En bon fan de Bethesda et d'open world, mon jeu de l'année était tout prévu : j'allais passer la moitié de l'année à vadrouiller de planète en planète. Hélas, Starfield s'est vautré dans les grandes largeurs, avec une gestion de l'espace catastrophique. On aurait dû s'en douter : quand tous les voyages se déroulent littéralement dans le vide, la promenade risque d'être moyennement intéressante. Alors que zigzaguer entre les coraux dans la peau d'un dauphin, jaillir hors de l'eau pour prendre le contrôle d'un pigeon, déposer une fiente sur un passant, redevenir petite fille et finir la descente en parachute, ça a tout de suite plus de gueule. Mais ça, Bethesda ne sait pas faire. Alors que le jeune studio Awaceb, oui.
Tchia est donc une petite fille qui réside dans un archipel d'inspiration néo-calédonienne et dotée de mystérieux pouvoirs. C'est bien joli, mais ça attire les ennuis, notamment l'attention du tyran Meavora. Livrée à elle-même après l'enlèvement de son papa, elle va sillonner les mers à bord de son radeau.
À tes souhaits !
Ça n'avait pas très bien commencé entre nous deux. Comme l'avait remarqué notre Murray lors de sa critique du jeu, Tchia ressemble au pire du nettoyage de monde ouvert façon Ubisoft : en visitant des tours d'observation, on allume des tonnes de trucs inutiles à ramasser sur la carte — perles, figurines, coffres à trésor pleins de cosmétiques, vous voyez le topo. En prime, la mécanique centrale permet de prendre le contrôle de n'importe quel animal de l'archipel : une idée sympathique, mais qui trivialise toute la partie grimpette s'il suffit par exemple de choisir un oiseau pour surmonter d'un coup n'importe quelle tour ou montagne. Bref, Tchia avait tout du ratissage de collectibles sans vraiment de challenge.
Il m'a fallu un peu de temps pour comprendre que je le regardais par le mauvais bout de la lorgnette. Oui, Tchia est généreux et pas bien difficile. Ce n'est pas là l'objectif. Il ne nous force à rien d'autre que la promenade sur l'archipel, fendre les flots sur son radeau au son des chants calédoniens — car Tchia est en kanak et français, rien que ça vaut le coup qu'on s'y intéresse, et la bande-son de John Robert Matz (avec quelques ajouts) est une pure merveille qui restera longtemps dans les oreilles.
La réussite de Tchia tient à l'équilibre entre son gameplay effectivement très souple et permissif et une attention particulière au détail. Celui qui m'a fait définitivement tomber sous le charme, c'est le moment où j'ai réalisé que les doigtés sur le ukulélé correspondaient vraiment aux accords que Tchia jouait. L'aventure est pleine de petites idées comme celle-là, qui ne servent à rien et font tout le charme. Oui, il y a des centaines d'items à collecter, mais ce n'est qu'une excuse pour aller voir ce qu'il y a de l'autre côté de la colline ou batifoler dans les coraux. D'autant que Tchia est un des rares jeux à refuser la présence d'un véritable GPS : lorsqu'on cherche à savoir où on est, l'héroïne désigne vaguement une zone, ce qui force à chercher des points de repère.
Le tout est emmené par un scénario bienveillant sans être simpliste, qui ne refuse pas d'évoquer avec légèreté des problématiques spécifiquement ultramarines, de la cohabitation entre différents langages à la surexploitation industrielle. Malgré — ou peut-être à cause de — cela, on n'hésite pas à laisser la manette aux petites mains. À partir de disons huit ans pour être à l'aise, Tchia constitue ainsi une belle intro aux mondes ouverts — juste après l'indétrônable A Short Hike.
Il suffit parfois d'un rien, de quelques notes grattouillées sur un ukulélé, de quelques dialogues tout simples, et voilà : Tchia m'a conquis. S'il n'a rien d'un grand jeu, il a le bon goût de ne pas non plus se prendre au sérieux. Bref, un grand bol d'air marin au milieu des grosses sorties de l'année : exactement ce dont j'avais besoin. Ka-tchii !
glau
Se perd dans des mondes ouverts, dans les rouages de sa propre usine ou dans le fracas des chars, mais trouve toujours un petit chemin de fer pour rentrer.
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