Après avoir passé un peu plus de deux ans en early access, le survival horror Withering Rooms nous parvient dans une version complète beaucoup plus ambitieuse qu'elle n'en a l'air au premier abord. Un succès en partie dû à un rythme de progression et à un level design particulièrement bien pensés.
Il faut évacuer l'Elephant Man au milieu de la pièce : Withering Rooms n'a pas seulement un titre imprononçable pour un francophone. Il est aussi super moche. Genre, vraiment, c'est pas beau, ça bouge mal, c'est raide et marron et les personnages ont tous l'air d'être des poupées désarticulées. C'est la seule pilule à avaler avant de se lancer dans l'aventure, mais c'est une pilule assez grosse et assez désagréable en bouche. J'ai cependant vite appris à oublier cet aspect un peu dérangeant, voire à m'enticher de cette direction artistique épouvantable en ce qu'elle sert assez bien à mon sens le propos du jeu. Nous sommes en effet ici plongés dans un monde cauchemardesque peuplé de freaks et de créatures difformes rampant dans des sacs mortuaires ensanglantés. Un monde en cachant lui-même un second, sa version maudite répugnante et spectrale est encore plus immonde. Alors, je me suis rapidement pris au jeu, essayant par tous les moyens de faire progresser la jeune et pas si fragile Nightingale dans cet enfer nocturne. Et dégommant au passage des dizaines de créatures qui l'avaient (pour la plupart) bien cherché.
La pensée asile
Car oui, voici que vous incarnez Nightingale, une petite fille visiblement internée dans un manoir victorien répugnant, peuplé de médecins fous, de jardiniers sanguinaires et de spectres hurlants à la lune. Petite particularité : le manoir se situe dans un rêve dont il semble a priori impossible de s'extraire. Si Nightingale meurt, elle se réveille dans sa chambre, au point de départ, avec la carte du manoir partiellement effacée. Mais Withering Rooms n'est pas (tout à fait) non plus un roguelite qui vous ferait tout recommencer à chaque fois : la progression y est davantage pensée comme celle d'un metroidvania.
Car les différents lieux visités par notre héroïne, s'ils sont au départ inaccessibles et barricadés, s'ouvrent petit à petit à mesure qu'on débloque des clés, des mots de passe ou des raccourcis. Si chaque mort vous prive de l'essentiel de votre inventaire, de plus en plus d'objets "permanents" font le voyage d'une boucle à l'autre, auxquels s'adjoignent des objets "mémorisés" que vous pouvez progressivement choisir. En clair : quasiment toutes vos runs vont multiplier les armes, les armures, les objets de soins et les téléporteurs dans les poches de Nightingale, rendant l'exploration du domaine de plus en plus facile. Après quelques heures, vous vous réveillez à chaque fois avec une build de départ très solide vous permettant de dominer la plupart des situations ordinaires et ne vous faisant échouer qu'à la prochaine grosse difficulté inédite.
Il est ainsi rarissime de faire une run "pour rien" pendant l'aventure, vu le nombre conséquent de choses qui peuvent être améliorées dans vos futures parties. Il est ainsi possible de sauvegarder davantage d'objets (voire de payer pour les emporter tous à la run suivante), de débloquer des téléporteurs permanents, d'améliorer les statistiques de Nightingale, de récupérer des indices pour des énigmes, voire des objets permettant de zapper complètement ces dernières. Petit à petit, la chassée devient chasseuse. Des ennemis qui vous bousillaient votre barre de vie en deux coups au début de l'aventure font soudainement moins les malins quand vous vous réveillez dix boucles plus tard, avec un lance-flamme et des dizaines de trucs empoisonnés à leur balancer de loin. De plus, un système de craft assez généreux vous permet d'ajouter de manière assez fluide des moyens offensifs et défensifs à votre inventaire. Ces derniers pouvant, eux aussi, faire le voyage d'une boucle à l'autre si vous les mémorisez.
Menus et cortex
Le coup de génie de Withering Rooms se situe dans la manière dont le jeu va toujours vous orienter de manière fluide dans la bonne direction sans jamais vous enlever votre agentivité : on vous dit où regarder, et on ne vous mâche jamais le travail pour autant. Une petite prouesse rendue possible par l'excellent système de menu et de journal de quête qui vous accompagne pendant vos nuits cauchemardesques.
Vous avez besoin d'un item en particulier pour construire un élément ? Le bestiaire vous dit en deux clics quel monstre déjà vaincu peut le dropper. Vous avez besoin de vous rappeler l'intitulé d'une énigme d'ouverture de coffre ? Elle est résumée en bas de l'écran quand vous en avez besoin. Vous vous êtes paumés et vous arrivez dans une zone où vous ne devriez pas être ? La mini-map vous indique les passages secrets (portes dérobées et miroirs magiques) devant lesquels vous seriez passés et qui pourraient faire office d'issue de secours.
Tout ceci fait que Withering Rooms parvient à produire un labyrinthe complexe avec énormément de pièces et de PNJ qu'il faut apprendre à connaître et à comprendre, sans jamais devenir ni nébuleux ni frustrant. Il faut simplement faire preuve d'un minimum d'attention et savoir où aller retrouver les informations au bon moment. Je crois qu'en une quarantaine de runs, même celles où j'avais l'impression de ne pas progresser m'ont en réalité ouvert une nouvelle porte, donné un nouvel objet ou livré une nouvelle information. À chaque fois que j'ai eu l'impression de commencer à patiner, j'ai eu le déclic me permettant de progresser davantage.
Le jeu n'est pas sans défaut : il est un peu long pour son propre bien, et le problème de raideur des combats finit par agacer. Mais il multiplie les idées qui au départ semblent douteuses et qui s'avèrent à l'usage être particulièrement intelligentes. C'est le cas de la jauge de malédiction, par exemple. Parallèle à la jauge de santé, cette dernière est remplie par la peur, les attaques spectrales ou magiques. Si elle est pleine, Nightingale se met à dépérir ou à bénéficier de malus particulièrement handicapants. Mais la laisser juste assez haute transforme complètement la topographie du manoir, lui donnant un aspect encore plus affreux, mais révélant des passages secrets et des possibilités qui doublent quasiment la surface de jeu. C'est le genre de tour de passe-passe audacieux que je voudrais voir davantage que dans d'hypothétiques remakes de Silent Hill qui, vous le savez comme moi, ne s'annoncent pas très bien.
Withering Rooms a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 4 et 5 et sur les consoles Xbox.
Withering Rooms arrive à la fois à s'inspirer de grands classiques du jeu d'horreur allant de Resident Evil à Clock Tower, mais sans jamais tomber ni dans la redite ni dans la banalité. Avec sa montée en puissance bien dosée, sa courbe de difficulté harmonieuse et sa manière de vous accompagner sans vous mâcher le boulot, il prouve qu'il est encore possible de produire des jeux de maison hantée innovants et pertinents. Alors, bien sûr, cela vient avec un certain prix et certains sacrifices évidents : c'est assez vilain, ça bouge mal, et l'expérience est parfois un peu bancale et cabossée. Mais la somme des qualités de Withering Rooms surpasse de très loin celle de ses défauts. Ce titre me restera en tête comme une des très bonnes surprises d'une année 2024 qui, pour le moment, en manquait un petit peu du côté des productions de ce calibre.
Les + | Les - |
- Un survival horror à la progression bien pensée | - C'est quand même cheum |
- Le scénario, classique mais intéressant | - Les combats très raides sont souvent frustrants |
- La richesse du système de build et d'équipement | - C'est quand même un poil long pour ce que c'est |
- La courbe de difficulté très harmonieuse | - Hélas, pas de VF |
- Quelques jolies surprises dans le gameplay |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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