Deux ans après le charmant puzzle game minimaliste The Almost Gone, le studio belge Happy Volcano est de retour avec You Suck At Parking, un jeu de conduite de petite voiture dans lequel l'objectif est simplement de se garer (et de passer par la boutique de microtransactions du jeu).
Vous avez donc une voiture : la voici projetée dans des niveaux tortueux dans lesquels il faut la garer sur des emplacements précis, le tout avec une physique proposant pas mal d'inertie (et vous forçant donc à beaucoup jouer sur les freinages et les accélérations). Si vous arrivez à vous garer exactement partout sans vous crasher, ni vous arrêter ailleurs que sur l'emplacement prévu, ni tomber en panne d'essence, vous gagnez un ticket en or. Sinon, vous ne gagnez que des tickets de stationnement. Chaque monnaie vous sert à débloquer d'autres niveaux. Voilà, c'est une formule classique, un petit jeu d'adresse comme il en existe tant. Une fois ce constat établi, on pourrait juste se contenter de soupeser le produit : fun, pas fun, précis ou approximatif, level design plat ou inventif, etc. Mais You Suck At Parking repose sur un modèle assez étrange qui mérite l'attention : vendu assez cher pour un jeu indé de ce type, il propose néanmoins une bonne partie de son contenu bonus sous forme de microtransactions plutôt onéreuses et n'hésite pas à utiliser des méthodes un poil irritantes pour vous les faire avaler. Une approche, qui, pour le moins, manque un chouilla d'élégance.
Veni, Vidi, Vinci
Il y a, en fait, énormément de choses qui fonctionnent dans You Suck at Parking, à commencer par le côté très immédiat du fun qu'on peut y trouver. Accélérer, reculer, tourner : il n'y a que trois actions possibles, on comprend immédiatement le principe, qui est de se mettre précisément sur un emplacement défini en essayant de ne pas se faire dégager par les menaces alentour. Les niveaux sont nombreux et variés, le principe est assez addictif et j'ai plutôt été séduit par la facilité à avancer dans l'expérience, notamment par la possibilité de valider les niveaux selon deux approches (les terminer parfaitement ou non) qui force à bien apprendre chaque niveau pour réussir un « perfect » dessus et débloquer les fameux tickets d'or qui sont autant de portails vers les mondes les plus ardus. On n'est jamais bloqué, mais persévérer est toujours récompensé.
Toutes les idées de level design du jeu ne sont pas d'égale qualité, mais elles ont le mérite d'être très variées : aimants vous attirant dans des pièges, policiers lancés à votre poursuite, rayon qui transforme votre voiture en bloc de glace, accélérateurs, bumpers, propulseurs, etc. Les niveaux sont généralement proposés par groupe de cinq, chacun déclinant une idée différente de plusieurs manières possibles, avec un niveau très ardu à la fin destiné à valider vos acquis. Le tout est évidemment livré avec un tableau de scores permettant de comparer votre temps à celui des autres chauffards dans une expérience qui cumule donc une bonne centaine de niveaux. Comptez une grosse quinzaine d'heures pour juste faire le tour de tous les niveaux et de leurs variantes : au moins, la promesse d'avoir un « vrai jeu » et pas juste un concept rigolo décliné pendant une heure est tenue par le studio.
Tout juste pourrait-on reprocher à You Suck At Parking une physique parfois un chouilla approximative, la voiture se comportant régulièrement comme une savonnette en fonte, à la fois trop lourde et trop glissante pour qu'on puisse être vraiment précis dans les actions les plus méticuleuses. C'est particulièrement dommage dans les niveaux qui multiplient les accélérateurs et les tremplins : on se retrouve parfois propulsé de travers comme un boulet de canon ivre mort sans pouvoir rectifier le tir. Un problème aggravé par la caméra, qui se comporte globalement bien, mais se retrouve à la peine dès qu'il s'agit de gérer des ponts, des tunnels ou trop de verticalité. Je me suis ainsi retrouvé dans certains rares niveaux à manquer cruellement de visibilité et à ne plus trop savoir où aller. Une visionneuse de niveau façon diorama compense un peu ce problème, mais cela reste parfois désagréable. Bref, You Suck At Parking ce n'est pas le jeu d'adresse du siècle, mais ça fait le taf. Un taf à 20 €. 30 € si vous voulez le premier battle pass. 60 € si vous voulez débloquer les items liés à vos points d'expérience.
You Suck at Parcmètre
Quand un jeu vous propose un bouton pour retourner à Windows et que ce bouton ouvre littéralement la boutique in game du jeu, j'aimerais vous dire que c'est un bug et pas une feature, mais je n'en suis pas certain. Car dans You Suck At Parking, tout est bon pour vous faire payer deux fois, ce qui est assez rare pour un jeu indé vendu au prix fort. Concrètement : presque tout ce que vous allez débloquer dans le jeu avec l'expérience (qui fait office de monnaie in game) ne sera utilisable qu'une fois que vous aurez souscrit au premier pass saisonnier du jeu. Véhicules, peintures, effets graphiques, etc. Ils sont là, grisés dans votre barre de progression, merveilleusement assortis d'un petit verrou et d'un gros bouton vous intimant de sortir le porte-monnaie. Et pour des sommes plutôt coûteuses qui ne tiennent pas tant de la microtransaction que de la transaction tout court sous forme de DLC à part entière vendus entre 4 et 10 € le pack.
Certes, il s'agit exclusivement de contenu cosmétique, mais du contenu auquel le jeu nous renvoie sans arrêt et avec un équilibrage franchement aride : c'est bien simple, vous pouvez grinder et farmer des points d'XP autant que vous le voudrez, vous ne débloquez presque jamais rien dans You Suck At Parking. Sinon de nouvelles incitations à acheter des trucs, bien sûr. Entendons-nous bien : je sais que l'économie du jeu indé est fragile et qu'il est normal de vouloir rentabiliser des années de développement. Mais dans ce cas précis, c'est comme si absolument toutes les récompenses qu'on obtient naturellement dans un jeu du genre avaient été entassées derrière un paywall assez élevé pour donner l'impression que le jeu tel qu'il a été conçu ne coûte en réalité pas 20 €, mais bien le double, voire le triple.
You Suck At Parking donne l'impression de proposer une économie de free-to-play sans pour autant laisser la possibilité de compenser le manque d'investissement d'argent par du temps, de l'expérience ou de l'agilité, comme c'est généralement la règle dans ce genre de jeux. On avance dans le jeu et tout ce qu'on débloque, c'est de nouvelles choses à acheter dans la boutique, ce qui casse franchement l'impression de progresser et la boucle de récompense, même minimale, qu'on devrait ressentir en passant les niveaux. Franchement, c'est moche et je ne pense pas que l'économie des jeux auto-édités doit en passer par un système qui rappelle les moments les plus fatigants d'un Forza Horizon 5 pour assurer sa survie. Surtout pas quand le jeu est, de base, vendu dans la fourchette de prix haute des jeux du genre.
You Suck At Parking a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5, Nintendo Switch et les consoles Xbox.
Une ou deux fois par an, on tombe sur un petit jeu qui aurait pu être une expérience agréable et qui est gâché par quelques détails irritants. Dans le cas de You Suck At Parking, qui reste un sympathique jeu d'arcade au concept amusant et varié, ça aurait pu être ses problèmes de physique ou de caméra, mais non : c'est plutôt du côté du business model qu'on ira chercher notre agacement. Il est d'autant plus fort que la feuille de route du jeu nous annonce d'ores et déjà un nouveau pack de DLC pour la fin d'année et davantage ensuite, comme si jouer à une version « complète » du jeu n'était déjà pas assez onéreux. Pour peu que ce genre d'incitations constantes à allonger la monnaie ne vous défrisent pas, il s'agit tout de même d'un titre assez chouette. Mais j'ai tout de même un peu de mal à vous le recommander et à encourager à l'avenir le développement de ce genre de modèle pour l'économie des jeux indépendants.
Les + | Les - |
- Le concept est amusant | - Le business model vraiment douteux |
- Expérience variée | - Quelques problèmes de physique et de caméras |
- Facile à jouer, difficile à maîtriser | - Quelques bugs dans les menus (qui font parfois popper la boutique de microtransactions…) |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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