Les remakes et remasters signés Square Enix se succèdent à un rythme effréné. Dernier de la liste pour 2022 : une ressortie de l'Action RPG Crisis Core: Final Fantasy VII paru en 2007 sur PSP, et racontant les événements ayant eu lieu avant Final Fantasy VII. Livré sous le nom Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion, il se situe dans une zone étrange entre le remake complet et le simple remaster. Une sorte de "remakster" donc, comme si tout ceci n'était pas assez compliqué.
Attention, cet article contient de légers spoilers de Final Fantasy VII.
Tout au long des années 2000, Square Enix a développé tout un tas de projets transmédias autour de son RPG culte, Final Fantasy VII. Films d'animation, romans, jeux dérivés, applications pour téléphone à clapet, tout y est passé. Un peu à la manière d'un Star Wars, FFVII possède son univers étendu. Ses deux univers étendus, même, puisque seule une partie du canon a été repris dans le grand projet constitué par les jeux FFVII Remake, eux-mêmes accompagnés de projets entendant re-raconter le FFVII d'origine, mais pas pareil. Vous n'y comprenez rien ? Nous non plus. D'autant plus quand nous arrive ce Crisis Core: Final Fantasy VII qui joue les équilibristes en intégrant pleinement dans son esthétique l'existence de FFVII Remake, tout en ne proposant quasiment aucun raccord narratif clair avec ce dernier. Cela n'a formellement aucune importance, mais est tout de même révélateur de quelque chose : Square Enix entend vous fourrer du Final Fantasy VII au fond du gosier quoi qu'il en coûte, quitte à s'aventurer dans tout un tas de projets un peu baroques pour saturer le marché avec sa licence. En l'occurrence, la remise en avant (assez soignée, il faut bien le reconnaître) d'un jeu dont le propos comme la structure accusent cruellement le poids des ans. Il faut dire que, dès sa parution, Crisis Core: Final Fantasy VII n'était pas un jeu des plus intéressants.
Les absents n'ont pas toujours tort
Je sais que c'est difficile à imaginer, mais pendant plusieurs années après sa sortie en 1997, FFVII n'était (pas vraiment) un projet transmedia. Pas de Advent Children et autres Before Crisis à se mettre sous la dent. Tout ce que FFVII avait à raconter, il le faisait dans l'espace contenu dans le seul jeu d'origine. Un jeu qui nous racontait entre autres choses, et comme vous le savez probablement, le destin de quatre personnages évoluant dans un monde opprimé par une multinationale de l'énergie, la Shinra.
Quatre personnages qui brillaient tous à leur manière par leur absence : Sephiroth, l'antagoniste surpuissant que l'on ne faisait que poursuivre en vain pendant une bonne partie du jeu sans presque jamais le croiser. Aerith, la fleuriste aux mystérieux pouvoirs, qui quittait l'aventure assez rapidement dans une scène tragique que l'on ne présente plus. Cloud lui-même, qui ment sur sa propre identité durant l'essentiel du jeu. Zack, enfin, petit copain d'Aerith, décédé avant même le début du jeu et apparaissant fugacement dans de très rares flachbacks, la plupart cachés (et même pour certains absents de la première version japonaise du jeu).
Jusqu'à la sortie de Crisis Core: Final Fantasy VII en 2007, Zack était un personnage qui n'existait que pour la simple et bonne raison qu'il n'était pas là. On ne devinait sa personnalité qu'en pointillés, et nous n'étions reliés à lui que par la tragédie de sa mort aux portes de Midgar. Il en résultait d'ailleurs une énorme tension dramatique dans toute l'intrigue de FFVII, d'autant plus forte quand il devenait évident qu'Aerith avait deviné depuis le début que Cloud n'était que l'ombre de son amant décédé. Tifa, Cloud, Aerith, Vincent, Barrett, Hojo : FFVII est truffé de personnages brisés par l'absence ou la disparition de personnages aimés, évoqués de manière furtive, allusive, voire cachée. Et si le scénario de FFVII a des défauts, cette manière de montrer la tragédie par le vide était brillante. Et voici que dix ans après la sortie du jeu, Crisis Core: Final Fantasy VII venait expliciter tout ça.
Activation de la materia "fanservice"
Le Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion de 2022 et l'original paru en 2007 ont quasiment à la virgule près le même contenu scénaristique, la même mise en scène, la même manière de dérouler son propos. Et quel propos ! On y suit donc les premiers pas du sémillant jeune homme Zack en tant que paramilitaire au sein du SOLDAT, l'armée privée de la Shinra. Cette dernière est en guerre contre le Wutaï, sorte de pseudo-Japon refusant à l'entreprise le privilège de piller ses ressources naturelles. Zack va en conséquence être envoyé sur le front pour combattre des ninjas et des samouraïs, et découvrir un bien vilain complot à base de clones de soldats rebelles. Ce faisant, il va se lier avec Sephiroth, le charismatique guerrier constituant l'arme ultime du SOLDAT et rencontrer la belle Aerith qui blablabla etceteri etcetera : oui, c'est de la bouillie de fan service la plus éhontée qui soit, même à l'époque.
Il se dégageait déjà de tout cela en 2007 un certain sentiment d'inutilité. Pas uniquement parce que chaque scène n'est qu'un vague prétexte à montrer Sephiroth ou Zack en train de taper la pose ou de faire des allusions directes à destination des fans de FFVII, mais aussi parce que Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion ne raconte en fait pas grand-chose. L'antagoniste principal a des motivations extrêmement confuses, les péripéties s'enchaînent sans que le contexte soit développé ou étayé, et l'on y passe son temps à courir d'une arène à l'autre en fracassant des monstres sans bien comprendre ce qu'on est en train de fabriquer. Mais c'est surtout Zack lui-même qui dérange : fini le petit ami disparu dans des circonstances tragiques, bonjour le jeune beau gosse échappé d'un boys band du début des années 2000 qui passe son temps à brailler, à danser, à faire le clown et à enchaîner les pirouette comme un cascadeur de strip-club à Vegas.
Non pas que le personnage en lui-même soit particulièrement raté : c'est un personnage parfait pour un spin-off à destination des fans en demande de n'importe quoi estampillé FFVII. Un personnage de clown, que la tragédie ne rattrapera que dans les dernières heures du jeu, dans une ambiance complètement dépouillée de la mélancolie amère de FFVII. On enchaîne les blagues et les bons mots, on croise des membres du SOLDAT rigolos, on multiplie les rencontres absurdes avec des personnages habillés "à la Nomura" (chaînes BDSM, fermetures éclair partout, armes démesurées...), et on se sent un peu gêné d'arpenter la version kitsch, muséifiée et opportuniste d'une aventure infiniment plus sombre.
Une vacuité généreuse
N'empêche que Square Enix a tout fait pour qu'on s'accroche. La refonte graphique, si elle n'atteint pas l'excellence d'un FFVII Remake, en reprend le cahier des charges et nous livre un jeu beaucoup plus beau et agréable à parcourir que sa version originale. C'est certes la moindre des choses, mais ces dernières années ont multiplié les contre-exemples. Mais l'éditeur n'a pas mis qu'un peu de vernis sur un mur poussiéreux, le gameplay de Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion a été retravaillé en profondeur.
Le système de combat a été entièrement révisé pour livrer une expérience plus fun et moderne, qui garde les bases de 2007 tout en modernisant le rythme et la profondeur des affrontements. Tant mieux, puisque au fond, Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion est un jeu où l'on ne fait formellement pas grand-chose d'autre que se battre. D'avantage qu'un JRPG, il s'agit d'ailleurs plutôt un d'un quasi-beat them up où l'on court d'arène en arène pour tabasser des hordes de trucs, parfois entrecoupé de dialogues un peu gênants.
Il n'est d'ailleurs pas innocent qu'une des rares modifications à la structure-même du jeu soit l'ajout de 300 missions secondaires uniquement axées sur le combat. Véritable jeu parallèle accessible par les menus, ce système de missions propose des affrontements durant entre quelques secondes et quelques minutes avec de généreuses récompenses à la clé. Un mode très réussi, par ailleurs, mais répétitif par essence, puisque exclusivement axé sur l'anéantissement d'ennemis de plus en plus forts, généralement des versions plus complexes de mobs ou de boss déjà rencontrés dans le jeu. Après avoir parcouru quelques dizaines de ces missions, on sent que finalement, Square Enix a mis énormément d'efforts dans ce remake pour nous faire apparaître frontalement cette vérité en face : si l'on omet son excellent gameplay et un vague sentiment de nostalgie, Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion demeure et demeurera toujours un exercice purement mineur.
Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion a été testé sur Nintendo Switch via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, sur PC et sur les consoles Xbox.
Il y a des jours où je suis (vraiment) content que nous ne mettions pas de notes aux jeux que nous recevons chez The Pixel Post, ce qui me donnerait toujours un peu l'impression d'évaluer un jeu vidéo comme on évalue la résistance d'un pneu ou les qualités gustatives d'une tranche de jambon. Dans le cas de Crisis Core –Final Fantasy VII– Reunion, je serais particulièrement embêté : derrière un remake propre, solide et probablement destiné à devenir une référence pour les fans, je ne vois qu'un jeu daté, un peu vain et un peu ennuyeux. Un projet dont les impératifs commerciaux (pressurer autant que possible la licence FFVII) passent loin devant les ambitions narratives, esthétiques ou historiques, mais qui accomplit son travail de manière nette et sans bavure.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
Articles similaires
Life is Strange : Double Exposure - La faute au finish
nov. 13, 2024
Some Goodbyes We Made - Au-delà du jeu
nov. 08, 2024
Shadows of the Damned : Hella Remastered - L'enfer est-il pavé de remakes dispensables ?
nov. 01, 2024