Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift a plané avec son fusil-parapluie dans Gunbrella et a dégommé des hordes de robots au rythme du boom boom de Savant - Ascent Remix.
Gunbrella
Après le très chouette Gato Roboto et le confidentiel – car sorti uniquement sur Switch en support physique – Demon Throttle, Doinksoft revient, toujours aux côtés de Devolver Digital. Avec Gunbrella, le studio abandonne la structure du metroidvania pour une histoire bien plus linéaire et balisée, tout en conservant son savoir-faire en termes d'action débridée. Et si tous les astres semblaient alignés pour que Doinksoft accouche d'un petit banger, Gunbrella s'avère surtout terriblement frustrant.
Un coup de parapluie dans l'eau
Le sentiment est un peu compliqué à expliquer, et n'est probablement pas partagé par tout le monde. Car, il faut l'admettre, Gunbrella ne souffre d'aucun défaut majeur. Il est même extrêmement agréable à jouer. L'intégralité du gameplay est concentrée sur le fameux fusil-parapluie donnant son titre au jeu, et sert autant pour le combat que pour la plateforme. Le résultat est formidable : le parapluie permet de dasher et planer dans tous les sens et à toute vitesse, ainsi que de renvoyer les projectiles adverses en l'ouvrant au bon moment, créant des fenêtres pour riposter ou esquiver. On sent, en termes de game feel et de move set, que Doinksoft a perfectionné une formule qui était déjà très plaisante dans Gato Roboto, faisant de Gunbrella un action-platformer exemplaire. Du moins sur le plan purement mécanique.
C'est là qu'arrive la frustration : si aucune séquence n'est désagréable à parcourir, que ce soit du côté de la plateforme, des boss, ou des petites variations sans armes ou en chariot, aucune n'est non plus mémorable. Contrairement à son personnage, Gunbrella ne décolle jamais. Tout reste toujours très convenu et attendu, dans le level design, les ennemis, le scénario, mais, pire encore, aucune idée, aucune brique de gameplay n'est jamais vraiment développée.
L'expérience a beau être assez ramassée – à peine 6 heures, un poil plus si vous souhaitez compléter les quelques quêtes annexes – elle est étonnamment dense en termes de propositions. La structure du jeu est découpée en plusieurs villes, accessibles par le train, donnant une impression de tout petit monde ouvert à mesure que les stations sont débloquées. Chaque ville propose des séquences un peu différentes, des petits donjons, des missions de sauvetage, de la plateforme, de l'infiltration légère, du grind de ressources pour améliorer ses armes et acheter soins et munitions et beaucoup d'allers-retours entre les différents PNJ bien trop bavards essentiels au scénario. Et ça fait beaucoup, pour un jeu de 6 heures.
Résultat, on se retrouve à picorer ici et là des tas de chouettes idées de gameplay, sans en avoir jamais plus, comme si Gunbrella était une vertical slice de 6 heures, présentant tout ce qu'il peut avoir à proposer et ce dont il est capable. Elle est là, ma grande frustration. Oui, j'ai aimé tout ce que le titre de Doinksoft m'a présenté, mais j'aurais aimé qu'au moins un ou deux aspects soient développés. Un reproche qui va jusqu'à sa narration : si je ne me suis pas spécialement passionné pour cette histoire de vengeance, de sectes et de complot déjà vue maintes fois, le titre aborde en filigrane des sujets un peu plus intéressants, de la nature des liens familiaux à l'exploitation à outrance des ressources naturelles, en passant par la lutte des classes et les violences policières. Hélas, tout comme ses idées de gameplay, tout est balayé en dix minutes avant de passer à la suite.
Gunbrella a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch.
Quelle intense et immense frustration. Alors que tout était réuni pour faire de Gunbrella un de mes coups de cœur indés de l'année, sa tendance à s'éparpiller, aussi bien narrativement que mécaniquement, m'a laissé de côté. Il n'y a rien à redire sur la forme : le titre est beau, nerveux, maniable, fluide, c'est de la belle ouvrage. J'aurais seulement aimé qu'il se concentre sur quelques aspects plutôt que de vouloir faire entrer tout le menu maxi-best of dans une si petite boîte.
Savant - Ascent Remix
Développé en 2013, Savant - Ascent était la sympathique collaboration entre D-Pad Studio et l'artiste électro norvégien Aleksander Vinter, alias Savant, dont la carrière était en train de prendre de l'ampleur. Petit shooter arcade en 2D – vraiment petit, le jeu à sa sortie comptait trois niveaux, avant d'être agrémenté de deux supplémentaires – le titre rafle tout de même quelques prix, comme le jeu norvégien de l'année en 2014, mais surtout le jeu de l'année GameMaker en 2013 et fait office de tout premier titre pour D-Pad, autrement embourbé depuis 2007 dans le fastidieux développement de Owlboy, qui durera jusqu'en 2016.
Un savant remix
Si je vous refais ce rapide historique, c'est que, d'une part, même si le Savant - Ascent de 2013 a sa petite fanbase, il reste un titre assez niché et plutôt confidentiel dans le paysage indé, et de l'autre, car ce Savant - Ascent Remix a beaucoup plus de sens une fois recontextualisé dans l'histoire de D-Pad. On parle du premier titre commercialisé par le studio, développé en quelques semaines en parallèle d'un autre projet autrement plus conséquent et ambitieux, et, si vous avez fait le calcul, qui fête ses dix ans cette année.
L'occasion de passer un sérieux coup de polish sur le titre, à la fois sur le plan visuel, puisque Savant - Ascent Remix propose une refonte graphique totale (on aurait aimé voir cette feature fréquemment proposée dans les remakes permettant de passer d'une esthétique à l'autre, mais c'est du pinaillage), que technique, avec un game feel entièrement revu, via toute une batterie d'ajustements de variables et de petites variations dans le move set. Une modification qui peut sembler légère à première vue, mais qui a toute son importance, particulièrement dans un shooter aussi difficile et exigeant.
Le Savant - Ascent était déjà assez corsé : la fin de la poignée de niveaux s'atteignait au bout de quelques tentatives, mais les possibilités de scoring, sur l'aventure comme le Endless Mode, proposaient un challenge relevé et une durée de vie pas si rachitique pour qui aime casser les high scores. Le remake garde la même philosophie, tout en augmentant considérablement la quantité de contenu. Le nombre de niveaux et de boss est facilement multiplié par trois, le mode survie – pas encore disponible durant la période de test – dispose de bien plus d'ennemis et boss qu'avant et de nouvelles pistes de Savant sont évidemment de la partie. Savant - Ascent Remix se trouve ainsi quelque part entre le remake et la Director's Cut, entre refonte du matériau d'origine et ajout massif de contenu.
Le résultat est complètement conforme aux attentes. Si vous aimez les shooters d'arcade qui compensent leur faible nombre de niveaux par une difficulté élevée (les checkpoints sont éloignés, les points de vie peu nombreux, contrairement à la quantité d'ennemis et de projectiles qui peuvent être affichés à l'écran), un appel au scoring forcené et au try hard d'un mode infini : le Savant - Ascent de 2013 était déjà fait pour vous, et le Savant - Ascent Remix de 2023 l'est encore plus. Ce n'est malheureusement pas mon cas, et j'ai donc franchement souffert face à des patterns et ennemis que ni ma motricité, ni ma lecture de l'action ne sont capables d'appréhender efficacement, mais ce serait d'une mauvaise foi terrible que de faire porter le poids de mes défaites à un jeu objectivement lisible, maniable, fluide et précis.
Savant - Ascent Remix a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Petit morceau d'histoire de la scène indé des années 2010, Savant - Ascent revient plus beau, plus complet, plus lisible, plus maniable dans cette version anniversaire. Les amateurs·rices de shooters d'arcade hardcore et de scoring ne pourront qu'être comblé·e·s par ce nouveau contenu. Les autres se feront impitoyablement démolir par des requins lasers.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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