Cette fois-ci dans Partie Rapide, Shift a parcouru sans déplaisir le roguelite Dicefolk et Tritri a pris son envol dans les cieux alcoolisés de The Brew Barons.
Dicefolk
Tiens donc, mais ne serait-ce pas Shift qui revient nous bassiner avec un énième roguelite de deckbuilding avec des dés ? Après avoir fait Dicey Dungeons sur PC, Switch et téléphone, après avoir chroniqué Slice & Dice, Astrea: Six-Sided Oracles, il n'en a toujours pas marre d’étaler ses obsessions comme ça là, devant tout le monde ? N’y prêtez pas attention, il va s’agiter quelques minutes et si on l’ignore il va s’arrêter tout seul, surtout ne croisez pas son regard et tout se passera bien. Non, non non non, arrêtez, non ne demandez même pas le nom du jeu, ce sera trop ta… Et voilà, c’est fichu.
That's all dicefolks !
Le nom du jeu, cher·e lecteur·rice plein·e de curiosité, c’est Dicefolk. Évidemment, j’y ai joué car c’est un roguelite avec des dés, et que j’aime les roguelites, et les dés. Et j’ai eu très précisément ce que j’attendais, ce qui est à la fois très réconfortant, c’est très agréable de lancer un jeu et de déjà savoir ce qu’on va y faire, on met ses pantoufles et c’est parti ; de l’autre, un peu tiède comme expérience, puisqu’aucune grosse surprise ne viendra pointer le bout de son nez.
Bien sûr, il y a la petite particularité de gameplay, chacun de ces jeux a la sienne. Dans Dicefolk, c’est que l’on combat au tour par tour en contrôlant une équipe de trois chimères, face à une équipe de une à trois autres chimères, et que toutes les attaques, alliées comme ennemies, sont activées par des faces de dés. Et il faut reconnaître que la boucle de gameplay fonctionne bien. On choisit à la fois nos attaques et celles de nos ennemis, toutes doivent être jouées, et tout l’aspect stratégique repose sur l’ordre des actions, et surtout la rotation du meneur, c’est-à-dire la créature en première ligne, qui sera, dans la plupart des cas, la seule à attaquer et prendre les dégâts. On se prend rapidement au jeu, d’autant que le titre a la bonne idée d’exploiter à fond les rotations pour appliquer des buffs et débuffs dans tous les sens. On est très loin de la surcharge cognitive d’Astrea: Six-Sided Oracles, mais il y a quand même pas mal de paramètres à surveiller du côté des passifs des ennemis si on veut survivre aux affrontements.
Ainsi, hormis une direction artistique qui ne me plait pas tellement (mais c’est complètement personnel et très annexe pour ce genre de jeu, j’ai joué à bien plus moche que ça), j’avoue ne pas tellement avoir de choses à lui reprocher. Sa structure est très exactement la même que celle de Dicey Dungeons (on évolue dans un mini-donjon, en choisissant ses embranchements et l’ordre des combats et bonus) et ça tombe bien : c’est une structure éprouvée, fonctionnelle et très correctement appliquée. Idem pour ce qui est du contenu. Gagner une run débloque un nouveau talisman, qui permet de jouer avec d’autres créatures et d’autres pouvoirs et capacités, le jeu ajoute constamment de nouveaux objets, de nouvelles chimères, de nouveaux biomes, et d’autres défis nous attendent une fois les quatre fins atteintes. C’est là tout le drame de Dicefolk, finalement. Ça marche bien, c’est chouette. Il y a cinq ou six ans, j’y aurais probablement passé la moitié de mon mois de février avec plaisir.
Seulement, on est en 2024, le calendrier est totalement bouché, et pas par des cochonneries, par d’excellents jeux, pour la plupart bien plus créatifs et plus mémorables que Dicefolk. Résultat, et alors que chaque run passée dessus est un moment plaisant, je le lance presque à reculons, en sachant qu'une ou deux heures passées à y jouer sont des heures passées à ne pas jouer à quelque chose de plus intéressant. Et à vrai dire, je trouve ça assez dramatique. La surproduction actuelle est impitoyable pour des jeux comme Dicefolk, dont le seul défaut est finalement d’être seulement chouettes, au milieu de dizaines de titres géniaux. Je ne vois pas pourquoi je vous déconseillerais d’y jouer si les roguelites de deckbuilding sont votre came : c’est sympathique, c’est efficace, ça délivre très précisément ce qu’on attend de lui. Je ne vois pas non plus pourquoi je vous le conseillerais plutôt qu’un autre : il ressemble à tout ce que vous connaissez, sans avoir suffisamment de personnalité ou de high concept pour s’en démarquer.
Dicefolk a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
Cette fin de chronique est bien négative, alors permettez-moi d’insister : Dicefolk est un bon roguelite, un bon jeu de deckbuilding. Malgré sa taille assez modeste, il propose suffisamment de contenu et de rejouabilité, et sa mécanique principale, basée sur les meneurs et les rotations, est exploitée de manière vraiment maligne et variée. Il y a complètement de quoi y passer un bon moment, pour peu que l’on apprécie le genre et qu’on ait déjà poncé tout ce qui se fait dans cette catégorie. J’aurais juste souhaité qu’il puisse exister dans une industrie qui lui aurait laissé rien qu’une petite place.
The Brew Barons
The Brew Barons avait sur le papier tout pour me plaire : du pilotage d'avion, de la gestion, une grande map à explorer, et de la bière. Lancé sur Kickstarter il y a déjà 3 ans, le jeu s'est offert une longue phase (depuis mars 2022) de beta fermée réservée aux backers, avant de sortir le 1ᵉʳ mars prochain. On pourrait croire qu'avec tant de temps, ils auraient eu certains retours sur les défauts quelque peu frustrants du titre. Concrètement, non, et par conséquent The Brew Barons souffre d'énormes défauts qui font oublier ses qualités indéniables.
Les ailes de l'ennui
Le début du jeu est efficace : largué sur la grande carte de l'archipel du jeu, vous découvrez avec effroi que cette tranquille nation insulaire paradisiaque est assiégée par des pirates. Pirates qui inondent les îles de mauvaise bière et empêchent toute concurrence de vendre des boissons de bonne qualité. Mais qu'à cela ne tienne pour votre personnage et sa copilote, il est temps de prendre les choses en main et de proposer vous-même de la bonne bière et autres alcools de qualité et de repousser les pirates une bonne fois pour toutes. Je vous avoue qu'avec un pitch pareil, je m'attendais à quelque chose de légèrement plus guidé, probablement pas scénarisé, mais au moins avec un semblant de direction qui vous ferait passer de boss en boss jusqu'au combat final contre le roi des pirates pour nettoyer les cieux de ces criminels de la bière. Hélas, non, au bout de quelques heures de jeu, vous vous apercevrez qu'il n'y a aucune direction, que le jeu s'attend à ce que vous exploriez vous-même et trouviez les divers adversaires et boss pirates pour vous en défaire vous-même. Mais ce n'est pas grave, après tout Minecraft n'a aucune direction pour atteindre l'Ender Dragon, et l'immense majorité des joueurs ne l'a de toute façon jamais atteint, le jeu reste amusant sans ça. Ici, ce n'est pas le cas.
Au début, The Brew Barons fonctionne super bien. On vous offre un vieux coucou tout pété et on vous explique comment récolter des ressources (en tirant dessus, en les bombardant et en coupant le blé avec votre hélice : c'est une méthode reconnue) pour faire vos mixtures. Vous décollez et découvrez un système de vol arcade, mais quand même légèrement coton à maîtriser. Tandis que vous explorez la première île (sans pirates), vous découvrez que le jeu regorge de petits secrets divers, vous apportant des plans de pièces pour l'avion, de nouvelles recettes et d'autres ressources rares. Alors, vous retournez à votre brasserie pour effectuer votre première recette de bière, pour votre première commande d'un bar local et vous vous dites que ça sera le jeu chill parfait pour écouter un podcast, que la boucle récolte, mélange, livraison, sera idéale pour se déconnecter des ennuis de la vie et de ce patron qui vous a encore dit trois choses contradictoires en 4 heures. Vous faites votre bière, la livrez, découvrez que le barman a une multitude de petites rumeurs à raconter (comme tout barman), et qu'il y a même un gars au bar prêt à travailler pour vous. Retour à la brasserie où l'on vous explique que vous pouvez ouvrir votre bar et y vendre vos recettes d'alcool pour faire augmenter votre réputation ! Trop bien.
Mais, au bout de 5 h, vous comprenez que cette boucle de gameplay ne sera pas aussi simple. Déjà : il n'y a presque jamais de contrats de livraisons. En 12 h de jeu, je n'en ai eu que 3 ou 4. J'ai passé l'immense majorité de mon temps à ne faire que : décoller, récolter (sur l'île de départ puis sur d'autres îles une fois mon avion amélioré), retourner à la brasserie une fois la soute pleine, et on répète. Ad nauseam. Je suppose qu'une fois que la réputation de votre brasserie est bien installée, l'on vous propose plus de contrats. Le souci étant que la réputation augmente très lentement. En 12 heures de grind, je n'ai gagné qu'une demi-étoile sur 5. Ce qui n'a quasiment rien changé à ce que le jeu me proposait. Qu'à cela ne tienne, en désespoir de cause, pour changer un peu, j'ai été chasser des pirates sur les îles périphériques. Le combat aérien est sympathique, sans plus, mais il est aussi risqué pour des récompenses pas franchement intéressantes. J'ai nettoyé deux trois îles et l'on m'a récompensé avec une poignée de matériaux, pour une facture de réparation hors de prix.
The Brew Barons a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur.
The Brew Barons souffre d'un énorme problème d'équilibrage et de rythme. Si le gameplay en lui-même est charmant, la progression est bien trop lente et l'ennui commence à s'installer au bout de 6 ou 7 heures de grind monotone, qui n'est perturbé par aucune surprise, mauvaise ou bonne. Chacune de vos sessions de jeu sera identique à la précédente et rien ne vous surprendra. Quant au combat, les récompenses ne sont pas au niveau du risque pour votre porte-monnaie. Il conviendra alors d'ignorer les pirates jusqu'à que vous puissiez vous attaquer aux boss qui parcourent la map. Bon courage, car votre argent montera bien trop lentement, et il faudra bien une vingtaine d'heures pour atteindre ce niveau. Reste une DA charmante inspirée de Porco Rosso, mais ça ne suffit franchement pas à rendre le jeu intéressant.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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