Dernier-né du label EA Originals, Wild Hearts est une tentative de réponse à la formidable série Monster Hunter de Capcom. Et oui, il va bien falloir parler de tentative, parce qu'autant tuer le suspense tout de suite : ça ne va pas du tout.
Je serais cynique, je dirais que le projet avait déjà un petit goût de bancal dès le départ. Electronic Arts a confié le développement de Wild Hearts à l'éditeur japonais Koei Tecmo, ayant lui-même missionné son studio Omega Force pour réaliser un jeu premium, vendu 80 €, avec un gameplay mélangeant Nioh, Monster Hunter et Fortnite. Le tout avec des éléments de craft, de RPG, des éléments de (petit) monde ouvert, un scénario ambitieux et des promesses de rejouabilité. Et si Omega Force est une société loin d'être peuplée de clowns et d'incompétents notoires, il s'agit d'abord d'un studio n'ayant jamais au grand jamais travaillé sur un projet de cette ampleur. Plutôt habitué des beat them all à licence (Hyrule Warriors, Dragon Quest Heroes, l'excellent, mais un peu vain Persona 5 Strikers…), Omega Force n'a eu qu'un seul projet s'approchant un tant soit peu de l'ambition du mastodonte de Capcom : les deux jeux de la série Toukiden, parus respectivement en 2013 et 2016. Ces derniers s'approchaient davantage des plus anciens épisodes de la série Monster Hunter : âpres, difficiles, pauvres en mise en scène et axés sur des systèmes baroques avec une courbe d'apprentissage très raide. Les voici donc aux commandes d'un projet autrement plus lourd, un jeu premium supposé être un des blockbusters de ce début d'année. Et non, vraiment, ça ne va pas.
Arrêt cardiaque
Le principal problème de Wild Hearts, et pas des moindres, c'est qu'à l'heure où j'écris ces lignes, quelques jours après la sortie du jeu, son développement n'est visiblement pas terminé. Pas moins de quatre patchs, parfois lourds de plusieurs gigas, ont tenté de corriger ce qui pouvait l'être dans ce qui s'apparente à une des expériences les plus injouables qu'un produit AAA ait livrée à son lancement depuis fort longtemps. Que vous ayez une console Xbox, une PlayStation 5, un PC à 1000, 1500 ou à 5000 €, c'est un peu le même tarif : lancer Wild Hearts dans son état actuel, c'est la roulette russe. Une fois ça va se lancer, une fois ça va planter. Parfois, vous aurez un jeu composé d'immonde bouillie de pixels tournant à cinq images par seconde, parfois le rendu va s'emballer et accélérer sans prévenir, mettant votre personnage dans le décor sans vous demander votre avis.
Et sur PC, rien de ce que vous seriez susceptible de trifouiller dans les options n'améliore pour le moment l'expérience. Le jeu tourne aussi mal, bugue et plante autant en configuration maximale qu'en "ultra low". Changer la résolution, jouer sur un autre PC, passer le jeu sur l'écran secondaire, mettre les pilotes à jour, faire le poirier en hurlant à la lune, désolé, mais ça ne changera rien à votre expérience de Wild Hearts : de temps en temps ça passe (un peu), souvent, c'est injouable (vraiment). À l'heure actuelle on ne parle même pas d'une série de bugs pénibles, mais récurrents auxquels on peut raisonnablement s'habituer, comme le seraient par exemple des ralentissements fréquents dans certaines situations identifiées. On parle bien d'un logiciel qui freeze aléatoirement, ferme le launcher d'EA sans prévenir ou encore refuse tout simplement de se lancer sans un reboot régulier de votre ordinateur.
Je n'ai aucun doute sur le fait que les développeurs de Wild Hearts travaillent actuellement d'arrache-pied pour terminer leur jeu, sans doute pas dans des conditions particulièrement enviables. Je n'ai aucun doute non plus sur le fait qu'il sera probablement plus agréable dans quelques mois. Ni, d'ailleurs, qu'il ne le soit pas déjà sur certaines configurations qui livrent pour le moment les quelques rares retours positifs que le jeu arrive quand même à glaner au milieu de dizaines de messages se plaignant des performances catastrophiques du produit. Voilà, j'aurais aimé vous parler davantage du fond de Wild Hearts, ou commencer par louer les qualités esthétiques de sa direction artistique ou l'inventivité de son gameplay. Mais il aurait été malhonnête de vous parler seulement du fond d'un jeu quand sa forme a toutes les chances d'être un mur de bugs hostiles à vous laisser jouer ne serait-ce qu'une heure sans crasher méchamment. Quant au fond de Wild Hearts, justement, il me semble soulever un autre problème, pas forcément moins grave.
Un rapport compliqué entre ambitions et moyens.
De manière évidente, la dernière production d'Omega Force a cherché à être une expérience généreuse, à la proposition assez intéressante. Loin d'être un simple jeu de chasse aux monstres de plus, le studio a souhaité renouveler la formule pour y ajouter beaucoup d'idées et de personnalité. Il ne se contente pas de transporter la formule dans un décor japonisant en transformant les rathalos en yokaïs et en onis, mais il propose une variation très astucieuse sur le thème de la chasse au monstre, en axant énormément son gameplay sur la préparation de son personnage, davantage que sur la traque elle-même.
Les deux idées principales de Wild Hearts, que j'aurais adoré adorer, tournent donc autour des améliorations de l'équipement de notre chasseur, gérées par un arbre de compétences assez bien ficelé, et de la possibilité de bricoler des objets de support. D'une part pour améliorer son camp de base afin de pouvoir y faire plus de choses, et d'autre part pour créer toutes sortes d'objets, de gadgets, voire de véhicules pour optimiser l'expérience de chasse. En pratique, le combat permet donc d'utiliser la palette de coups habituels d'un beat them all du genre, mais aussi de poser des pièges, d'utiliser des catapultes ou des machines infernales pour ralentir, distraire ou attaquer les monstres chassés. Il est également possible de construire à la volée des blocs permettant de modifier le terrain : caisses à empiler pour se jeter sur un ennemi depuis les hauteurs, tremplin pour se projeter en avant, etc.
Sur le papier, ça fonctionne hyper bien, en ajoutant de la stratégie, du dynamisme et (beaucoup) de verticalité à des affrontements qui sans cela ne seraient guère plus intéressants que ceux d'un Toukiden paru il y a dix ans. En pratique, on se heurte au fait que les performances générales du jeu sont complètement aux fraises… Et que ce super concept de combats dynamiques semble, lui aussi, avoir souffert d'un différentiel assez cruel entre les ambitions affichées et les moyens déployés.
Wild Hearts peine ainsi à aligner plus d'une vingtaine de monstres différents et à remplir ses (petits, mais jolis) biomes avec autre chose que des versions multicolores de trucs affrontés dès le début de l'aventure. Dès la cinq ou sixième heure de jeu, on se retrouve à taper exactement les mêmes ennemis qu'au début de l'intrigue, en version rouge ou bleue. Le genre de petite blague qu'un Monster Hunter ne déploie en principe que dans le endgame, après le générique de fin. Ajoutez à cela que la campagne, déjà monotone, se retrouve artificiellement ralentie par la nécessité de devoir refaire plusieurs fois les mêmes chasses pour arriver à produire des équipements au niveau, et vous avez l'impression de jouer à un jeu AAA vendu plein pot, qui ne possède finalement que la moitié, voire le tiers du contenu qu'il aurait aimé nous proposer avec davantage de moyens.
Wild Hearts a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et sur Xbox Series.
Je suis souvent assez satisfait qu'au Pixel Post, nous ne mettions pas de note chiffrée aux jeux que nous recevons pour ne pas avoir à me poser la question suivante : dois-je noter un jeu comme Wild Hearts sur ce qu'il est aujourd'hui, sur ce que ses développeurs auraient visiblement aimé qu'il soit, ou sur ce qu'il sera peut-être dans une quinzaine ou une vingtaine de patchs, le tout refourgué dans une édition deluxe à moitié prix ? Toujours est-il qu'aussi originale soit son approche de la formule Monster Hunter et aussi joli soit le potentiel que l'on devine sous tout ce fatras visiblement pas terminé, Wild Hearts ne mérite actuellement ni votre temps, ni votre argent, ni votre énergie.
Les + | Les - |
- L'univers est pas mal | - Ce jeu n'est visiblement pas terminé |
- Le concept aurait pu être super | - Exécution sans aucun rapport avec les ambitions affichées |
- Contenu finalement assez pauvre | |
- En fait je ne vais pas continuer à mettre des points négatifs parce que "le jeu ne fonctionne pas" est bien suffisant |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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