On a beaucoup, beaucoup écrit sur Mass Effect Andromeda. Pour s’agacer, pendant des années, que personne chez EA ne semblait vouloir communiquer au sujet du quatrième volet de la fresque interstellaire de chez Bioware. Pour ricaner, ensuite, parce que quand ils ont daigné montrer quelque chose, le résultat était, comment dire, pas spécialement encourageant. Pour déverser sa bile, ensuite, parce que c’est Mass Effect, et, mes paroles n’engagent que moi, même si je sais un peu de quoi je parle, étant moi-même idiot : fans de SF + fans de Jeu Vidéo = pas toujours les étoiles les plus brillantes du sapin. Et enfin, on a soupiré, une fois le jeu en main. Bugs apocalyptiques, structure étrange, écriture immature, textures hideuses, tout semblait à jeter chez le malheureux Mass Effect Andromeda. Un postmortem qui fera date se dessine en creux, et dresse un portrait robot de tout ce qu’il ne faut pas faire en gestion de projet. Ce qu’en revanche, on a assez peu dit sur Mass Effect Andromeda, c’est que près de six mois après sa sortie, une montagne de patchs plus tard, et un peu de persévérance, c’est un jeu qui tient parfaitement la route, et dont il se dégage même, par moment, une certaine grâce.
Il n’est pas étonnant que l’immense majorité des joueurs aient lâché Mass Effect Andromeda avant d’en découvrir les vertus. De la même manière qu’on peut difficilement transformer un hippopotame en Ferrari Testarossa uniquement avec un peu de maquillage, l’immense travail de mise à jour et de patchs (que je qualifierai pour ma part de “on a fini le jeu qu’on vous a livré en pré-alpha”), opéré depuis des mois par des équipes sur le point de se faire virer, n’occulte pas certain des défauts majeurs du jeu.
- Mass Effect Andromeda alterne, malgré d’énormes corrections de textures, des phases d’immense beauté et des moments très uncanny valley remplis de personnages rigides au teint cireux, certes.
- Mass Effect Andromeda s’ouvre sur des dialogues confus et introduit ses personnages à la truelle, entendu.
- Mass Effect Andromeda peine à présenter ses enjeux, faute à une dramaturgie pompière et une réalisation absente, nous sommes d’accord.
- Mass Effect Andromeda, s’il plante dix fois moins qu’à sa sortie, plante encore dix fois trop, c’est évident.
Mais Mass Effect Andromeda n’est pas plus raté que bien des jeux avec lesquels la critique et les joueurs ont été bien moins durs.
Non mais attends, tu vas voir, ça devient bien après
Si je devais citer le principal défaut de Mass Effect, ce n’est pas de textures, de plantages bizarres, de dialogues confus, de menus insupportables ou d’enjeux abstraits dont je parlerais, mais de l’extraordinaire maladresse de la manière dont l’aventure y est structurée : Andromeda est un exemple rare et insolite de jeu plaçant l’essentiel de son contenu intéressant dans la seconde partie du jeu.
Même Final Fantasy XV n’a pas réussi cet exploit, en fait, très peu de jeux réussissent la contre-performance de livrer un début poussif et une montée en puissance réussie. Parce que, vous savez bien si vous êtes un collectionneur de trophées et autres achievements : si vous dépassez le tiers d’un jeu, vous commencez automatiquement à obtenir des trophées “rares”. Je suis, pas plus tard qu’en ce moment, en train de découvrir The Witcher 3 des années après la bataille. J’ai été à nouveau étonné de constater que les missions de niveau 6 ou 7 de la première zone étaient parfois récompensées d’un trophée obtenu par à peine un tiers des joueurs.
De cet exemple particulier je fais sans vergogne une vérité générale : si vous avez joué à Mass Effect Andromeda il y a quelques mois, il est peu probable que vous ayez continué au-delà des très poussives premières heures du jeu. Vous êtes arrivé dans une mission confuse sur une planète moche, avant d’être rapatrié sur une station spatiale figée et vide d’âme, où on a passé des heures à vous présenter l’organigramme administratif des colons de l’espace. On vous a filé des quêtes sans intérêt et un véhicule merdique, puis lâché dans un désert nul à tirer sur des scarabées, affublé de compagnons idiots.
On ne peut pas vous en vouloir d’avoir laissé tomber. Ça fait partie de ce qu’il était impossible de corriger avec des pansements sur les textures : les dix premières heures de Mass Effect Andromeda sont calamiteuses.
Je te JURE que ça devient bien.
Et puis on s’accroche : on finit par faire son premier caveau (des donjons magiques qui terraforment les planètes parce que c’est magique), on terraforme une première planète, on améliore son véhicule, on apprend à explorer, on apprend aussi que ce jeu est probablement le seul Open World où il est préférable de faire la quête principale avant les quêtes annexes. C’est absurde mais c’est comme ça. Et on découvre avec stupeur qu’au fond, les quêtes de loyauté des compagnons sont aussi chouettes, parfois plus, que celles d’un Mass Effect 2. Que l’intrigue possède quelques rebondissements plutôt bien troussés, grâce à des compagnons qui s’avèrent, finalement, étrangement bien écrits (au regard de leurs premiers dialogues navrants). Que le système de combat, réussite soulignée par bien des détracteurs du jeu, s’avère de plus en plus malin au fil des heures. Que la sensation de coloniser, de découvrir de nouveaux horizons et de s’implanter peu à peu dans un nouveau foyer est bien présente.
Mass Effect Andromeda m’ennuie de moins en moins au fur et à mesure que ma partie avance. A l’inverse d’un récent Tides of Numenera, boule d’esbrouffe de trois heures masquant les quinze heures de tunnel vide qui devaient suivre, à rebours de tout ce qu’on enseigne très certainement dans les écoles de game design, le titre de Bioware a planqué tout ce qui fait son sel derrière l’immense mur de vacuité de son premier tiers.
Au jour de sa sortie, dans l’état que l’on sait, c’était probablement trop demander au joueur moyen que de passer outre cet océan de sourcils bizarres, d’écrans freezés et de tutoriels ratés pour finir par aboutir dans ce moment magique où l’on a accès à trois ou quatre planètes assez variées, à des quêtes plutôt relevées et à des combats franchement nerveux, et un peu le tournis devant l’immensité des problèmes reposant sur les épaules du pathfinder.
Dommage. A défaut de proposer une histoire bien racontée ou des rebondissements aussi glaçants que ceux de la trilogie originale, Mass Effect Andromeda, à force d’acharnement, parvient à instaurer le sentiment d’être une petite équipe soudée face à l’infini, avec sur les épaules le poids d’une civilisation toute entière, le tout dans une galaxie où, loin d’être le sauveur, vous êtes, quelque part, l’étranger. Sans aller jusqu’à comparer l’épopée du Nexus à celle des réfugiés Syriens, Mass Effect Andromeda, via les personnages de la race autochtone des Angara, remet assez bien en perspective le voyage des personnages que nous incarnons. Bien que les Angara soient une espèce déchue, éparpillée et brisée par des années de guerre contre les trucs dégueux qui servent d’antagonistes, ce sont bien eux et eux avant tout les propriétaires des lieux. Les messages parfois haineux ou terrorisés de leur part reçus par le pathfinder Ryder sont là pour nous rappeler que loin d’être un simple shooter idiot, Mass Effect Andromeda a beaucoup à dire sur la place de l’autre, un discours trop rarement abordé sous cet angle par le jeu vidéo de science-fiction.
Ceux qui se sont acharnés jusqu’à découvrir les beautés cachées de ce jeu auront sans doute du mal à convaincre les blasés et ceux qui, on les comprend, peuvent difficilement attendre quinze ou vingt heures avant de prendre du plaisir à jouer à un titre de cette envergure. Dommage, vraiment.
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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