Quelque trois ans après le sympathique Wolfstride, leur jeu de bagarre de méchas au tour par tour, les Brésilien·ne·s de OTA IMON reviennent avec Zet Zillions. Si le gameplay et la structure abandonnent le RPG linéaire pour se tourner vers un (énième) roguelite de deckbuilding, le studio a su conserver son esthétique et écriture délibérément trash, cynique et bas du front.
Une approche qui ne plaira certainement pas à tout le monde, avec ses punchlines edgy, ses illustrations fleurant bon la SF pulp et crado et son humour assez immature, mais qui a le mérite de proposer un univers, un scénario et des personnages dans un genre qui ne s’encombre que rarement d’autant de contexte pour justifier ses heures de deckbuilding. Et, surtout, qui se permet à ce point de lier ses idées de gameplay, de structure et de lore, pour accoucher d’un titre certes imparfait, mais résolument plus original et créatif qu’il n’y parait.
Les zolies colonies de l'espace
Que l’on soit bien d’accord : Zet Zillions n’échappe pas aux tropes, aux codes et aux gimmicks de son genre et embrasse pleinement les mécaniques à la fois du roguelite et du deckbuilding. Prenez la base et la structure de Slay the Spire – sans le moindre doute son principal modèle –, ressortez-les telles quelles et vous avez celles de Zet Zillions. Ce n’est pas pour autant que vous savez tout à fait y jouer : si en termes d’interface, de présentation, de découpage de l’aventure, tout est tout de suite très familier, le titre de OTA IMON propose en revanche quelques subtilités de gameplay qui suffisent à le distinguer du reste de la production.
Car, en plus des éléments classiques du roguelite de deckbuilding (points de vie, points d’armure, coût des cartes, passifs, buffs et débuffs, vous avez l’idée, presque tout le monde a ne serait-ce qu’approché Slay the Spire ou assimilés), Zet Zillions propose deux systèmes supplémentaires, qui viennent perturber la manière d’appréhender la stratégie habituelle. Sans trop entrer dans les détails, notre personnage est à la tête d’une armée, dont les soldats sont littéralement de la chair à canon, de la piétaille considérée comme les consommables du régime fascisant et colonisateur que l’on incarne, donnant au titre de chouettes relents de Starship Troopers/Helldivers 2.
La bonne surprise, c’est que cet aspect du lore se répercute dans le gameplay, puisque le jeu fait la distinction entre deux types d’attaques : les dégâts physiques et la population. Si les dégâts physiques fonctionnent exactement comme on pourrait l’imaginer, le principe de population est lui assez intéressant, puisqu’une fois le bouclier adverse brisé, il va être possible de coloniser l’adversaire en lui envoyant nos fameux soldats. Si cette action ne produit en elle-même aucun dégât, elle reste redoutable, puisqu’une fois la jauge de population d’un adversaire remplie, celui-ci est assommé (voire perd le combat, dans certains cas) et se trouve à la merci de certains malus et débuffs. Ajoutons à cela un paquet d’effets qui synergisent avec les jauges de population des ennemis et on obtient un système franchement malin, qui demande de constamment jongler entre les dégâts physiques, élémentaires (feu, poison, etc) et la population.
La seconde très bonne idée de ce Zet Zillions, c’est la possibilité de combiner les cartes durant un affrontement pour en créer de nouvelles. Une carte population et une carte bouclier produisent une carte de dégâts ; certaines cartes demeurent injouables tant qu’elles n’ont pas été fusionnées, avec des effets différents selon le duo choisi ; d’autres remplissent des jauges à chaque nouvelle combinaison : bref, les utilisations peuvent être assez créatives et on se retrouve souvent à choisir entre conserver ses cartes telles quelles ou les sacrifier pour une combinaison potentiellement plus intéressante.
Qui zeut gagner zet zillions (avec zean-pierre foucault)
Malheureusement, si ces systèmes sont sur le papier de vraies bonnes idées et fonctionnent à merveille dès le début, Zet Zillions s’essouffle assez vite. La faute d’abord à une méta-progression particulièrement lente. C’est un peu moins pire depuis les derniers patchs, qui ont réduit l’expérience nécessaire au déblocage de cartes et passifs pour les parties suivantes, mais ça reste assez laborieux. D’autant que le contenu en jeu est également assez réduit de base : pas tant d’ennemis et boss différents, des combinaisons de cartes qui reproduisent souvent les mêmes effets, on a vite l’impression d’en avoir fait le tour, ce qui est assez gênant pour un roguelite.
On enchaine ainsi plusieurs parties d’affilée sans franchement voir de différence avec la précédente, on retrouve un peu toujours les mêmes bonus, les mêmes ennemis, les mêmes évènements aléatoires, et l’enthousiasme initial laisse place à la lassitude. Si on progresse, c’est plus grâce à la chance et à une meilleure maitrise et connaissance des mécaniques – ce qui peut avoir un côté gratifiant, ceci dit – mais l’impression de patiner dans la méta-progression a un côté assez décourageant. Puis, on finit par tout de même battre ce fichu boss de fin, et, roguelite oblige, le jeu effectue la traditionnelle pirouette pour justifier de le relancer et retourner se battre.
La bonne nouvelle, c’est que c’est toujours autant accompagné de nouveaux dialogues et rebondissements. Si le jeu est assez chiche en contenu côté gameplay, je dois reconnaître que sur l’aspect narratif il continue de se développer, certes toujours avec ce ton cynique et cette écriture clivante, mais de manière plutôt plaisante si on accroche à la proposition. La mauvaise nouvelle, c’est qu’une fois le boss final battu, on passe au chapitre suivant, qui propose peu ou prou le même contenu, avec la même structure, et que cette progression dans l’histoire ne débloque toujours pas de nouveaux personnages ou d’éléments majeurs, bref, on continue de refaire un peu la même chose.
Sur la durée, finalement, c’est du côté de certaines quêtes annexes que le peu de variation surgit. Si la plupart des cases évènements sur la map proposent seulement un choix à faire ou un combat à effectuer, certaines déclenchent une quête annexe à mener sur toute sa partie, nécessitant de bien planifier la suite de son voyage pour en voir le bout et, wouhou, enfin débloquer de manière permanente du méta-contenu. Il en sera de même pour certaines cartes à récupérer en cours de route, et auxquelles on peut faire gagner des points d’expérience en remplissant certaines conditions. Ce n’est certes pas très nouveau comme mécanique, mais toujours assez efficace, puisque ça force à adopter certaines stratégies et changer provisoirement sa manière de jouer. Une consolation un peu maigre, mais qui m'aura fait tenir quelques parties de plus, quelques parties pas désagréables, il faut l'avouer.
Zet Zillions a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Avec ses deux très bonnes idées de gameplay qui revisitent de manière vraiment intelligente et originale le genre pourtant assez essoré du roguelite de deckbuilding, avec son esthétique pulp, son écriture assez drôle et bas du front, Zet Zillions aurait totalement pu figurer parmi les nouvelles références. Sa méta-progression laborieuse et la faible quantité de contenu le rendent cependant assez vite répétitif et frustrant. Ce n'est malheureusement pas très palpitant d'avoir la sensation de faire un peu toujours la même run, avec peu, voire pas de récompenses à la clef. Avec un peu plus de variété et une méta-progression plus rapide (peut-être dans de futures mises à jour ?), nous pourrions complètement le recommander.
Les + | Les - |
- Les mécaniques de fusion et population sont très intéressantes | - La méta-progression est très (trop) lente |
- Des quêtes annexes sympathiques et bien récompensées | - On refait un peu trop souvent les mêmes runs |
- Scénario, esthétique et humour assez efficaces, pour peu qu'on accroche avec le style |
Shift
Camélidé croisé touche de clavier et militant pro-MS Paint. J'aime les jeux indés à gros pixels, les platformers sadiques et les énigmes.
follow me :
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024