Hommage direct à la série Advance Wars de Nintendo, le premier Wargroove avait créé la surprise en 2019, malgré quelques vilains défauts, à commencer par un contenu un peu faiblard. Quatre ans plus tard, Chucklefish revient avec une proposition largement enrichie, sobrement intitulée Wargroove 2.
Le principal problème dont souffrait alors ce sympathique jeu de stratégie au tour par tour, outre sa durée de vie un peu légère, était une répétitivité assez lourde. Les différentes factions se distinguaient à peine, les enjeux étaient assez mal définis, et le level design de la campagne tournait un peu en rond. Wargroove était davantage qu'un brouillon, mais pas tout à fait le jeu dont semblaient rêver ses concepteurs. Au point que, je dois bien l'admettre, j'ai été un peu dubitatif à l'annonce de ce second volet. À quoi bon repartir pour une vingtaine d'heures de factions miroirs se tapant dans des arènes carrées ? Esprit chagrin que j'étais : Wargroove 2 est plus long, plus beau, plus riche et plus malin que son ancêtre. Il s'agit, d'ailleurs, de la meilleure chose qui soit arrivée au genre du "Advance Wars-like" depuis des années, remakes officiels compris.
Arrête de me raconter des bâbords
L'aventure s'ouvre sur une brève campagne de tutoriel chargée de nous restituer les enjeux de l'univers de Wargroove 2 dans les grandes lignes. Nous sommes quelque temps après la fin du premier jeu, la paix est revenue sur le continent, vous connaissez la musique. Mais bien vite, un nouveau conflit va éclater, à base de reliques et de civilisations disparues. J'ai l'air cynique, mais si tout ceci n'a (au fond) pas grande importance, je tiens quand même à saluer les grands efforts faits par Chucklefish pour créer une histoire plus immersive, avec des personnages plus variés et attachants que dans le premier volet. Le tout se déroulant en parallèle sur plusieurs fronts.
Une des principales propositions de Wargroove 2 se dévoile ainsi assez vite : son intrigue se déroule au long de trois campagnes liées chacune à une faction et d'une campagne finale, chacune d'entre elles ayant un ton et une proposition stratégique bien distincte. L'une met en scène une armée d'hommes-souris en train d'explorer des ruines dans une fuite en avant poussant à des missions mêlant survie et rapidité. La seconde, plus classique, va vous opposer à des cohortes de morts-vivants dans des cartes à la visibilité réduite et aux ennemis nombreux. La troisième, la plus inventive, se déroulera dans le monde de la piraterie, et sera axée sur les unités navales, le pillage et les combats à distance. En alternant les escarmouches entre ces différents scénarios, on s'émerveille de la profondeur de jeu qui a été injectée dans cette suite.
Je retiens tout particulièrement la qualité impressionnante du level design de la campagne des pirates. Cette dernière nous force à déployer des unités au maniement baroque pour arriver à la fois à capturer des bâtiments ennemis, à couvrir de très grandes distances et à planifier ses placements de navires de manière à créer des chaînes de ravitaillement très efficace. Le tout avec un challenge beaucoup plus souple et modulable que dans le premier Wargroove.
Les enfants du rogue
Dans Wargroove 2, avancer dans le scénario ne sera jamais bien compliqué, pour peu que vous ayez un peu d'affinité avec les batailles stratégiques au tour par tour et leur logique de pierre-feuille-ciseaux : les lanciers battent les cavaliers, les mages battent les unités volantes, etc. Peu de missions m'ont demandé davantage que deux ou trois essais pour vaincre. Mais les campagnes déploient un système d'objectifs parallèles, au nombre de deux par missions, vous récompensant sous forme de simili-achievements si vous acceptez de tenter votre chance. Il vous sera ainsi demandé de gagner une mission précise en un nombre très bref de tours, de ne perdre aucune unité, ou encore de trouver un chemin caché pour vous enfuir d'un combat mal engagé.
Wargroove 2 mélange ainsi assez finement challenge et accessibilité, en adjoignant à cette souplesse un second mode de jeu qui peut tout à fait faire office de terrain d'entraînement pour mieux maîtriser les compétences de chaque unité. Ce mode challenge prend la forme d'un roguelike où l'on enchaîne les batailles avec des ressources limitées, en récoltant des récompenses liées au niveau de difficulté choisi. Chucklefish a parfaitement équilibré sa proposition, tout en parvenant à garder beaucoup de variété dans les situations proposées.
J'ai particulièrement apprécié la liberté qui m'a été laissée dans de très nombreuses missions pour remporter des batailles via des méthodes assez différentes. Cela s'incarnera par exemple dans une escarmouche où l'on doit choisir entre attaquer sur deux fronts à la fois, ou débuter à un seul point de la carte avec une armée plus compacte. Ou dans une autre dans laquelle on aura le choix entre tenter d'infiltrer des brigands dans une forteresse ou d'aller en défoncer moins subtilement la porte à coup de poing. Les méthodes possibles pour se débarrasser des ennemis sont, elles aussi, beaucoup plus variées, notamment via les "Grooves" des commandants, ces supers-attaque ponctuelles propres à chaque leader d'armée. Là encore, la variété est de mise : on peut, selon les cas piéger le terrain, se soigner, pousser des unités dans le vide, invoquer des compagnons, etc.
Wargroove 1.5 ?
Ce qui pourrait passer pour une "simple" mise à jour de Wargroove avec davantage de contenu et de finition constitue en réalité une suite au potentiel pleinement accompli. Il n'y a rien de fondamentalement très nouveau dans cet épisode, mais tout ce qui paraissait un peu brouillon ou sommaire en 2019 apparait ici bien mieux calibré. C'est aussi la limite à laquelle je me suis heurté : ce qui ne fonctionnait pas très bien dans l'original ne fonctionne toujours pas très bien ici.
Chaque faction dispose ainsi de quelques unités redondantes ou assez inutiles en combat, sorti de quelques situations très scriptées. À l'inverse, certaines unités et commandants s'avèrent tellement puissants que les déployer sur le champ de bataille revient à gagner quasiment automatiquement. On retiendra par exemple l'unité des pirates permettant de capturer quasi instantanément n'importe quel bâtiment ennemi ET de recevoir de l'or en bonus, ce qui tend à déséquilibrer rapidement les batailles en vous permettant de spammer des unités à foison.
Je regrette également le côté toujours aussi horriblement prévisible de l'IA qu'il est assez simple de duper pour l'attirer dans des pièges parfois absurdes. Je le confesse, j'en ai régulièrement abusé, poussant des hordes de fantassins adverses à se précipiter dans un réduit minuscule habilement placé à portée de mon artillerie. Dans d'autres cas, c'est l'incapacité des armées antagonistes à ne pas foncer tout droit sur moi par temps de brouillard qui m'a frustré. Même dans des situations avantageuses comme celle-ci, les adversaires sont totalement incapables d'arriver à me tendre un piège un peu malin. Ce n'était pas très glorieux de triompher de la sorte, et j'aurais, occasionnellement, aimé que mes adversaires se défendent avec un poil plus de hargne.
Wargroove 2 a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch.
Wargroove 2 innove peu. Son statut de suite assez sage, voire de temps en temps un peu plan-plan, pourra frustrer les esprits les plus grognons. Cependant, en faisant le choix de la prudence, Chucklefish a consolidé ses bases de manière assez exemplaire et prouvé que sa série pouvait être davantage qu'un simple clone des jeux de stratégie de Nintendo. Loin d'être "juste" de la margarine d'Advance Wars ou de l'ersatz de Fire Emblem, la licence Wargroove compte désormais parmi les grands du jeu de stratégie. Vivement le troisième !
Les + | Les - |
- Consolide les bases posées dans le premier volet | - Toujours quelques soucis d'équilibrage entre les unités |
- La variété des missions | - L'IA parfois bien trop facile à duper |
- Le mode challenge, parfait terrain d'entraînement | |
- C'est toujours aussi beau |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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