Ne choisir qu'un seul jeu par personne pour toute l'année, c'est dur. Trop dur. Tant de titres ont fait battre nos petits cœurs et c'est ce qu'on vous raconte ici. Dans ce bonus, Fanny revient sur Cyberpunk 2077 : Phantom Liberty et Zali sur le court, mais très joli jeu de cuisine Venba.
Fanny : Phantom Liberty
Lorsque j'ai enfin essayé Cyberpunk 2077 en 2023, la plupart des soucis rencontrés par les joueurs de la première heure avaient été corrigés et l'expérience avait plutôt été positive. Certes, on sent que le jeu aurait dû être bien plus ambitieux que le résultat final, mais Night City est une ville vivante et agréable à parcourir, on trouve quelques bonnes idées du côté du gameplay et plusieurs quêtes et personnages font forte impression. Phantom Liberty, première et seule extension du jeu, prend toutes ces qualités et les amplifie dans une expérience plus ramassée durant une vingtaine d'heures, s'offrant même le luxe de quelques passages franchement originaux dans un jeu qui était plutôt sage malgré le monde dans lequel il nous fait évoluer.
Car oui, Cyberpunk, malgré toutes ses qualités, avait toujours été un peu frustrant. Difficile de prendre au sérieux les thèmes et propos du jeu quand, à chaque instant, V et Johnny semblent ne servir qu'à les amoindrir, se cachant derrière un apolitisme mou pour ne jamais vraiment prendre position. On critique ici et là une mégacorporation, mais c'est souvent une entreprise en particulier qui est visée et rarement le système qui lui a permis d'exister. Et le scénario est en grande partie égoïste : V et Johnny sont plus préoccupés par leurs problèmes personnels que par le monde qui les entoure. Quelle surprise alors de découvrir que pour Phantom Liberty, CD Projekt a fait le choix du thriller d'espionnage politique, où V se retrouve confrontée au pouvoir et aux décisions qui ont fait de Night City ce qu'elle est aujourd'hui. Si c'est bien sa quête personnelle qui l'a menée ici, au final, toute l'histoire autour de la relique passe rapidement au second plan : c'est un bon prétexte pour justifier la présence de notre personnage, mais ce n'est pas ici le sujet principal. Phantom Liberty narre surtout les conséquences de choix faits plusieurs années auparavant par des personnes puissantes et tous les événements qui en ont découlé, qu'ils aient eu un impact personnel pour certains personnages ou plus global.
Un sujet mature et bien plus intéressant que ce que Cyberpunk a pu proposer dans le passé, sublimé par les performances remarquables des acteurs. Si c'est bien sûr Idris Elba qui a retenu tous les regards, Minji Chang en Songbird est mon coup de cœur de l'extension. La netrunner extraordinaire au centre de l'histoire est tantôt sympathique, tantôt manipulatrice, souvent touchante et même parfois réellement effrayante, une panoplie d'émotions qui suffit à nous faire douter constamment de ses véritables intentions. Mais ce qui a permis à cette extension de se faire une très bonne place parmi mes jeux préférés de l'année sont tous les moments où elle ose de nouvelles choses, lorsqu'elle sort un peu de sa formule assez classique pour explorer de nouvelles possibilités. Dur d'en parler sans totalement spoiler, mais une séquence en particulier penche sérieusement vers l'horreur et détourne les codes du genre pour aller au-delà de la peur, en cherchant à nous aider à mieux comprendre les ressentis des personnages et leurs motivations, sans les excuser.
À certains moments, Cyberpunk avait presque réussi à me convaincre que Johnny et V avaient la bonne vision de leur monde, qu'il n'y avait plus vraiment d'espoir de faire quoi que ce soit lorsque tout semble aussi désespéré à Night City, créant un certain détachement lorsque venait le moment de prendre des décisions. Phantom Liberty, en ajoutant des enjeux et des personnages bien plus intéressants, m'a permis de m'investir émotionnellement dans cette histoire où les meilleurs choix à faire sont désormais hors de portée et qu'il ne nous reste plus qu'à essayer de limiter les dégâts. Et il est appréciable que CD Projekt n'ait pas cédé à la facilité de proposer une véritable bonne fin et n'offre aucun moyen de contourner l'inévitable. Une extension réussie, qui donne une idée de la vision initiale qu'avaient les développeurs pour Night City, et qui permet désormais d'affirmer que Cyberpunk 2077 est un bon jeu, même s'il ne sera jamais celui qui était attendu. De quoi aussi espérer que la suite arrivera à répondre aux attentes et, idéalement, se fera dans de meilleures conditions de développement.
Zali : Venba
Hors quelques démos et courtes expériences indés dénichées sur itch.io, Venba est probablement le jeu le plus court que j'aurais bouclé cette année. Même en prenant bien son temps, on en voit quasiment mécaniquement le bout en à peine une heure et demie. C'est peu, et pourtant je me souviens bien mieux de cette heure que des dizaines et des dizaines passées sur certains gros titres de l'année (je pense à toi, Fire Emblem). Venba va droit au but, et ne s'éparpille jamais pour nous raconter une histoire à l'originalité étonnante. Car il y a eu 14 500 nouveaux jeux en 2023, mais un seul qui évoque le parcours migratoire et plus généralement l'histoire d'une famille par le prisme de la cuisine traditionnelle.
Dans Venba, on incarne un personnage éponyme, jeune enseignante originaire du sud de l'Inde, émigrant au Canada avec son poète de mari. Un couple d'intellectuels qui se retrouvera immédiatement déclassé et au bas de l'échelle sociale une fois installé à l'étranger. Se déroulant sur plusieurs décennies, le jeu retrace le parcours d'intégration de la famille au fil des décennies, particulièrement après que Venba a accouché de son premier enfant. Un parcours qui, fait original, s'articule autour d'un livre de recettes familiales.
Chaque phase de gameplay nous propose ainsi de réaliser, lors d'un événement important de la vie de Venba, une recette traditionnelle tamoule qui servira de parallèle à ce que le jeu nous raconte : la perte de repères culturels, le racisme, le fait de grandir, la place de la femme dans une société en pleine évolution. Le concept est parfois un peu à l'étroit dans le côté minimaliste du jeu, certes. Mais si Venba me reste en tête des mois après sa sortie, c'est parce que, mazette, qu'elles sont réussies ces séances de cuisine !
Du design des ustensiles de cuisine en passant par les bruitages des différents aliments entrant en contact entre eux à la trame sonore chantonnant des tubes traditionnels de la pop indienne, on se retrouve à chaque fois envahi d'une tonne de sensations absolument splendides. Il ne manque que les odeurs pour que l'on ait l'impression de se retrouver juste derrière l'héroïne, prêt à se mettre à table et à déguster tous ces bons petits plats en compagnie de toute la famille. Parler de cuisine dans les jeux vidéo est difficile, et dépasse rarement le stade du mini-jeu de loot ou de craft, ou la simulation de cauchemar en cuisine façon Overcooked. Dans Venba, c'est une incroyable expérience sensorielle. Rien que d'y repenser, j'ai l'eau à la bouche.
Fanny Dufour
Rédactrice le jour et rédactrice en chef la nuit. J'aime qu'on me raconte des histoires, mais seulement dans les jeux.
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