Connaissez-vous Slay the Spire, la dangereuse drogue commercialisée par les Américains de Mega Crit Games en 2017, mélangeant construction de deck et roguelite ? Eh bien, laissez-moi vous présenter Zoeti, son héritier taïwanais bien décidé à bousculer (peut-être un peu trop) la formule.
Dans le fond, on fait exactement la même chose dans Zoeti que dans sa lointaine inspiration : combattre au tour par tour des monstres en leur balançant des cartes à jouer, tout en sachant à l'avance quel prochain coup va jouer la partie adverse. Mais le jeu du studio Dusklight a souhaité ajouter une légère pincée de sel en transformant ce système de gestion de cartes à jouer avec une petite partie de poker qui ajoute pas mal de subtilité dans la gestion des bagarres. Mais parfois, vous savez ce que c'est avec les pincées de sel : toute la salière tombe dans le plat, et le goût devient un poil atroce aux entournures. Le mieux est l'ennemi du bien et Zoeti se retrouve à jongler avec un nombre incalculable d'idées, de systèmes et de sous-systèmes qui le rendent franchement hostile. Du moins pendant ses premières heures, après lesquelles il devient heureusement assez brillant.
Poker Fate
Signalons une bonne nouvelle avant de nous attaquer au cœur des mécaniques de Zoeti : l'aventure propose un emballage beaucoup, mais alors beaucoup moins âpre que Slay the Spire, lequel avait à peine un univers, et quasiment pas de scénario. Dans Zoeti, pas de problème : vous êtes accueilli dans des décors chatoyants via une narration bavarde, avec une foule de PNJ pittoresques et de lieux à visiter. Le tout déroule un univers mignon, mais pas vraiment palpitant (vous êtes en apprentissage dans l'église de trucmuche et des méchants font du rififi pendant votre apprentissage, bon, la routine). N'empêche que des dialogues rigolos, de jolies musiques, une trame cohérente et quelques rebondissements agréables, ça ne fait jamais de mal.
Au départ, pas le choix, vous n'aurez la possibilité de parcourir que le premier des trois scénarios disponibles, en utilisant le personnage de base (une guerrière). Assez rapidement, vous débloquerez d'autres modes de difficulté (sachant que le jeu est déjà très difficile de base), deux personnages supplémentaires et un mode aventure pour prolonger les trois runs de base. Petite nuance qui ajoute de la rejouabilité : les personnages conservent l'expérience accumulée de run en run, chaque niveau étendant assez largement les possibilités de gameplay en multipliant les accessoires et les compétences disponibles.
Mais revenons au début de tout cela. Dans les premières heures, on se contentera de notre brave guerrière dont la plupart des compétences sont basées sur des choses aussi triviales que l'attaque pour diminuer les points de vie adverse et la défense pour que votre bouclier morfle à votre place. Une bonne manière de découvrir que le système de combat proposé est techniquement très simple : vous piochez des cartes, et vous jouez une ou plusieurs combinaisons classiques du poker (full, couleur, quinte…). À chacune de ces combinaisons, vous avez préalablement rattaché une compétence. Par exemple, une augmentation de votre bouclier pour chaque paire de cartes jouées ou une attaque de tous les ennemis pour une couleur. Et quand vous n'avez plus assez de cartes, c'est à vos ennemis de jouer et de vous lancer une unique attaque. En principe, c'est donc assez intuitif. En pratique, c'est heu… Un sacré bazar, passez-moi l'expression.
Quinte de tout
Zoeti pèche un peu par accumulation forcenée de trucs et de machins. Déjà, chaque personnage a beaucoup, mais alors beaucoup d'équipements possibles à ramasser. Quasiment chaque combat va vous donner un paquet de consommables, de compétences à choisir ou améliorer ou d'accessoires à récolter, en vous les balançant pêle-mêle à coup d'explications parfois assez confuses. Les effets de buff et de débuff que vous pouvez appliquer sur votre personnage ou vos ennemis sont extrêmement nombreux, et vous forcent à mémoriser beaucoup trop de choses beaucoup trop vite. Et dès que vous pensez que vous commencez à maîtriser le bouzin, hop, votre personnage passe un niveau et débloque encore davantage d'objets et de compétences possibles.
Il faut ajouter à cela (et c'est une qualité) que les trois personnages de Zoeti ont des gameplay si différents qu'il s'agit presque de jeux à part entière. Le voleur a un jeu entièrement basé sur les débuffs, l'empoisonnement et les esquives, qui vous pousse à totalement négliger les cartes d'attaque et de défense, et la magicienne, heu… c'est tout un délire à base de multiplicateurs d'éléments intriqués entre eux dont la quantité de dommages finit par être une division de la quantité de foudre vectorisé par la quantité de glace, lui-même factorisé par l'âge du capitaine. On appréciera cette diversité de gameplay assez bienvenue, mais les infos nous arrivant dans le désordre et par paquets, la première marche à franchir est absurdement haute. Il faudra au bas mot trois ou quatre heures PAR PERSONNAGE pour arriver à en tirer quelque chose d'autre que des humiliations.
Et je pense qu'au-delà d'un simple problème de rythme ou de tutoriel défaillant (notez bien que le tutoriel EST défaillant), le problème de Zoeti tient dans l'interface de ses combats qui, toute charmante soit-elle, est un immense capharnaüm. Chaque combat vous plongera dans une surcharge visuelle hélas assez typique de ce que peuvent fréquemment produire les petits studios asiatiques et leurs UI "à la japonaise". C'est bourré de texte et de chiffres, ça clignote, il y a des boutons et des icônes dans tous les sens, et finalement, la plupart des informations sont redondantes, inutiles ou auraient pu être largement simplifiées.
Jouer comporte des risques d'addiction
Il m'aura donc fallu un peu plus de six heures pour commencer à comprendre ce que je faisais et à déployer des stratégies pas absolument ridicules. Parce que même dans son niveau de difficulté le plus bas, Zoeti est impitoyable. Passé les deux ou trois premiers affrontements pour s'échauffer, la plupart des confrontations s'avèrent mortelles en un ou deux tours si vous n'avez pas en main des combinaisons de cartes parfaitement optimisées.
Par exemple, la magicienne ne possède que 40 points de vie de base, quand la plupart des ennemis se présentent en groupe de trois ou quatre et peuvent vider sa barre de vie en un seul tour. Une fois saisi le principe de son gameplay, qui consiste à accumuler des malus dans les stats des ennemis pour les faire "disjoncter" et rater leurs attaques, les runs avec ce personnage deviennent vraiment amusantes. On peut enchaîner trois, quatre ou cinq combats sans subir le moindre dommage, en misant sur des synergies confinant parfois à l'absurde et en terminant une confrontation en quelques secondes à coup de tempête de feu géante.
Une fois atteint ce stade, Zoeti devient un jeu extrêmement accrocheur qui sait délivrer des récompenses au bon rythme et proposer un contenu réellement riche et profond. Lequel se révèle tout particulièrement dans les second et troisième biomes, une fois les personnages passés au niveau cinq ou six, vous permettant de débuter avec des artefacts et des compétences de base extrêmement amusants. De même, les niveaux de difficulté supérieurs deviennent peu à peu envisageables et forcent à adapter des stratégies bien rodées à des challenges extrêmes.
Ainsi, la première fois que par une combinaison d'objets, d'accessoires, de compétences déclenchant d'autres compétences, j'ai pu balancer 40 ou 50 cartes dans un même tour alors que ma main initiale en possédait sept, je me suis senti extrêmement intelligent. Et je pense qu'il me reste énormément de stratégies et de combinaisons à dénicher pour pleinement appréhender la profondeur de Zoeti. Attention cependant, il m'a fallu une bonne quinzaine d'heures pour en arriver à ce que je considère être la fin du tutoriel. C'est quand même un peu long.
Zoeti a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Avec une interface plus claire, une traduction moins nébuleuse et un peu de pondération dans la manière de balancer les nouvelles informations par paquet de douze, Zoeti aurait sans conteste été à la hauteur de son immense modèle, Slay the Spire. Ces petits défauts, ainsi qu'une difficulté complètement absurde lors des premières runs le placent un tout petit peu en dessous de lui. Il n'en reste pas moins que pour qui se donnera la peine de s'accrocher un peu, le jeu de Dusklight est une réussite dans sa réinvention d'une formule bien rodée. Il se pourrait d'ailleurs que j'aie un problème, puisque je viens de relancer une partie. Aidez-moi.
Les + | Les - |
- L'idée principale est excellente | - Interface très confuse |
- Trois gameplays vraiment uniques | - Le démarrage est vraiment trop âpre |
- Beaucoup de profondeur de jeu une fois passé le premier biome | - Certaines descriptions d'items sont très confuses |
- Une fois maîtrisé, c'est très satisfaisant | - La traduction est parfois un peu approximative |
- Et en plus c'est joli |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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