Car il n'y a pas que le jeu vidéo dans la vie, que les bandes-son sont des éléments majeurs de la production vidéoludique, que les compositeurs·ices méritent d'être célébré·e·s, et que la rédaction de The Pixel Post comporte quelques mélomanes (et Shift), il est temps de revenir sur nos OST préférées de 2023. Les BO of the year (les BOOTY, donc) vous sont ainsi présentées par Tritri, Shift et Zali, qui viennent parler des musiques de Baldur's Gate 3, El Paso, Elsewhere, Tchia et Alan Wake 2.
Tritri : Baldur's Gate 3
Pour beaucoup de gens, Baldur's Gate 3 est le GOTY. Évidemment, le gameplay, la narration, l'ambiance, les personnages, tout est maîtrisé. Je ne vais pas parler de ça ici, d'autres le feront. Je vais parler de la musique qui, selon mon Spotify rewind, m'a un brin obsédé. Et ce n'est pas de l'exagération de dire que la BO de Baldur's Gate 3 est un chef-d'œuvre. Borislav Slavov nous livre à nouveau une bande originale absolument captivante.
Je ne suis pas musicien, je ne suis pas musicologue, je suis juste un simple amateur de musique et en particulier de musique de films et de jeux vidéo. Et si l'année dernière mon coup de cœur était l'americana de Hardspace Shipbreaker, cette année, nous revenons à quelque chose de plus classique, de plus orchestral. Borislav Slavov travaille avec Larian depuis Divinity : Original Sin II, qui avait déjà des morceaux épiques et était une de mes BO de 2017, et certains morceaux sont toujours dans ma playlist à ce jour. L'OST de ce jeu était finalement peu thématique, très orchestrale, mais peu de thèmes ressortaient. Et le fan de John Williams que je suis aime quand une BO a de nombreux thèmes utilisés à toutes les sauces de manière cohérente. Je suis servi sur Baldur's Gate 3. Le thème principal revient dans tout le jeu : dans le menu, en musique d'ambiance, pour souligner les moments dramatiques, et même chanté. Et d'autres thèmes brillent particulièrement : le thème des flagelleurs mentaux qui vit sans loyer dans ma tête depuis août dernier, et bien sûr le thème de Raphael. Parlons-en du thème de Raphael. Dans l'acte trois, il y a un moment où je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais soudain le jeu devient un film Disney, et ce morceau est mon morceau de l'année, à égalité avec Herald of Darkness d'Alan Wake II. Je n'en dirais pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise, mais vous le saurez quand vous y arriverez et clairement, je vous conseille de mettre votre casque et de profiter.
Mais la musique de Baldur's Gate 3, ce n'est pas que de l'orchestre à fond. Ce sont aussi des chansons. Interprétées par Mariya Angelova, Ilona Ivanova et Mariya Anastasova, les chansons sont toutes des variations sur les thèmes du jeu (musicaux ET narratifs). Down by the River vous accompagnera dans la création de personnage (donc pour certains : le jeu), The Power sera votre chanson de générique et I Want to Live sera votre répit dans les moments plus calmes, dans votre camp ou lors de l'exploration. Il y a trop de choses à dire sur cette BO et comme je disais, je ne suis pas musicien ou musicologue, je ne peux qu'en parler de manière émotionnelle, car c'est ainsi que j'écoute de la musique, et il va sans dire que cette bande originale m'a marqué. Elle est parfaitement écoutable sans avoir joué au jeu, mais comme toute BO, sa puissance s'en retrouve décuplée dans le contexte du jeu, et après. Weeping Dawn est une magnifique chanson, mais elle prend une tout autre saveur après certains évènements. Et la plupart des pistes sont comme ça, même les musiques de combats ne finissent pas par vous lasser, mais deviennent des souvenirs émus de certains moments de pur n'importe quoi que permet le gameplay de Baldur's Gate 3. En bref, l'OST de Baldur's Gate 3 est ma BOOTY. Et rien n'en approche. Même pas l'album de reprises d'Ace Combat de Tiberian Sons.
Shift : El Paso, Elsewhere
El Paso, Elsewhere est, il faut l’admettre, le premier jeu de Xalavier Nelson Jr et Strange Scaffold à ressembler à un vrai jeu et pas un de ces mélanges de high concepts chelous et de shitpost, certes malins, originaux et inventifs, mais souvent bricolés avec trois bouts de ficelle. J’en ai dit tout le bien que j’en pensais à sa sortie en septembre, mais je n’ai probablement pas assez insisté sur cette BO parfaite dont j’ai acheté et poncé les deux albums jusqu’au point de saturation.
Deux albums, oui, pour un Max Payne-like indé de moins de 10h. Le premier est purement instrumental, composé par RJ Lake, et va taper dans tout ce qui peut me faire vibrer : du noise, du metal indus, de l’électro un peu crado. Ça crisse, ça grésille, ça boom boom et ça wub wub, ça sort les pédales d’effet et les sons les plus infernaux d’une guitare électrique, les notes les plus dissonantes d’un clavier, pour une fantastique tracklist de SOIXANTE ET ONZE PISTES, avec lesquelles la voix caverneuse du narrateur, doublé par Xalavier Nelson Jr lui-même, et les bruits de fusillades s’accordent à la perfection, sans pour autant s’interdire quelques respirations d’ambiant un peu planant pour les séquences plus calmes et intimes. Si la BO de ce El Paso, Elsewhere s’était arrêtée ici, nul doute qu’elle aurait tout de même figuré dans ces colonnes : ce premier album collectionne les bangers, et l’énorme quantité de pistes permet à la musique de ne jamais tourner en rond tout le long des cinquante niveaux du titre.
Mais c’est sans compter l’attraction principale, contenue dans le second album, qui est ni plus ni moins que le meilleur disque hip-hop de l’année, seulement égalé par l’excellent Michael de Killer Mike. Toujours composé et mixé par RJ Lake, qui vient poser quelques voix en compagnie de Rachel Lake, c’est surtout grâce aux formidables textes, écrits et interprétés par Xalavier Nelson Jr, que ce deuxième disque réussit à se hisser encore un cran au-dessus du premier. Le flow est impeccable, les textes s’intègrent tantôt avec violence, tantôt avec sensibilité, mais toujours parfaitement dans l’intrigue d’El Paso, Elsewhere, qui mêle avec succès film noir, série B d'action et drame intimiste : c’est tout simplement brillant. Chaque chapitre commençant à la façon de Control, avec le nom du niveau affiché à l’écran en énormes lettres capitales, quand le tour d’un BREAK SHIT, GHOSTIN’ THE MAINFRAME ou IN THE HOLE arrive, et que Xalavier se met à rapper avec toute sa fureur et toute son intensité sur les fantastiques sons de RJ Lake, il ne reste plus qu’à mettre le son à fond et blaster à travers le niveau. Le hip-hop expérimental est définitivement bien trop souvent aux abonnés absents dans les bandes originales vidéoludiques, et je ne peux que saluer à la fois ce choix de genre musical, cette composition et cette écriture qui dépassent toutes mes attentes. El Paso, Elsewhere: The Album est un disque que je ne me lasse pas d’écouter, dont les pistes fonctionnent à merveille en dehors du jeu, et qu’il est indispensable de faire découvrir au plus grand nombre.
Zali : Tchia
Je repense sans arrêt à Tchia. C'était un jeu à la fois simple, court, et parfaitement conscient de ce qu'il était : un open world de poche, pas trop long, pas trop difficile, au message efficace. Le genre de petite pépite enchantée qui rend la vie plus belle. Mais au-delà de sa direction artistique qui sublimait ses décors polynésiens, c'est à sa musique que je reviens sans cesse.
La bande-son de Tchia est composée par le prolifique John Robert Matz, un artiste habituellement spécialisé dans les gros cuivres qui vont bien et notamment entendu sur pas mal de projets Devolver. Mais pour le coup, le bonhomme s'éloigne pas mal de ses marottes habituelles pour livrer un double album tentant de mêler un certain classicisme avec la galaxie des musiques polynésiennes (traditionnelles comme modernes), et particulièrement celles de Nouvelle-Calédonie.
Tchia ne se déroule pas dans un lieu réel, préférant situer son action dans une île fictive du Pacifique inspirée des terres d'origine des développeurs du studio Awaceb. Il fallait donc parvenir à évoquer à la fois ces traditions musicales bien réelles et cette dimension fantasmagorique propre à une fable écologique à vocation universelle. Le résultat est tout simplement enchanteur.
Petite particularité : à l'instar de pas mal d'autres jeux indépendants cette année, Tchia s'essaye aussi à quelques séquences époustouflantes de comédie musicale, dans lesquelles l'exploration en open world de l'archipel laisse place à des séquences de chant et de danse évoquant tantôt les aventures en cours, tantôt de simples moments de joie ou de traditions locales. Pour ces séquences, l'OST du jeu convoque une vingtaine de musiciens locaux particulièrement dans le ton. À l'image du doublage du jeu (assuré par des comédiens du cru), Tchia ancre à merveille sa trame sonore dans son territoire.
Ces séquences, chantées en français et en drehu, font, je pense, honneur à l'immense champ des possibles ouvert par la musique de jeu vidéo. Davantage que la simple bande-son fonctionnelle d'un open world tout public, celle de Tchia est à mon sens devenu un élément patrimonial à chérir. Les deux albums sont à écouter et à télécharger ici et là.
Shift : Alan Wake 2
Tristan l’a déjà évoqué à deux reprises, plus haut dans cet article et dans son coup de cœur 2023 : Alan Wake 2 est un AAA marquant et audacieux, qui récompense 13 ans d’attente tout en liant son univers avec celui de Control. Et si on s’en souviendra pour son ambiance fantastique, sa direction artistique merveilleuse et son égo trip aussi gigantesque qu'hilarant, on ne va pas continuer plus longtemps d’ignorer l’éléphant dans la pièce : si Alan Wake 2 est à ce point mémorable, c’est pour son utilisation de la musique.
J’en avais déjà parlé dans un autre article : Remedy excelle dans l’exercice de la musique diégétique, c’est-à-dire la musique qui existe et s’entend au sein de l’œuvre. C’était déjà le cas dans Max Payne 2, et c’était encore plus évident dans Alan Wake puis dans Control, deux jeux qui accordaient de plus en plus de place aux Old Gods of Asgard, groupe fictif interprété par les Poets of the Fall. Et, malgré tout mon respect pour le travail de Petri Alanko, qui accouche d’une excellente BO pour cet Alan Wake 2 – et dont je vous recommande de lire l’interview chez Now Playing – ce sont encore les Old Gods of Asgard qui volent la vedette dans le nouveau Remedy.
Car Alan Wake 2 est définitivement l’œuvre la plus lynchesque (lynchéenne ?) de Sam Lake, autant dans ses inspirations visuelles et atmosphériques – il y a du Twin Peaks de partout – que dans les gimmicks de David Lynch. Et les séquences de comédie musicale bizarre en font évidemment partie. Il aura été compliqué en cette fin d’année de passer à côté de ce Herald of Darkness, que ce soit pour l’improbable et virtuose chapitre durant lequel il est diffusé, le très long clip (9 minutes) posté par Remedy peu de temps après la sortie du jeu ou cette merveilleuse performance lors des Game Awards, montrant un Sam Lake définitivement ravi de faire le pitre sur scène.
Un morceau et une séquence devenus si iconiques qu’ils éclipsent un peu malgré eux le reste du jeu, pourtant pas avare en moments marquants et culottés, et le reste de la BO, qui comporte deux autres pistes des Old Gods of Asgard, les très chouettes Dark Ocean Summoning et Anger’s Remorse, tous deux très importants scénaristiquement. Il serait également injuste d’ignorer ces incroyables morceaux de fin de chapitre, qui, à la façon du premier Alan Wake, font office de générique de fin comme s’il s’agissait d’un épisode de série. On retrouve avec plaisir Poe, qui avait déjà un morceau dans le premier jeu, et tout un tas de petits nouveaux qui viennent poser des bangers de fin de niveau, comme ce Dark, Twisted and Cruel de Paleface ou No One Left to Love de ROOS + BERG. Et puisqu’il faut bien rendre l’antenne à un moment, je ne résiste pas à la tentation de vous laisser avec ce tango finlandais interprété par un certain Ahti and the Janitors.
Tritri
Paradox, trains, Paradox, city builder, Paradox, espace, Paradox. Je suis un homme simple, aux goûts simples. Paradox.
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