Difficile, sur une année qui comporte non seulement un nombre affolant d’excellents jeux, mais également quelques titres qui constituent déjà des marqueurs dans l’histoire du média, de choisir un GOTY parmi la grosse trentaine de prétendants inscrits sur mon petit carnet. Et soyons honnêtes : si j’ai choisi Hi-Fi RUSH, ce n’est pas pour autant que je le considère comme particulièrement important dans l’histoire vidéoludique, ni même comme le meilleur de 2023. En revanche, en appliquant vaguement la méthode Marie Kondo, s’il y en a bien un qui sparkait de la joie cette année, c’est Hi-Fi RUSH.
Le titre est en tous points une anomalie, autant dans le paysage vidéoludique de 2023 que dans le catalogue de son studio, Tango Gameworks. Au sein d’une année particulièrement atroce côté actualités nationales et internationales, dont la production vidéoludique s’est en bonne partie concentrée sur le body horror et les angoisses climatiques, et venant d’un studio fondé par Shinji Resident Evil Mikami spécialisé dans le survival horror, l’aspect coloré, joyeux, insouciant et décomplexé de Hi-Fi RUSH était une vraie bouffée d’air frais. Les histoires lourdes et sérieuses, l’horreur, le traitement de l’urgence climatique, tout ça, c’est très bien, et plusieurs de mes jeux préférés de 2023 se placent sans souci dans ces catégories, mais je dois avouer que souffler un instant m’a fait énormément de bien.
Chai VS The World
C’est peut-être un aspect qu’on a tendance à oublier, particulièrement en ce moment où, pris dans le tumulte des sorties, on peut se tourner vers des considérations techniques ou (un peu) plus objectives pour délivrer un avis sur un jeu, sans forcément s’attarder sur des aspects pourtant importants. Est-ce que j’ai ressenti des choses ? Est-ce que je me suis amusé ? Est-ce que ses mécaniques m’ont procuré du plaisir ou de l’intérêt ? C’est probablement la raison pour laquelle j’ai autant aimé American Arcadia malgré ses évidents problèmes techniques et imprécisions et c’est complètement la raison pour laquelle Hi-Fi RUSH est mon GOTY malgré une structure et des briques de gameplay totalement convenues : ces jeux m’ont fait me sentir bien. Je ressortais de mes sessions galvanisé par l’ambiance du jeu et j’attendais avec impatience la suite, sans tellement me préoccuper ni des succès, ni des pourcentages de progression, ni des objectifs : j’étais seulement content de découvrir ce que me réservait l’aventure.
C’était cela dit couru d’avance, puisque Hi-Fi RUSH est un jeu musical, et que si l'on veut me faire plaisir, on fait des trucs avec de la musique. Avec l’intégralité de son gameplay tourné sur le rythme (la plateforme, le combat, les QTE, tout se fait en rythme avec les pulsations de la BO), j’aurais pu passer un très mauvais moment, car j’aime la musique, mais mon sens du rythme est effroyable. Fort heureusement, Hi-Fi RUSH est très accessible, et bénéficie d’un paquet d’options pour personnaliser son expérience et s’assurer que tout le monde y trouve son compte. Mais surtout, malgré les apparences, l’aspect rythme est bien plus un habillage qu’une vraie mécanique exigeante et la volonté tient plus dans la reproduction de l’effet "film d’Edgar Wright" (c’est une vraie inspiration citée par le créateur, pas une extrapolation de ma part) que d’une adaptation de Crypt of the NecroDancer version action-platformer 3D. Et c’est tant mieux : j’aime les films d’Edgar Wright, et on retrouve dans ce Hi-Fi RUSH tout ce qui me plait dans ses productions.
De Scott Pilgrim VS The World, on retrouve l’aspect extrêmement coloré et sur-référencé, de la trilogie Cornetto, cet humour basé sur la mise en scène, le cadrage, le montage et le rythme, et évidemment, de Baby Driver on retrouve ces séquences synchronisées au millimètre près sur la bande-son. De manière générale, on retrouve un amour sincère pour la musique, particulièrement pour le rock et ses dérivés, et une vraie volonté à la fois de partager une culture musicale, mais surtout de s’amuser avec. Car si une (chouette) bande-son, que l’on entend dans la majorité des niveaux, a effectivement été composée pour le jeu, les vraies stars de Hi-Fi RUSH sont Nine Inch Nails, The Black Keys ou encore Prodigy, dont les morceaux font souvent office de climax de fin de niveau.
Le procédé est toujours parfaitement exploité, souvent lors de combats de boss aux chorégraphies et patterns spectaculaires (mais pas que, le jeu sait conclure un chapitre en beauté sans nécessairement passer par la case combat), et, en ce qui me concerne, apporte le parfait équilibre entre le plaisir de retrouver un morceau que j’adore et connais par cœur (The Perfect Drug, Invaders Must Die) et celui de découvrir un nouveau groupe ou une nouvelle chanson lors d’une séquence d’action débridée (mes petits coups de cœur étant les groupes The Joy Formidable et Number Girl). Ce sont ces séquences, extrêmement généreuses, parfaitement mises en scène, qui font que Hi-Fi RUSH traîne toujours dans un coin de ma tête depuis le mois de janvier, que je suis allé jusqu’à refaire l’aventure en mode difficile pour revivre ces segments, et que l’envie de le relancer juste en évoquant les chansons qui composent sa BO est tenace.
Hi-Fi RUSH n’est pas un jeu important pour l’histoire du média, et ne révolutionne rien en termes de mécaniques. C’est en revanche un titre qui aura su me mettre d’une excellente humeur de la première à la dernière seconde, grâce à son esthétique pop et colorée, sa BO regorgeant de bangers, sa mise en scène survoltée, ses personnages attachants, son propos de gauche, son excellente VF, sa maniabilité impeccable : tout respire l’enthousiasme sincère et communicatif dans Hi-Fi RUSH. On manque définitivement de propositions aussi premier degré, aussi dénuées de cynisme, aussi radicales dans ce bouillonnement de joie et d’allégresse, et c'est probablement ce manque qui rend l’existence et le succès de Hi-Fi RUSH d’autant plus précieux et remarquables.
Mentions honorables
Comme dit plus haut, il y a une grosse trentaine de noms inscrits dans mes prétendants au GOTY. Il a donc fallu faire des choix et tous ont été horriblement difficiles à faire.
Mon GOTY narratif : Saltsea Chronicles. J'avoue, j'ai bien failli en faire mon GOTY tout court. Le titre de Die Gute Fabrik est si bien écrit, si beau, si touchant, si drôle, si triste, si poétique que j'ai eu énormément de mal à tourner la page une fois l'aventure terminée.
Mon GOTY puzzle game : Cocoon. Je trouvais Limbo et Inside malins et élégants et ce ne sont finalement que des brouillons de cette leçon de game design qu'est Cocoon.
Mon GOTY multijoueur : Endless Dungeon. Quand on a envie de relancer un roguelite non pas pour faire avancer l'histoire ou la méta-progression, mais simplement, car il est fun et que c'est systématiquement un plaisir d'y jouer avec les copains et copines, c'est qu'on tient un nouvel indispensable du jeu coopératif.
Mon GOTY platformer : Pizza Tower. Des années que j'attends un remaster de Wario Land 3 ou 4, voire, soyons fous, un Wario Land 5. Nintendo n'en fait qu'à sa tête, mais en attendant, on a cet exceptionnel Pizza Tower.
Mon GOTY AAA : Spider-Man 2. Beaucoup de AAA variés et sympathiques cette année, mais j'ai vraiment trop apprécié retrouver Peter Parker et Miles Morales pour laisser cette place à un autre.
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
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