Depuis quelques années, le genre city builder, en plus de s’hybrider avec d’autres genres, le roguelike en tête, fait de plus en plus du climat son antagoniste principal. Pour n’en citer que deux : Frostpunk et Against the Storm. Une fois ce constat établi, qui revient à enfoncer avec mollesse des portes grandes ouvertes, je me suis posé la question de savoir si les thématiques de climat et d’impact environnementaux étaient présentes depuis le début, et sous quelle forme.
Pour éviter de trop m’éparpiller, j’ai choisi de me limiter aux jeux de type city builder/RTS incluant la construction d’une ville ou d’un empire et l’exploitation de ressources naturelles, à une exception près, la série des SimCity, mais j’y reviendrai. Décennie par décennie, l’idée est donc de voir si les mécaniques d’exploitation des ressources naturelles changent et comment, si les activités humaines ont une incidence sur l’environnement, ainsi que le rôle du climat et de la météo.
Le dossier sera en deux parties, avec une première partie retraçant ces évolutions des années 1980 à la fin des années 2000 et une seconde des années 2010 à la première moitié des années 2020. Mettez vos plus belles vestes en jean et sortez les épaulettes, on retourne dans les années 1980.
Les années 1980
Dans les années 80, le genre city builder n’en est qu’à ses premiers balbutiements et je n’ai trouvé et retenu que deux titres pertinents : Utopia en 1981 et SimCity en 1989.
Développé pour l’Intellivision, une console de Mattel, Utopia est considéré comme le premier city builder et également l’ancêtre des RTS. Il en contient déjà les éléments principaux : l’exploitation de ressources naturelles, le tour par tour et le temps réel (ce qui paraît un peu contradictoire, mais c’est le cas ici), un système de points, de satisfaction de la population, la construction de bâtiments et les événements aléatoires. Question exploitation de ressources naturelles, Utopia reste très limité puisqu’il ne s’agit que de planter des récoltes et de pêcher. Les poissons sont une ressource infinie qui se déplace et se génère aléatoirement. Pas de risque de surpêche donc. Côté agriculture, Utopia utilise une mécanique qu’on ne retrouvera pas vraiment par la suite : les plantations ne produisent des bénéfices que si un nuage de pluie, généré aléatoirement, passe au-dessus. Les îles des joueurs sont également traversées, toujours aléatoirement, par des ouragans et des tempêtes coulant les bateaux de pêche. Le climat a donc un impact sur la productivité, mais il est décorrélé de tout facteur « réel » (géographie, biome, etc.).
En 1989, la technologie a fait un bond considérable et SimCity est une simulation de gestion de ville nettement plus développée qu’Utopia. J’ai failli ne pas inclure la série dans ce dossier, pour une raison très simple : pendant très longtemps, elle ne contient, à ma grande surprise car je n’y ai jamais joué, pas de mécaniques d’exploitation des ressources naturelles. Le concept est introduit pour la première fois en 2013. Si elle reste présente dans le dossier, c’est parce que son évolution, surtout en termes d’impact environnemental et de climat, reste pertinente.
En 1989 donc, s’il n’y a pas d’exploitation des ressources naturelles, le concept de pollution, lui, est déjà présent. Les industries et centrales polluent l’air et l’eau, causant principalement une perte de valeur du terrain et un refus des habitants de vivre sur ces cases. Pour éviter que la pollution ne soit un problème, il suffit d’éloigner les bâtiments polluants des habitations et de mettre une décharge à côté. C’est une vision pragmatique de la pollution. Elle est inévitable et n’est réellement un problème que si elle influe sur la qualité de vie des habitants. Un article du LA Times de 1992 relève par ailleurs que le jeu a, volontairement, un biais antinucléaire : les centrales polluent et finissent toujours par causer des problèmes. De même, il s’engage en faveur des transports publics, ce qui va plutôt à l’encontre de la politique urbaine des USA, qui réorganisent depuis les années 1920 leur urbanisme pour favoriser l’utilisation de la voiture individuelle. Le LA Times, toujours, mais en 2019, relève en termes d’urbanisme et d’utilisation de l’espace un point intéressant : aucun SimCity, et d’ailleurs aucun autre city builder, ne représente correctement la place occupée par les parkings et donc la quantité de terrain nécessaire pour permettre un usage massif de la voiture individuelle.
Question climat, la météo est aux abonnés absents, mais des désastres climatiques (ouragans, inondations, etc.) peuvent survenir. S’ils affectent la ville et forcent les joueurs à gérer les conséquences de ces désastres, ils ne peuvent être prévenus et n’ont aucun rapport avec la ville, la géographie ou l’activité du joueur. Ils peuvent d’ailleurs être complètement désactivés dans le menu. Les catastrophes naturelles et le climat sont donc des évènements aléatoires, modulables (il est même possible d’en déclencher soi-même), et s’ils ont un impact sur l’activité de la ville, ils sont décorrélés du terrain.
Si l'on veut émettre une hypothèse rapide, cette vision assez pragmatique et binaire de la pollution et du climat semble assez logique dans le contexte des années 1980. Si on sait déjà très bien que l’activité humaine cause la pollution, l’impact sur le climat est connu, mais n’est pas encore vraiment entré dans la conscience collective. Selon la chronologie proposée par France Diplomatie, le GIEC est créé en 1988 et le premier sommet mentionnant le réchauffement climatique a lieu en 1992 à Rio. Cette décennie est donc un point de bascule avant que le sujet ne commence vraiment à entrer dans l'espace public.
Les années 1990
Au début des années 1990, tout est donc quasiment à inventer. Pour la gestion des ressources, trois modèles se dégagent :
- Des ressources illimitées, mais au rendement limité, qui deviennent parfois obsolètes selon l’avancée de la partie. C’est le modèle développé par Civilization (1991) qui ne bougera pas vraiment tout au long des années 1990 ni même après.
- Des ressources illimitées tant que les infrastructures pour les exploiter sont fonctionnelles, et dont le rendement dépend du nombre de travailleurs et de la fertilité des terres. C’est le modèle des city builders antiques, comme la série Caesar et Pharaon. En outre, dans Pharaon (1999) et à partir de Caesar 3 (1998), la géographie du lieu (ou sa localisation) détermine les ressources disponibles.
- Un système de ressources limitées et de ressources renouvelables basé sur le fonctionnement du monde réel. Les arbres repoussent (lentement) et les animaux se reproduisent, mais les minerais et les pierres sont en quantité limitée, faisant de l’exploitation un enjeu stratégique pour éviter de se retrouver à court de ressources. C’est ce modèle qu’utilisent notamment les séries The Settlers (1993) et Anno (1998). Cette dernière limite les ressources disponibles en fonction du climat de départ. Cette limitation induit nécessairement le besoin d’expansion pour se procurer d’autres ressources (et il y a beaucoup à dire sur cette tendance à l’expansionnisme et au colonialisme dans les jeux vidéo, mais ça sera pour un autre jour).
Deux exceptions, la série SimCity, dont deux épisodes sortent dans les années 1990, SimCity 2000 (1994) et SimCity 3000 (1999), qui continue de ne pas avoir de mécanique d’exploitation des ressources, et Age of Empire, dont les ressources ne se régénèrent pas du tout. Une critique du jeu de 1997 revient sur cet état de fait : « une partie dure en général 10 000 ans et pendant tout ce temps, les animaux ne se reproduisent pas, les baies et les forêts ne repoussent pas. » À part les lions qui mangent les gazelles, la nature est statique, elle n’existe que pour fournir des ressources au joueur (et éventuellement lui être un obstacle), et comme les denrées ne sont pas périssables, ça pousse à tout exploiter le plus rapidement possible pour obtenir un avantage. Le seul risque, c'est d’être coincé parce qu’on n'a pas assez bien ou suffisamment exploité l’environnement.
En termes d’impact sur l’environnement, la plupart des jeux de cette période reprennent peu ou prou le modèle développé par SimCity à la fin des années 1980, à savoir que les activités humaines polluent et la pollution se manifeste sous la forme de cases polluées et de population mécontente. Dans la série SimCity, elle reste relativement facile à gérer et à faire disparaître. Il suffit toujours d’éloigner les bâtiments polluants des habitations et planter des arbres. En 1994, on commence à noter une corrélation entre activité humaine et catastrophes, puisque le taux de pollution favorise l’apparition de la catastrophe « déversement toxique » dans SimCity 2000 et est directement responsable de la formation de nuages toxiques qui provoquent des pluies acides dans la version de 1999. Reste que ce sont les deux seules catastrophes à ne pas être aléatoires. SimCity 3000 ajoute la possibilité de gérer les déchets dans la ville et de les expédier chez ses voisins. À noter dans SimCity 2000 la présence d'arcologies, présentées comme des villes autosuffisantes qui peuvent être construites à partir d'un certain niveau de population. Une fois ces arcologies construites, la population peut s'y installer et, comme elles fonctionnent en circuit fermé, il n'y a plus de problème de pollution ni d'utilité pour la plupart des industries polluantes utilisées jusque-là. Une dynamique peut alors s'installer dans laquelle le joueur mise à fond sur les industries lourdes et polluantes pour arriver au niveau de population et au budget nécessaires pour construire ces structures, sachant que cela résoudra le problème de pollution. Le concept n'est pas réimplémenté dans l'épisode suivant, même s'il y est fait référence.
La série Civilization diverge un peu de ce modèle. L’idée de pollution engendrée par l’activité humaine est également présente, mais relativement anecdotique. Elle apparaît à la révolution industrielle et est causée par la production de ressources, le nucléaire, etc. Il est possible d’envoyer des habitants dépolluer le lieu, et ses conséquences à long terme (le réchauffement climatique principalement) peuvent être évitées en privilégiant les transports publics, le recyclage et des sources d’énergie renouvelables. L’innovation de Civilization, c'est donc d’introduire la notion de réchauffement climatique dès sa première itération en 1991. En 1996, Civilization 2 intensifie la production de pollution et le changement climatique, qui, une fois enclenché, transforme les prairies en plaines, les plaines en désert et les cases côtières en marécages : des terrains moins productifs et moins exploitables. Poussé à ses limites, c’est-à-dire en continuant la partie après la fin prévue, le terrain devient apocalyptique, comme en témoigne cette partie interminable qui donne une vision d'un avenir assez catastrophique.
Les city builders antiques et médiévaux diffèrent sur ce point, car la notion d’impact sur l’environnement ou de pollution est relativement inexistante, comme si les activités dans l’Antiquité ne polluaient pas, ne généraient pas de déchets et ne modifiaient pas l’environnement. La pollution est ici remplacée par le concept de désirabilité, qui détermine le contentement des habitants à vivre à un endroit donné. La désirabilité baisse à proximité des infrastructures d’exploitation des matières premières, des industries et des bâtiments de service.
Le climat et la météo font leur apparition de manière sporadique et rarement significative. On peut noter l’importance des crues dans Pharaon pour la fertilité des terres et, selon le manuel et un échange trouvé ici, SimCity 2000 aurait une mécanique de météo influant sur la ville, mais ses effets semblent négligeables. Les catastrophes climatiques sont toujours présentes dans la série SimCity, mais restent absolument décorrélées de toute réalité du terrain, de la géographie ou de l’activité humaine. On peut noter toutefois que le climat est représenté, si ce n'est que de manière très statique et limitée. En effet, il détermine dans la plupart des titres les ressources disponibles. Il ne change jamais et n'a qu'un impact limité sur la suite. Une exception : l’épisode SimEarth, qui n’est pas à proprement parler un city builder et qui, en permettant de jouer avec les paramètres de la planète pour faire surgir la vie, propose une mécanique de réchauffement climatique qui fait fondre la calotte glaciaire et provoque la montée des eaux, ainsi qu’une notion de réaction en chaîne des catastrophes climatiques. Un tremblement de terre sous-marin peut provoquer un raz de marée, par exemple. Ici, les catastrophes sont davantage ancrées dans la réalité du terrain.
Avant d’en terminer avec les années 1990, je voulais m’arrêter un instant sur la proposition ambitieuse mais bancale qu’est SimIsle: Missions in the Rainforest. Plutôt qu’une simulation de construction de ville, il s’agit d’une simulation d’exploitation d’île tropicale qui met l’accent sur la nécessité de trouver un équilibre entre exploitation et écologie. Dans ce titre, c’est l’idée de croissance verte et de développement durable qui est mise en avant, c’est-à-dire qu’en adoptant les bonnes pratiques, on préserve l’environnement sans avoir à renoncer à l’idée de croissance, car au final, il n’est pas question d’abandonner l’idée d’exploiter les îles et les cultures locales. Il faut juste « bien » le faire (et on en revient notamment au propos sur le colonialisme). Le manuel du jeu met d’ailleurs en garde : « […] Le programme tient un score d’écologie, au cas où vous pensiez que personne ne veille au grain. » Le score d’écologie indique les efforts effectués pour la préservation de l’environnement lors du développement de l’île. Chaque action a un coût écologique qui s’exprime en jeu par l’avancée de la déforestation et l’augmentation des niveaux de pollution qui affectent à leur tour l’environnement de l’île, le bonheur et la santé des locaux. Complètement en phase avec l’idée de croissance verte et visiblement assez peu conscient des paradoxes que ça engendre, le manuel souligne également que « les intérêts de préservation ne sont pas toujours en opposition avec la croissance économique, le tutoriel démontre que vous pouvez créer une réserve naturelle qui protège et fait se reproduire des animaux rares qui peuvent ensuite être exportés vers les zoos internationaux et générer des profits ». Ce très chouette article de The Obscuritory revient en détail sur cette proposition et toutes ses contradictions.
Pour resituer en termes d’action pour le climat, les années 1990, c'est le Sommet de la Terre à Rio qui voit l’adoption de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC). On commence donc à parler de réchauffement climatique à l’échelle globale et de la responsabilité humaine dans ce processus, mais l’accent est surtout mis sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour revenir à un taux sans danger pour le climat. Et en 1997, c’est l’adoption du protocole de Kyoto (la France le ratifie en 2002) qui impose cette fois des objectifs contraignants pour réduire les émissions. C’est aussi l’époque où l’on parle surtout du trou dans la couche d’ozone et de comment le résorber. La réalité de la situation est entérinée, le réchauffement climatique est une réalité, mais perçue comme nettement réversible si tout le monde y met un peu du sien.
Ce qui frappe dans cette décennie, c'est que l’impact humain sur l’environnement est considéré comme un problème moderne. Il est totalement absent des city builders qui se passent dans des périodes antérieures à la révolution industrielle. La corrélation entre activités modernes et pollution dénote d’une vision très simpliste de l’impact de l’activité humaine sur l’environnement, ici, elle n’engendre qu’une pollution locale facilement gérable et un réchauffement climatique global pas vraiment très handicapant en jeu. On évacue ainsi toutes les problématiques à plus petite échelle comme la déforestation massive ou une surexploitation des sols qui auraient pu conduire à des problèmes tels que des glissements de terrain, des incendies, des sécheresses, etc. À l’inverse, la gestion locale des ressources devient moins importante dans les titres qui ont pour décor l’époque moderne, illustrant d’ailleurs incidemment le virage vers l’économie tertiaire des pays du Nord déléguant les activités polluantes aux pays en voie de développement ou « pauvres ». Si la pollution est modélisée, elle se rapproche davantage de la mécanique de désirabilité des city builders comme Pharaon, elle n’est un problème que parce qu’elle dévalue le terrain, il suffit donc de l’éloigner et de planter quelques arbres pour régler le problème.
Les années 2000
Cette décennie est intéressante, car sur le fond elle n’apporte que peu de changement, voire retire certaines mécaniques qui étaient récurrentes jusque-là. Dans Civilization 4, par exemple, les effets de la pollution sont drastiquement réduits, mais la notion d’impact sur la santé des personnes travaillant sur les terrains pollués est introduite. Un échange en 2002 à propos de la modélisation de la pollution dans Civilization 3 souligne d’ailleurs le manque de profondeur et de réalisme, si l’on veut, de la modélisation, en remarquant que la pollution dans le monde réel ne conduit pas nécessairement à rendre un environnement inexploitable, mais plutôt à la destruction des habitats naturels et des animaux qui y vivent. Je ne m’attarde pas sur ce point, car j’y reviendrai dans la décennie suivante, mais c’est à ce stade que j’ai réalisé à quel point la « nature » est en fait une somme de ressources. Tout au plus les arbres peuvent servir à la dépollution, mais il n’y a aucune notion nulle part, à part peut-être dans SimIsle, d’écosystème.
Pour moi qui ai connu Tropico avec un train de retard et à sa quatrième itération, j’ai été surprise de constater qu’il était assez novateur à sa sortie, principalement pour son côté frontalement politique qui a de nombreuses conséquences sur les mécaniques d’exploitation de ressources et l’environnement dans le jeu. Ce n’est pas que les autres jeux dont on a parlé jusque-là n’étaient pas politiques, c’est juste qu’à l’exception peut-être de SimCity, ils ne l’étaient pas frontalement. Même Civilization, qui a depuis bien longtemps introduit des notions de gouvernement, était de façade plutôt neutre (chaque système a ses avantages et inconvénients, c’est tout). Dans Tropico, il faut trouver comment se dépatouiller avec des groupes dont les intérêts sont généralement contradictoires. C’est notamment l’apparition de la faction des écologistes et de la notion que le taux de pollution a désormais un impact sur le bonheur des gens. Certes, le concept de désirabilité est toujours d’actualité donc les gens sont contents lorsque leur maison n’est pas à côté d’une industrie polluante, mais éloigner les pollueurs ne suffit pas, car cette fois la pollution globale est prise en compte. Cette idée influe donc sur la mécanique d’exploitation des ressources, il est possible de choisir notamment entre une exploitation intensive de la forêt ou une exploitation sélective et de développer les technologies pour favoriser la repousse des arbres. Le climat et l’environnement de départ de la carte déterminent également les ressources présentes et le rendement des cultures. On peut noter qu’en 2003, donc peu de temps après, la technologie « Écologie » fait son apparition dans Civilization 3.
Dans SimCity 4 (2004), la pollution cesse de disparaître quand on détruit les bâtiments polluants, entérinant son effet à long terme qui entraîne également une réduction de l’espérance de vie. Mais la pollution ne s’étend pas en dehors d’une ville donnée, ce qui peut aboutir à la création de villes-dortoirs propres, et ailleurs de villes polluées pour les industries qu’il est ensuite possible de relier.
En 2009, dans Tropico 3, il y a désormais la possibilité de faire durer les ressources en évitant une exploitation trop intensive (similaire à l’exploitation du bois dans le premier). Une fois épuisées, les ressources doivent être importées. Les écologistes sont contrariés par la pollution même s’ils ne sont pas en contact direct avec celle-ci. Par effet de ricochet, beaucoup de pollution et de mauvaises relations avec les écologistes endommagent les relations avec l’UE. La pollution devient donc un problème global, qui est également cause de maladies, impactant le système de santé et l’espérance de vie.
En 2009 également, Cities XL reprend nombre de concept de SimCity, mais là où SimCity 4 permet de mettre des parcs pour réduire la pollution, ici ce n’est pas vraiment possible, le seul moyen de réduire la pollution étant d'éloigner les bâtiments polluants ou de les détruire. Pour contrer ses effets sur le bonheur ambiant, il faut donc améliorer par d’autres moyens la qualité de vie des habitants et donc augmenter leur tolérance à la pollution. Il est cependant possible, comme dans SimCity, d'éloigner les bâtiments polluants dans une ville « sale » à part, tout en gardant les habitations dans une ville propre, reproduisant ainsi ce qui se fait dans le monde réel.
Pour en finir avec cette décennie, une petite incursion côté RTS avec Perimeter en 2004, qui a la particularité d’avoir lieu dans le futur et dans l’espace, passons sur le côté colonialiste ici encore, pour noter qu’ici il faut terraformer, la géographie et le climat sont présents sous forme d'obstacles à l'activité humaine.
Question actions pour le climat, en 2001, la COP7 se contente de préciser les moyens pour parvenir aux objectifs des accords de Kyoto qui entrent en vigueur en 2005. Un rapport de la NASA indique que 2005 est l’année la plus chaude enregistrée depuis la fin du XIXe siècle et que la Terre s’est réchauffée de 0,8 °C depuis un siècle et de 0,6 °C depuis 30 ans. En 2007, c’est également la création du Forum des économies majeures sur le changement climatique (MEF), qui réunit les plus gros pollueurs, et le prix Nobel de la paix est attribué à Al Gore et au GIEC. L’Australie ratifie enfin les accords de Kyoto, mais les USA refusent. En 2009, c’est la signature de l’accord de Copenhague, qui contient notamment un objectif de contenir le réchauffement climatique sous 2 °C d’ici la fin du siècle.
La plupart des licences de cette décennie continuent sur leur lancée et la majorité des changements ont lieu dans les jeux mettant en scène l’époque moderne ou le futur. La pollution est désormais globalement corrélée avec des enjeux de santé et de bonheur de la population et a un effet à long terme, mais qui n'est pas tant que ça problématique. Le climat est présent sous une forme très limitée et statique, et si la plupart des jeux possèdent une mécanique de catastrophes climatiques, elles restent aléatoires.
Avant de conclure cette première partie, je voudrais faire un point sur la technique et l'évolution de celle-ci au fil du temps et des possibilités qu'elle offre. C'est un point que je n'évoquerai pas dans ce dossier pour deux raisons. D'abord parce que je crains que ça ne remplisse un dossier entier que je n'ai pas les connaissances nécessaires pour faire. Ensuite parce que si, bien sûr, il semble logique que les modèles s'affinent et que de plus en plus de choses puissent être prises en compte, on note que dès le début des années 1980, Utopia envisage une notion de climat, qui ne réapparaît quasiment plus après, Civilization modélise le réchauffement climatique, The Settlers et Anno font repousser les arbres. Que les modélisations soient incomplètes, peu adaptées, etc., dépend en effet probablement beaucoup de la technique, mais l'absence de ces paramètres ou leur côté optionnel dans d'autres titres indiquent plutôt un choix dans ce qui est important ou pas au moment du développement.
En trente ans, le genre du city builder a donc beaucoup évolué, bâtissant sur les balbutiements des années 1980 et l'ébullition des années 1990. C'est principalement la mécanique de pollution qui connaît la plus grande évolution, d'un problème purement cosmétique, elle est ensuite corrélée à des enjeux de bonheur et de politique, au réchauffement climatique et à la santé. C'est cependant le seul impact visible de l'activité humaine sur l'environnement et il reste cantonné à l'ère moderne. Le climat, la météo ainsi que l'écosystème sont peu impactants, voire peu présents, jusqu'à la fin des années 2000. On peut émettre l'hypothèse que cela reflète moins un choix réfléchi de la part des développeurs que l'air du temps. Le climat et l'environnement sont de plus en plus présents dans le discours public, mais plutôt sous forme de problème lointain et global (trou dans la couche d'ozone, hypothétique montée du niveau de la mer, etc.). Ce ne sont guère des problématiques qui impactent concrètement la vie de tous les jours, surtout pas dans les pays du Nord global, principaux responsables de la production vidéoludique dont il est question ici. On sait déjà que dans les années 2020, le climat sera devenu un enjeu, voire un antagoniste, dans de nombreux city builders et il va être intéressant de voir à quel moment et comment s'effectue la bascule à partir des années 2010.
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