Cette fois-ci dans Partie Rapide, Zali revient sur le succès (mérité) du JRPG Fuga : Melodies of Steel et Shift aurait préféré faire n'importe quoi d'autre que de jouer au platformer 3D Clive 'N' Wrench.
Fuga : Melodies of Steel
Depuis plus de vingt ans, le scénariste Yasuhiro Noguchi développe l'univers de Little Tail Bronx, dans lequel des conflits délétères déchirent une race de chiens et une race de chats anthropomorphes, dans une ambiance steampunk empreinte de mélancolie. Entamée avec Tail Concerto en 1998, la série s'apprête à recevoir un sixième épisode principal dans quelques semaines avec l'arrivée de Fuga : Melodies of Steel 2. L'occasion pour nous de revenir sur le premier épisode de Fuga, paru en 2021 et gros succès critique et commercial pour son éditeur, CyberConnect2.
Enfance en danger
Si Fuga : Melodies of Steel brille par un aspect particulier, c'est bien par la force et la concision de son scénario, qui frappe dur sans jamais s'éparpiller. En plein milieu d'une guerre largement inspirée de la Seconde Guerre mondiale, une bande d'enfants perdus arrive à se réfugier dans une immense forteresse sur roues, le Taranis. Ce qui s'apparente désormais à leur foyer est également une machine de mort leur permettant de traverser le pays pour échapper à leurs poursuivants et tenter de retrouver leurs familles disparues.
En chemin, les enfants comprennent rapidement que le Taranis est un peu plus qu'un simple char d'assaut : il est équipé du "Canon des Âmes", un dispositif permettant d'abattre n'importe quelle cible en échange d'une vie. Vont-ils parvenir à échapper au champ de bataille sans avoir à sacrifier l'un ou plusieurs des leurs ? C'est un peu de vous dont cela dépend, ou du moins de votre capacité à améliorer le Taranis et les relations de l'équipage assez vite pour ne pas avoir à utiliser cette solution de dernier recours.
Chaque chapitre de la vingtaine d'heures que dure Fuga : Melodies of Steel se déroule de manière relativement similaire. Tout d'abord, une phase de gestion à l'intérieur du Taranis dans laquelle vous devrez à la fois renforcer les liens entre les enfants, assurer des tâches de maintenance et de vie quotidienne et renforcer la structure et les armes du char. Le tout avec, évidemment, un nombre de points d'action limité vous poussant sans arrêt à faire des choix cornéliens : envoyer des enfants se reposer est indispensable pour les soigner et les maintenir dans un état psychologique serein, mais c'est autant de temps perdu pour cuisiner, améliorer un canon ou aller chercher des pièces de rechange à l'extérieur.
La seconde phase du jeu est une série de combats au tour par tour prenant de plus en plus la forme de puzzle game à mesure que le jeu se complexifie et que les chars adverses s'endurcissent. Vous aurez tout d'abord à choisir entre différents chemins, les "routes sûres" offrant bien sûr moins de récompenses que les "routes dangereuses", truffées de combats désespérés. Et au sein de chaque combat, il vous faudra adapter votre tactique : des mesures très offensives peuvent abréger des combats rapidement, au prix de stress, voire de blessures pour les enfants. Des approches plus patientes et méthodiques, au contraire, peuvent vous coûter cher en ressources et en points de compétence.
Fuga : Melodies of Steel fait ainsi toujours en sorte que vous ayez juste un tout petit peu moins de temps, de ressources et d'objets que nécessaires pour aborder sereinement les prochains combats. Le tank ne se répare pas toujours correctement entre les affrontements, chaque chapitre se terminant systématiquement par un boss qu'il conviendra de ne surtout pas aborder avec un char en miettes rempli d'enfants blessés. C'est donc un subtil jeu d'équilibriste que vous aurez à mener pour trouver le compromis le moins affreux entre "mettre en danger les enfants" et "protéger tout le monde au risque de se retrouver sous-équipé et démuni au moment fatidique". Et malgré quelques moments un peu mous et quelques chapitres un poil en dessous des autres, c'est aussi cruel que brillant.
Fuga : Melodies of Steel a été testé sur PC via une clé acquise par nos soins. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
Fuga : Melodies of Steel n'a pas volé son succès. Bien sûr, la thématique est extrêmement dure et ne conviendra pas à tout le monde. Assurément, le scénario, aussi efficace soit-il, souffre de quelques facilités ainsi que de quelques moments sexistes et grossophobes dont on se serait passé. Mais il s'agit aussi d'un excellent petit RPG, n'hésitant pas à aborder frontalement le drame de la guerre et de la survie en conditions extrêmes du point de vue d'une bande d'enfants vraiment attachants. Si vous n'avez rien contre les combats au tour par tour et les récits traumatisants, c'est un indispensable de ces dernières années.
Clive 'N' Wrench
En 2020, je m’indignais de l’état et de l’utilisation de l’early access pour vendre tout et surtout n’importe quoi, en prenant pour exemple Pandora : Chains of Chaos, développé par une équipe semi-amatrice et sorti dans un état à peine digne d’une alpha. Si vous voulez des nouvelles du jeu, sachez que moi aussi : aucune mise à jour, aucun message en vue depuis le 14 février 2021 et je doute que le titre sorte un jour. Il y a deux ans et demi, je fustigeais ce besoin de forcément faire du jeu vidéo une activité à but lucratif. Que l’on s’entende bien : il faut payer et bien payer les professionnel·le·s de l’industrie, quel que soit leur poste et leur rôle dans le processus de création d’un jeu vidéo. En revanche, il va peut-être falloir intégrer que tous les projets personnels ne sont pas nécessairement commercialisables, et ce, quel que soit le niveau d’implication des personnes concernées.
Mascottes rassies
Clive ‘N’ Wrench, c’est le projet de cœur du développeur Rob Wass, alias Dinosaur Bytes. Par projet de cœur, je veux dire, projet qui aura pris douze ans de sa vie, financé par une petite cinquantaine de personnes sur Patreon, et qui aura fini par réunir autour de lui une petite équipe pour achever le développement, et shipper le tout, grâce à (à cause de) l’éditeur Numskull Games. Et c’est là que ça devient triste, vraiment triste. Mon cousin, frère, neveu, meilleur pote, m’aurait montré un tel rendu final au bout de douze ans de travail acharné sur son platformer 3D développé sous Unity, je l’aurais sincèrement félicité d’avoir réussi à sortir un jeu complet de quelque dix heures, avec un début, une fin, un gameplay, une histoire, une bande-son, etc. En revanche, il m’aurait dit qu’il comptait rentabiliser ces douze années passées à développer son platformer 3D en le vendant presque 30 balles sur toutes les plateformes, je l’en aurais très fortement dissuadé.
Car, il faut être honnête, Clive ‘N’ Wrench fait peine à voir. Il ne tient pas la route face à ses modèles - il cite directement Spyro the Dragon et Jack & Daxter, mais on pourra sans mal ajouter du Super Mario 64 ou Banjo-Kazooie dans l’équation – et ne tient pas plus la route face à n’importe quel jeu, platformer ou non, de 2023. Ni de ces douze dernières années, j’en ai bien peur. L’idée n’est pourtant pas mauvaise : la formule s’est vue déclinée avec succès ces dernières années, autant par des vétérans du genre (Yooka-Laylee and the Impossible Lair) que des nouveaux venus (Hell Pie, A Hat in Time) et il y aura toujours de la place sur ce créneau, le platformer 3D n’ayant pas tant de bons représentants modernes, et un public toujours fidèle et partant.
Malheureusement, même pour ce public – dont je fais complètement partie – Clive ‘N’ Wrench n’est pas satisfaisant, et est beaucoup trop loin de l’être. Nous passerons très vite sur la partie purement esthétique : oui, c’est très moche, autant en termes de qualité de textures que de direction artistique et oui, la musique, les bruitages et le sound design sont des punitions, mais ce sont des aspects sur lesquels il est facile de passer et auxquels je tiens rarement rigueur. J’ai par exemple beaucoup aimé Hell Pie malgré son mauvais goût absolu, ses bruitages épouvantables et ses textures moches, tout comme j’ai aimé Yooka-Laylee and the Impossible Lair en dépit de sa direction artistique cauchemardesque. J’avais vu la tête de Clive ‘N’ Wrench avant de le demander, et je n’y allais pas pour la claque graphique.
Non, j’y allais pour m’amuser sur un platformer 3D, et le moins qu’on puisse dire, c’est que je ne me suis vraiment, mais vraiment pas amusé. Car Clive ‘N’Wrench est terriblement cassé. Tout ce qui peut dysfonctionner dans un jeu de plateforme dysfonctionne à pleine balle dans le titre de Rob Wass, retirant absolument tout plaisir de jeu. Le move set de Clive est pourtant acceptable, le level design alterne entre plutôt malin et quelconque, les boss et environnements sont variés, et le jeu bénéficie de quelques très bonnes blagues, mais rien de tout ça ne parvient à sauver un rendu aussi techniquement raté. La caméra est terriblement lente, la physique est buguée jusqu’à la moelle, au point de rendre certaines séquences de plateforme absolument injustes et injouables, les raccourcis ne restent pas ouverts quand on change de zone, les attaques n’ont absolument aucun feedback, le gameplay de nage est une insulte à lui tout seul, les énigmes sont trop simples et trop buguées : rien n’est jamais amusant ou agréable à manier dans Clive ‘N’ Wrench, aucun aspect ne bénéficie du minimum syndical de polish. Ce qui, malheureusement, fait de lui un platformer 3D à fuir comme la peste.
Clive ‘N’ Wrench a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Nintendo Switch, et PlayStation 4 et 5.
J’aurais aimé dire que le projet de Rob Wass était bien, même juste sympa, ou amusant. Il est seulement cassé et complètement indigne des standards de l’industrie, que ce soit de 2023 ou des quinze dernières années. En l’état, il ressemble à une version alpha qui aurait pu être présentée à un éditeur, avant de réellement commencer le projet, avec certes ses problèmes graphiques, techniques et physiques, mais quelques bonnes idées, un concept efficace, à défaut d’être original ou intéressant, et de l’humour. Mais certainement pas à un produit fini et commercialisable.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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