Montré lors du Day of the Devs 2024 après deux ans de com très timide et sorti sur Steam quasiment dans la foulée, Psychroma a attiré l’attention (du moins la nôtre, car on ne peut pas dire que ce presque shadowdrop lui ait tant que ça réussi niveau ventes), avec ses promesses de cyberpunk, de body horror et de récit LBGTQ+. Et si le cahier des charges est largement respecté, et que l’ambiance et l’esthétique réservent quelques grosses fulgurances, le résultat est en demi-teinte, la faute à une écriture pas toujours au niveau et un gameplay qui garde le cul entre deux chaises.
Psycho Killer Queen
Psychroma, c’est avant tout un récit centré sur les minorités et les personnes marginalisées, où il est question de transidentité, de non-binarité, de personnes racisées, handicapées, neuroatypiques, bref, de personnes qui n’entrent pas dans les normes, et le fait de manière relativement habile, en plaçant son action dans une collocation servant de refuge aux personnes mises de côté par la société. Ainsi, le traitement des différents sujets n’est pas trop artificiel, et exploite même assez correctement l’aspect cyberpunk de l’œuvre en utilisant des thématiques comme le transhumanisme pour traiter d’identités queers. C’est, je pense, une bonne manière d’écrire du cyberpunk et d’en faire un objet de contre-culture, quand un peu trop d’œuvres se contentent d’en reprendre les néons mauves et les membres cybernétiques.
Ce récit queer est même le gros point fort d’un jeu dont les meilleures séquences sont indéniablement les passages de romance ou de vie quotidienne, que ce soit entre notre héros·ïne et son petit ami ou cette très touchante série de flashbacks dépeignant une personne trans vivant et vieillissant heureuse avec sa compagne. C’est aussi malheureusement un peu la limite de l’exercice : en dehors de leur identité de genre ou orientation sexuelle, ces personnages n’ont finalement que peu de caractéristiques et de développement, et on se retrouve face à une galerie de protagonistes un peu unidimensionnel·le·s. Le titre mettant en plus l’accent sur la précarité financière et matérielle dans laquelle les populations marginales peuvent se retrouver, et l’entraide qui en résulte, il y avait de quoi donner un peu plus de consistance au cast, dont certains membres finissent malgré eux par se résumer à des personnages fonction.
L’autre souci qui survient dans Psychroma, c’est cette hésitation constante entre le puzzle game et le pur jeu narratif. On pense au début se trouver dans une logique de point & click, on enchaine les allers-retours pour collecter des objets, rallumer un générateur ou déverrouiller des portes, on utilise les visions du passé pour trouver des passages secrets et digicodes, mais le tout, déjà peu original, finit peu à peu par s’étioler. Les flashbacks, très sous-exploités d’un point de vue gameplay, se contentent très vite d’une fonction purement narrative, les puzzles disparaissent progressivement, sans pour autant abandonner les allers-retours un peu fastidieux dans une zone de plus en plus grande.
Loin d’être catastrophique ou inintéressant, Psychroma est seulement un peu décevant dans l’exécution de ses promesses, surtout lorsque l'on constate que des éléments ont peu à peu disparu quand on compare le jeu et les tout premiers trailers d'il y a deux ans. À l’image de son écriture, l’esthétique bénéficie tout de même de quelques gros moments de bravoure, tout particulièrement dans sa représentation du body horror (attention ça déconne zéro, c’est sanglant, graphique, frontal, si vous avez du mal avec les séquences de mutilation ou d’opération, ça risque d’être douloureux à regarder), mais aussi dans ses scènes plus psychédéliques ou abstraites, qui jouent très habilement avec les couleurs et les glitchs, le tout porté par une bande-son très efficace. Reste que toute la partie horreur et mystère du titre ne va pas très loin question thématiques, et que Rocket Adrift ne développe pas grand-chose derrière ces images chocs de body horror. On s’implique finalement bien plus devant ces tranches de vie tantôt touchantes, tantôt dramatiques que face à cette intrigue un peu pataude d’expériences scientifiques sur la mémoire et l’identité et de tueur menaçant.
Psychroma a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Tout n’est pas à jeter dans ce Psychroma, loin de là. Son utilisation du cyberpunk pour parler de transidentité est intelligente et touchante, son pixel art est assez fin pour se permettre quelques tableaux très marquants de body horror et de séquences psychédéliques et on sent une volonté sincère de brosser le tableau d’une communauté marginalisée, dans ses bons comme dans ses mauvais moments. Malheureusement, son gameplay lâche la rampe bien avant la fin, et son écriture en dents de scie ne parvient pas à traiter efficacement tous les sujets, personnages et intrigues mis en place. Si on ne passe clairement pas un mauvais moment, on ne peut s’empêcher de regretter que le résultat ne soit pas à la hauteur de ses promesses.
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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