Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift est parti en randonnée dans le platformer à la première personne Grappin, avant de se réconforter devant un bon repas dans le Wario-like Pizza Tower.
Grappin
Avec son level design tout en verticalité, ses déplacements au grappin comme unique mécanique, son trailer appelant autant à la contemplation qu'aux belles heures du lundi douleur, Grappin m'a instantanément fait de l'œil. Je ne pouvais qu'aimer, non ? Non. Désolé Grappin, ce n'est pas toi, c'est moi, il vaut mieux qu'on reste amis, ce sera mieux pour tout le monde. Bon, j'ai quand même deux trois choses à te reprocher, puisqu'on en est aux règlements de comptes…
Vertical Limit
Développé en solo par Ahmin Hafidi - Français immigré au Japon depuis plus de dix ans (et level designer sur No More Heroes 3) - Grappin a tout du projet indé maîtrisé : l'expérience et la proposition sont ramassées autour d'un unique concept, et se concentrent dessus sans aller s'éparpiller sur d'autres systèmes et sous-systèmes qui ne pourraient que polluer et plomber le titre. Dans Grappin, donc, on grappine, de niveau en niveau, pour atteindre le sommet de la montagne et y déposer notre outil de grimpette, apparemment artefact mystique à restituer. Le chemin est évidemment semé d'embuches, et de reliques à ramasser. Et que l'on soit extrêmement clairs : c'est réussi. Grappin ne se perd pas en route, ne trahit ni son public ni ses intentions : il fait ce qu'il a promis de faire.
Mon premier souci concerne ces fameuses reliques, et se trouve être extrêmement personnel et subjectif. Dans de nombreux platformers ou jeux d'aventure, ce genre de collectibles sont facultatifs et présentent un petit défi supplémentaire, d'adresse et/ou d'exploration. Dans Grappin, certaines le sont effectivement, mais plus on avance dans l'aventure, et plus la récupération des reliques devient obligatoire, en cela qu'elle déverrouille l'accès aux zones suivantes. Sauf que leur disposition et le moyen de les récupérer sont les mêmes que pour les reliques optionnelles : elles sont souvent assez bien cachées ou placées derrière des épreuves plus corsées et impliquent parfois de refaire des bouts de niveaux pour les trouver.
Ce qui me pose deux problèmes, à vrai dire. Le premier, c'est que je n'aime pas qu'on me force à faire une activité optionnelle : je n'aime pas spécialement collecter ce genre d'objets, et si je m'adonne à cette activité dans un jeu, c'est souvent après l'avoir fini, pour le plaisir de retourner encore un peu dans les niveaux. Là, on me force la main pour chercher et trouver ces reliques dès la première run, quand j'aimerais juste passer à la zone suivante. Ce n'est pas un défaut en soi, mais un aspect qui me déplait et au-dessus duquel j'ai malheureusement du mal à passer. Le second souci, c'est que ces reliques semblent effectivement très optionnelles dans leur disposition, sont faciles à rater quand on parcourt le niveau une première fois, et que malgré la liste donnée, il est parfois difficile de savoir où chercher ou si la relique que l'on voit au loin et que l'on peine à attraper est obligatoire ou optionnelle. Les checkpoints étant, de plus, assez hasardeux, l'exploration et les allers-retours forcés finissent par agacer et plomber inutilement le rythme.
Mais surtout, cette bête histoire de reliques est, je trouve, assez symptomatique de ce qui me chagrine avec Grappin. Car ces reliques qui devraient (à mon avis) être des éléments optionnels et non obligatoires me donnent effectivement l'impression d'objectifs facultatifs qui auraient été rendus principaux en cours de développement, et me provoquent une sensation de décalage entre l'intention et l'exécution. Et c'est également ce qui me gêne au niveau du gameplay : la constante impression que le move set et le level design ne sont pas dans le même jeu.
Je m'explique. Le level design de Grappin est solide, astucieux, très vertical, demandant au fil des zones de plus en plus de précision au niveau des sauts et de la visée et de rapidité dans l'exécution, que ce soit pour se rattraper à une corniche, échapper à de la lave qui monte ou des lasers au déplacement cyclique. Quand on observe un tableau, c'est de la belle ouvrage : on comprend rapidement ce qu'on attend de nous et on visualise l'enchaînement de mouvements requis pour passer. Malheureusement, je trouve le game feel assez mollasson et bizarrement flottant. Les sauts et l'air control ont une latence au mieux étrange, au pire pénalisante quand il s'agit de niveaux en contre-la-montre et des mécaniques comme le retournement en un seul clic sont rendues caduques par la lenteur de leur exécution - j'ai arrêté de m'en servir quand j'ai compris que j'allais plus vite en le faisant manuellement.
Encore plus perturbant : j'ai parfois eu l'impression que les niveaux, aussi bien conçus soient-ils, étaient surtout faits pour un autre type de grappin. Pour la faire courte, les deux types les plus répandus de grappins dans le jeu vidéo sont le grappin à attraction et le grappin à balancier. Celui présent dans Grappin en est un à attraction : on vise et on se déplace à toute vitesse dans la direction du point d'impact. Sauf qu'à de nombreuses reprises, le level design semble conçu pour un grappin à balancier, et donne, avec notre grappin à attraction, des déplacements un peu brouillons et finalement peu satisfaisants. Et si notre type de grappin est (heureusement) adapté à la majorité des situations, on regrettera également qu'on ne puisse pas annuler notre déplacement en cours pour tirer sur un nouveau point en vol.
Grappin a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Je n'ai rien d'accablant à reprocher à Grappin. Il est joli, son level design est bien conçu, ses reliques sont astucieusement cachées, et il ne s'éparpille jamais dans des mécaniques inutiles. Malheureusement, sa structure, son game feel flottant et l'impression étrange que tout ne va pas vraiment ensemble m'ont laissé de côté. Tant pis pour moi, je suppose.
Pizza Tower
Alors que fleurissent les remasters et remakes de tout poil et tous horizons, notamment chez Nintendo qui entretient comme jamais l’image de Zelda et Mario, il y en a un dont j’attends désespérément le retour : il s’agit de Wario Land. C’est une des sagas de mon enfance, que j’ai vu apparaitre dans Wario Land : Super Mario Land 3 et dont j’ai par la suite poncé les épisodes 3 et 4 sur Game Boy Color et Advance et dont j’aimerais infiniment voir les opus bénéficier du même traitement que les récents Kirby's Return to Dreamland Deluxe ou Link’s Awakening. Ou, soyons fous, voir arriver un Wario Land 5. Ce n’est visiblement et malheureusement pas au programme de Nintendo, mais il semblerait que je ne sois pas seul à chérir ces expériences, en témoignent Tour de Pizza et son Pizza Tower – et le Antonblast de Summitsphere à venir.
It's-a me, Wario !
Tout part du projet perso d’un certain McPig, d’abord sous la forme d’un comics horrifique, puis d’un RPG d’horreur, pour finalement adopter le gameplay action-platformer qu’on lui connait, développé avec l’aide de Sertif, qui le rejoindra pour former le studio Tour de Pizza. Entre 2018 et 2023, c’est un grand nombre de démos et de propositions de niveaux qui seront présentées à la communauté, tandis qu’une partie de la programmation et du polish se voit détaillée sur Twitch.
Ce que promet Pizza Tower, c’est un hommage à Wario Land, reprenant une partie du move set de son personnage emblématique, mais surtout de tout ce qui faisait le sel de ses différents épisodes : les changements d’état physique provoqués par les ennemis et l’environnement – tout comme Wario, Peppino peut gonfler, geler, s’aplatir, rouler, etc. – et la mécanique centrale de Wario Land 4, avec ses niveaux en deux parties. On retrouve ainsi cette logique d’aller-retour : l’aller pour explorer, découvrir la mécanique et l’ambiance du niveau, scorer au maximum et finalement atteindre Pillar John, une statue vivante qui, une fois explosée, déclenche le Pizza Time. Le niveau devient alors chronométré, et il s’agit de reparcourir dans l’autre sens un niveau à l’architecture, voire parfois aux mécaniques changées, et d’atteindre la sortie à temps, sous peine de se faire poursuivre par Pizzaface, qui nous expulsera du niveau et fera perdre la progression entière s’il nous attrape – c’est aussi stressant que ça en a l’air.
Et. Ça fonctionne. Super. Bien. Le terme de "fast-paced action" est parfois utilisé un peu à tort et à travers dans le marketing de jeux d'action ou plateforme au game feel pourtant mollasson ou perfectible, mais il aurait à 100 % sa place en énorme sur la page Steam de Pizza Tower. Car les principales qualités du titre de Tour de Pizza, ce sont sa nervosité, son game feel irréprochable, son move set rigoureux et précis : se déplacer dans Pizza Tower est un plaisir de chaque instant. Tout, d’ailleurs, est construit dans ce but, du level design qui encourage au speedrun, à la musique survoltée de Mr Sauceman et ClascyJitto, en passant par l’animation et son esthétique.
C’est d’ailleurs un point qui peut rebuter au premier abord : à l’arrêt, Pizza Tower peut sembler assez moche, voire dérangeant, avec son aspect très MS Paint, ses aplats de couleurs criardes et ses personnages grimaçants. C’est une fois en mouvement que l’on revoit un peu sa copie. Certes, l’apparence de Pizza Tower est très particulière, mais son animation extrêmement dynamique ajoute énormément au game feel. Les déformations, dédoublements, impacts sont constants, brutaux, furieux et offrent au titre de Tour de Pizza une personnalité et un charme inattendus en plus de contribuer au plaisir de jeu.
Ce qui pourra en revanche repousser plus de monde, c’est la philosophie derrière le game design et la structure du jeu. Je n’ai personnellement rien à lui reprocher et j’ai adoré chaque niveau et chaque idée, mais il faut tout de même y aller en connaissance de cause. En ligne droite, Pizza Tower est plutôt court, chaque monde comprend un petit nombre de niveaux et un boss, et le tout se traverse en six heures à tout casser. Mais l’intérêt du jeu repose surtout dans la collectionnite d’ingrédients et d’objets dans chaque niveau, de la recherche de zones secrètes, dans le scoring et le remplissage d’objectifs secondaires franchement vénères. En outre, traverser le jeu une première fois ne constitue qu’une partie de son contenu – qui peut se suffire à elle-même, cela dit – et il faudra refaire les niveaux un bon paquet de fois pour espérer en faire vraiment le tour. On saluera Tour de Pizza d’avoir largement favorisé la qualité à la quantité en termes de niveaux, mais il faut adhérer à la proposition.
Aux nostalgiques de Wario Land, aux amateurs·rices d'action-platformers frénétiques, aux acharné·es du scoring et de la collecte d'objets : foncez, Pizza Tower est la valeur sûre du début d'année. Si le titre brille avant tout pour son game feel irréprochable, ses autres aspects sont tout aussi solides : de sa bande-son furieuse à son level design exemplaire, en passant par ses mécaniques créatives et variées, il n'y a finalement pas grand-chose à lui reprocher, si ce n'est peut-être de s'adresser avant tout à une niche bien particulière et assez réduite.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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