Dans cette nouvelle Partie Rapide, Shift a redonné de la couleur aux rues de Montréal dans Été, tandis que Zali a cliqué comme jamais dans l'inquiétant Clickolding.
Été
Premier titre du petit studio québécois Impossible, Été est, outre un terrible échec de référencement, la promesse d’une expérience reposante dans les rues de Montréal, sans enjeux, sans violence, sans pression et sans possibilité d’échec. Un objectif globalement atteint, même si quelques choix de conception m'empêchent de complètement y adhérer.
Enfin l'été, mais y a déjà plus d'argent
Le principe de base est terriblement simple et effectivement relaxant : chaque quartier du jeu est initialement dépourvu de la moindre couleur et, à la manière d’un PowerWash Simulator où l’on rajouterait de la couleur au lieu d’enlever de la crasse, on va rendre aux rues, marchés, boutiques, parcs leur aspect d’origine, d’une simple pression du clic gauche de la souris. Pour l’exacte même raison que j’ai pu passer pas loin d’une soixantaine d’heures à nettoyer des trucs dans PowerWash Simulator, cette mécanique de coloriage des décors dans Été m’a complètement aspiré, et j’ai passé plusieurs matinées et soirées à m’abandonner à la promenade à la première personne dans des rues de plus en plus colorées et accueillantes, tout en écoutant des podcasts. Et si le titre en était resté à ce strict postulat, je vous le recommanderais sans la moindre hésitation, pour peu que ce genre d’expériences soit votre came.
Malheureusement pour moi, Été ne se contente pas de cet aspect flânerie et coloriage, et ajoute plusieurs briques de gameplay à l’ensemble. Je ne crois pas que ce soit un défaut à proprement parler, déjà car aucune de ces mécaniques supplémentaires n’apporte de stress ou d’enjeux au titre, mais surtout car ces éléments ne sont pas si envahissants ni foncièrement ratés. Seulement, je dois avouer qu’ils me parlent beaucoup moins, voire m’agacent légèrement dans certains cas, et que j’aurais personnellement passé un meilleur moment sur le jeu s’il avait été encore un peu plus minimaliste.
Car Été est découpé en jours, et les différents moments de la journée avancent en temps réel, ce qui signifie qu’il faut, à intervalles réguliers, interrompre sa promenade pour aller se coucher et retrouver son chemin le lendemain. Ce système de jours, il est là car Été propose tout un tas de petits objectifs et de quêtes à accomplir, qui consistent à peindre une toile avec les bons éléments et à l’apporter à la bonne personne, le bon jour de la semaine. Et c’est dans cet aspect que tous les petits reproches que j’adresse à Été se concentrent.
Ce que je ne vous ai pas dit, c’est que colorer un élément dans la rue permet ensuite de le peindre sur une toile dans son atelier, tandis que des pigments cachés sont à trouver dans les différents quartiers, permettant de débloquer de nouvelles couleurs sur sa palette. Mon souci avec ce système, c’est qu’il rend l’action de peindre assez peu satisfaisante. Au lieu de s’amuser à dessiner des trucs à la main (quitte à ce que ce soit super moche), à la façon d’un SuchArt, on ne peut que sélectionner des objets depuis une base (un peu longue à charger) et les placer sur notre toile, la plupart du temps dans le simple but d‘accomplir une quête et gagner de l’argent. Ce qui perd, dans mon cas, pas mal d’intérêt.
J’aurais aimé, je crois, que l’action du jeu soit totalement dénuée d’objectifs et de récompenses, et que la satisfaction de voir les quartiers se colorer au fur et à mesure de notre progression soit suffisante, au lieu d’avoir à composer avec des quêtes, des objets et couleurs à débloquer et de l’argent à gagner pour décorer mon atelier. Ce n’est pas spécialement grave ni même mal fait, mais ça m’agace un peu d’avoir l’impression de travailler et de devoir gagner ma vie pour acheter des trucs dans mon jeu chill et reposant de déambulation québécoise. Encore plus quand lesdites quêtes font progresser les histoires de personnages que je trouve personnellement assez désagréables et avec qui j’avais de moins en moins envie d’interagir au fil de ma progression. J’ai donc fini par snober tout ce beau monde, et retourner à mes flâneries. Non mais.
Été a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Glander dans les rues de Montréal en colorant l’environnement objet après objet est un réel plaisir, grâce à une mécanique principale très satisfaisante et une direction artistique magnifique tout à fait à propos. Pour le reste, tout dépend de ce que vous recherchez dans ce type de jeu. J’ai pour ma part trouvé un peu déplaisant de devoir remplir des objectifs et gagner de l’argent dans un jeu où je voulais juste peindre et me promener, et j’aurais aimé pouvoir dessiner librement sur mes toiles plutôt que d’y apposer des objets, aussi jolis soient-ils. Mais il s’agit d’une considération très subjective, et si ce type de gameplay vous branche, je ne peux que vous recommander d’y jeter un œil.
Clickolding
Annoncé il y a seulement quelques semaines, Clickolding est la dernière production de l'étrange studio Strange Scaffold du scénariste Xalavier Nelson Jr. Une boîte connue depuis des années pour ses propositions marginales, et apparue sur les radars de tout le monde avec le triomphal El Paso, Elsewhere. Une partie des jeux de Strange Scaffold confinent à la blague, mais des blagues racontées avec un ton étrangement sérieux. Dans Clickolding, on n'est même plus vraiment dans le registre de la blague, mais dans celui du jeu de mot douteux. Mais, encore une fois, le studio s'en tire admirablement en livrant une expérience bizarre d'une demi-heure, vendue pour moins de 3€, et profondément marquante.
Cuckie Clicker
Dieu merci, vous n'avez pas absolument besoin de connaitre tous les codes "esthétiques" des productions les plus sordides de "cuckhold porn" pour apprécier la plaisanterie. De toute façon, Clickolding est assez transparent sur la question : vous êtes dans une chambre d'hôtel miteuse tandis que, assis dans la pièce, un type masqué affalé dans un fauteuil vous demande en respirant de plus en plus fort de cliquer, cliquer, cliquer encore, cliquer plus vite, cliquer assis sur le lit, cliquer près de lui, ah, c'est parfait, vous êtes un bon cliqueur. Il vous paye (grassement), pour 10 000 clicks. Voilà, c'est ça, Clickolding.
Il est difficile de ne pas spoiler un jeu qui dure moins de trois quarts d'heure (et encore, en cliquant comme un débutant dont c'est la première séance de cliquage). Mais bien entendu, Xalavier Nelson Jr. ne s'est pas contenté de parodier à la sauce horrifique un kink quelconque juste pour faire une blague typographique. Oui, il y a un twist scénaristique dans Clickolding. À vrai dire, il y en a même deux. Le voyage ne vous emmène pas exactement là où vous pensez, et c'est un petit peu plus malin que ça en a l'air.
Pendant ses quelques (intenses) minutes de séances de clics, Clickolding parvient tour à tour à développer un propos non seulement sur la question de la mise en scène de ce genre de vidéos, mais aussi sur la question de ce qui fonctionne ou non dans un FPS horrifique. Et même sur la nature profonde des jeux incrémentaux dont le gameplay se résume à cliquer en boucle sur des trucs. Faut-il impérativement être "meta" pour arriver à dire quelque chose dans ce genre de production ? Ou est-ce qu'une tentative de parler des jeux vidéo qui parlent de jeux vidéo est immédiatement condamnée à devenir un exercice complètement vain ? Il y a déjà presque dix ans, The Beginner's Guide essayait de répondre à cette question de manière presque intime. Nous sommes en 2024, et Clickolding apporte une autre sorte de réponse. Beaucoup plus brutale, mais pas forcément moins satisfaisante.
Clickolding a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Quoi que vous cherchiez dans le dernier jeu de Xalavier Nelson Jr., il va vous donner un peu autre chose. Bien entendu, la blague est amusante, et, comme d'habitude, la musique de RJ Lake est impériale. Mais Clickolding est aussi un jeu qui est pleinement conscient de la stupidité de ce qu'il vous demande de faire et de la manière dont il vous demande de le faire. Ce qui lui permet de s'aventurer dans un registre plutôt inattendu, qui lorgne du côté de l'absurde un peu halluciné. Ce qui a le mérite de nous rappeler de manière plutôt cruelle que, face à un jeu vidéo, on est tous·tes piégé·es dans une pièce à cliquer en boucle sur des trucs parce que c'est l'instruction sonnée à l'écran. Bon, blague à part, vous avez cliqué sur le lien, pas vrai ? Vous êtes incorrigibles.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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