Ne choisir qu'un seul jeu par personne pour toute l'année, c'est dur. Trop dur. Tant de titres ont fait battre nos petits cœurs et c'est ce qu'on vous raconte ici. Dans ce bonus, Veltar revient sur Scene Investigators et Shift sur The Bookwalker.
Veltar : Scene Investigators
Les jeux d’enquête où on se retrouve surtout à aller de tableaux en tableaux en récoltant des indices et où la résolution se fait un peu automatiquement, ou avec juste deux choix finaux, ça finit par lasser. C’est très bien qu’ils existent et certains sont franchement plaisants, notamment grâce à une écriture de qualité. Les jeux Sherlock sont pas mal pour ça, surtout si on est fan du héros de Conan Doyle. Les Ace Attorney aussi, même si là, on arrive dans un genre un peu différent.
Sauf qu’au bout d’un moment, ça n'est plus suffisant si on veut vraiment entrer dans le dur d’une enquête. Parce que moi, quand on me dit enquête, je visualise des éléments précis : trouver les indices disséminés sur le(s) lieu(x) du crime, les analyser, les comprendre, et enfin les relier entre eux pour que la situation fasse sens. Et c’est tout ça que je veux retrouver. Ce petit élan qui va plutôt chercher du côté des puzzle games que de l’aventure. La possibilité de se triturer la tête sur les raisons de la présence d’un post-it à tel endroit ou pourquoi le numéro qui a laissé un message vocal est inconnu. Ce qui tombe bien, car ces éléments et le besoin de les contextualiser pour non seulement faire avancer l’enquête, mais également réussir à la résoudre, sont au cœur du gameplay de Scene Investigators. Alors oui, disons-le tout de suite, il n’est pas parfait. Le jeu de EQ Studios n’est pas très beau et les déplacements sont un peu bizarres, notamment la vitesse folle du protagoniste, et tout le travail sur l’ambiance sonore est au mieux médiocre. Mais voilà, tout ça, ça passe un peu au second plan, supplanté par la capacité qu’a le jeu à faire de nous des détectives minutieux.
Justement, minutieux, il faut l’être si on veut obtenir la note maximale pour l’enquête. Cela signifie répondre correctement au questionnaire qui nous est posé et qui varie dans son nombre de questions et dans sa forme : selon ce qui est présent sur la scène du crime, les personnes impliquées, ce qui s’est passé, etc. C’est pour ça que l’attention aux moindres détails compte. Ce n’est pas le tout de trouver un objet, il faut savoir s’il a de l’importance et, évidemment, s’il permet de faire avancer le raisonnement. À l’instar de ce qu'ils avaient fait pour The Painscreek Killings, leur titre précédent, les développeurs ont su se retenir de trop guider le joueur ou la joueuse. Ce qui peut parfois en frustrer certain(e)s, puisqu’ils auront beau avoir trouvé tout ce qui est trouvable, il leur manquera peut-être le déclic permettant de relier tel objet à tel autre et tel indice à telle personne.
Pourtant, d’une certaine façon, Scene Investigators est plus accessible. Le champ d’exploration a été drastiquement réduit puisqu’on est désormais cloîtré dans une maison, un appartement, voire une pièce, le tout étant séparé en chapitre. Exit donc l’aspect enquête grandeur nature, on se rapproche ici davantage de l’escape game. On garde les éléments d’enquête à collecter, étudier et souvent lire. Mention spéciale d’ailleurs aux journaux intimes qui pullulaient déjà dans The Painscreek Killings et qu’on retrouve presque toujours autant (trop ?) ici. Au final, si on y perd un peu de l’âme du titre précédent, on conserve assez de ce qui faisait la réussite du gameplay proposé par EQ Studios : la liberté d’aboutir à nos propres conclusions (et de souvent galérer ou de se tromper) et la satisfaction lorsque l’on découvre la vérité.
Shift : The Bookwalker
The Bookwalker: Thief of Tales, c’est ce coup de cœur un peu inexplicable pour un jeu assez convenu, voire parfois un poil poussif si on l’évalue via l’unique prisme du gameplay, mais qui m’a passionné tout du long de sa courte campagne, et auquel je repense souvent. Car The Bookwalker est avant tout un jeu à high concept, et un jeu à ambiance. À ambiances, même, si on veut pinailler.
Le postulat est assez original : on incarne Etienne, auteur condamné par la, euh, police de l’écriture et interdit d’écrire pour les trente années à venir, sentence appliquée par de douloureuses menottes de l’écrivain. Trente ans c’est long, et Etienne trouve donc une solution pour se débarrasser de ses entraves, en acceptant des contrats douteux de la part d’une sorte de mafia, qui va l’envoyer voler des reliques à l’intérieur de romans, qu’il peut, en tant que Bookwalker, explorer à sa guise. Chaque chapitre du jeu correspond ainsi à un nouvel artefact dans un nouveau livre, et donc une nouvelle sous-intrigue, dans un nouvel univers, avec ses règles, son lore, ses personnages, ses variations de gameplay. Un peu à la manière de Si par une nuit d’hiver un voyageur, dont chaque chapitre est en fait le premier chapitre d’un livre différent, variant autant en termes de style que de genre et d’atmosphère, The Bookwalker utilise son procédé pour multiplier les gimmicks, les ambiances et les enjeux et touche l'une de mes cordes sensibles : le plaisir de la découverte et de la nouveauté.
J’ai souvent du mal à finir mes jeux. Soit parce qu’ils sont Resident Evil 4 Remake et que je ne sais pas viser, soit parce qu’ils durent un peu trop longtemps à mon goût, et qu’une fois la saveur de la découverte envolée, j’ai du mal à continuer ma partie, trop attiré par la nouveauté qui m’appelle à côté dans la multitude de titres qui sort chaque semaine. The Bookwalker, en me faisant découvrir une nouvelle histoire et un nouveau décor à chaque chapitre, a su me garder curieux jusqu’à la fin sans forcer. D’autant que, même si les différents romans puisent dans des univers et tropes bien connus, l’exercice de style est très réussi, autant du point de vue de l’esthétique que de l’écriture ou de l’exploitation des thématiques associées aux différents genres. On passe du médiéval fantastique à l’école de magie, au space opera, au western post-apo, toujours avec talent. On pardonne ainsi aisément un gameplay de point & click classico-classique, quelques combats au tour par tour pas très intéressants et un poil hors sujet, quelques énigmes pas bien inventives : le voyage en lui-même vaut la peine d’être parcouru, quand bien même sa découverte passe par un gameplay convenu.
The Bookwalker ne brille clairement pas pour ses mécaniques. Aucune n’est cassée ou ratée, mais aucune ne sort des sentiers battus : du point de vue du gameplay, le titre est fonctionnel, mais pas particulièrement amusant. C’est en revanche un très bon jeu narratif, à l'esthétique fascinante, et qui sait se réinventer à chaque chapitre, nous faisant voyager d’un univers à un autre, toujours avec brio, toujours avec pertinence, via un fil rouge agréable à suivre et au dénouement sympathique. Sa structure et son concept permettant une infinité de variations, on espère en voir plus dans d’éventuelles extensions ou suites.
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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