J’aime la BD. Bon, la BD franco-belge avant tout, mais aussi les comics américains qui font pour certains un très bon taf niveau dessins. Admirer le travail des dessinateurs, la façon dont ils représentent un paysage et comment ils le composent m’a toujours fasciné. Bref, même si je ne sais pas dessiner, j’aime les dessins. Donc en voyant sur Twitter en début d’année popper sur mon fil des images de Void Bastards, j’ai tout de suite été trigger. Ce Rogue-lite-FPS (et inversement) futuriste se présente tout en dessins finement créés et reprend l’esthétique chère à mon enfance, et même encore à ma vie d’aujourd’hui. Void Bastards est un jeu délirant, intelligent et très beau. Et je m’en vais vous expliquer pourquoi, bien que le Rogue-lite ne soit pas ma spécialité.
Annoncé en fin d’année dernière seulement, Void Bastards est le premier bébé du studio Blue Manchu. Un studio fondé par ni plus ni moins que Jonathan Chey, un des fondateurs d’Irrational Games avec Ken Levine et Robert Fermier. Irrational ne l’oubliez pas, ce sont les papas de System Shock et BioShock, tout simplement. Ces deux jeux, apprend-on sur le site officiel du studio, ont beaucoup inspiré la création de Void Bastards. Je n’ai pas joué à System Shock et très peu à BioShock donc je ne saurais le dire avec précision pour être honnête, cependant, j’ai quand même pu apercevoir également du FTL pointer le bout de son influence dans tout ce bazar.
Un joyeux bordel
Nous incarnons dans Void Bastards un prisonnier fraîchement réhydraté qui devra traverser la grande nébuleuse des Sargasses à bord d’une petite navette lancée par le Void Ark, le vaisseau amiral en quelque sorte, du jeu. Alors oui, un prisonnier réhydraté ça semble bizarre dit comme ça. En effet, le Void Ark transporte en son sein un sacré paquet de ces personnes peu recommandables, lyophilisées pour purger leur peine. Rogue-lite oblige, dès que notre personnage meurt, un nouveau est sorti de sa « cellule » et viendra le remplacer, avec de nouveaux traits de caractère. Il s’agit ici d’un tout petit aperçu de l’univers délirant dans lequel se situe Void Bastards. Entre ennemis stylisés au vocabulaire à ne pas mettre à portée des enfants, une IA britannique nous servant de mentor cynique, les noms des objets que l’on confectionne et autres situations ubuesques, Void Bastards nous plonge totalement dans son délire, et c’est avec délectation qu’on s’en empare et qu’on reste avec lui lors de nos runs.
Avec ses graphismes superbes et son ambiance sonore franchement réussie, Void Bastards nous prend directement après avoir lancé le jeu. Bien que ne réinventant pas la roue, le gameplay est extrêmement agréable, avec un feeling de FPS des années 90 (mais avec plus de FPS… d’images par seconde pardon). Et même si l’infiltration et la localisation des sons auraient pu être plus précises, on prend un sacré plaisir à explorer les épaves de vaisseaux que l’on croise sur son chemin et où l’on y combat les ennemis très vulgaires qui nous bloquent le chemin. Pas de doute, sur tous ces points Void Bastards s’en tire comme un chef et c’est un véritable plaisir !
Mais évidemment Void Bastards c’est plus que simplement les points que je viens de vous énoncer. Et c’est là dessus que je m’appuierai dorénavant. À mon sens son point le plus réussi est sa capacité à nous faire réfléchir, à planifier son chemin et à nous mettre rapidement les clés en main pour comprendre tout cela.
J’y vais ou j’y vais pas ?
Afin d’avancer dans cette nébuleuse peu recommandable peuplée de pirates, d’ermites affamés (les salauds) et de mines nucléaires, nous avons accès à une carte nous montrant l’équivalent d’environ 3 cases de mouvement pour notre vaisseau. En utilisant une dose de carburant, la navette peut effectuer le voyage vers un point d’intérêt parmi plusieurs choix de routes. Première réflexion donc : « Je veux arriver à peu près à ce point tout en évitant ces dangers là, par où est-ce que je passe et quel est le chemin secondaire que je peux emprunter s’il y a un problème ? »
Une fois sur ce point, en général une épave de vaisseau, nous avons accès aux informations concernant l’engin. Quels genres d’ennemis se trouvent à bord, en quelle quantité, quelles ressources on peut récupérer, est-ce qu’il y a des malus ou des bonus de terrain là dedans ? En fonction de ces infos, nous allons pouvoir réfléchir si on désire ou non aborder ce vaisseau pour l’explorer. On regarde sa barre de santé si elle n’est pas trop affaiblie (elle ne se recharge pas pendant l’exploration d’un vaisseau, sauf si celui-ci est équipé d’un terminal de soins), les éventuelles pièces dont on a besoin pour construire tel ou tel équipement ou encore si on se sent tout simplement prêt à éventuellement affronter les ennemis présents. Toute cette réflexion n’entraîne au maximum que deux clics de souris, nous empêchant de se perdre dans des menus secondaires trop nombreux ou des machins beaucoup trop fournis qui nous font tourner la tête dès la deuxième ligne.
Si la décision est prise d’accoster, on équipe son personnage en fonction de ce qu’on pense utiliser, comme un simple pistolet, un tire-seringues empoisonnées et un potit chat robot qui distraira les ennemis si besoin. Le personnage se retrouve ensuite dans un vaisseau aux pièces générées de façon procédurale. Évidemment tout finit par se ressembler au bout d’un moment mais c’est plus la disposition des salles qui est importante plutôt que l’aspect simplement « différent » de leur tronche. Bref. Une fois à l’intérieur, nouveau temps de réflexion. Nous avons accès à une map du coin, affichant les salles (salle du générateur, les quartiers d’habitation, les systèmes de survie, etc). Se dessine alors assez naturellement un plan dans nos têtes. « Hmm oui je vais passer à droite pour arriver plus vite au générateur afin de rétablir le courant pour ensuite aller pirater la sécurité ce qui me permettra d’accéder tranquillement aux coffres importants qui avaient besoin de l’électricité pour s’ouvrir ». Ce genre de réflexion c’est bien évidemment sur le papier. Car une fois en route tout ne se passe pas toujours comme on le souhaite.
S’engage alors un jeu du chat et de la souris entre nous, le joueur, les ennemis peuplant le vaisseau et le temps. Les munitions sont assez limitées en général sur nos armes et il faudra souvent privilégier la discrétion plutôt que l’affrontement direct, et se servir des éléments du vaisseau comme moyens de nous aider. Comme je l’ai dit plus haut, l’infiltration dans Void Bastards n’est franchement pas le point fort du jeu. S’il est possible d’éviter quelques ennemis par-ci par-là, il est courant qu’on se retrouve nez à nez avec un Maton tout grognon au détour d’un couloir (bon peut-être pas ceux-là j’avoue, ils font pas mal de bruit lorsqu’ils se déplacent et ils sont donc assez faciles à localiser mais vous avez l’idée). Jouer contre le temps apporte une nouvelle couche dans la difficulté et la nécessité de s’adapter. Les vaisseaux disposent, en moyenne et sans bonus ou malus quelque part, d’une dizaine de minutes maximum de temps d’oxygène avant que le personnage ne meure asphyxié. La salle des systèmes de survie permet bien de se réapprovisionner un peu mais encore faut-il l’atteindre.
Une boucle de gameplay récitée et maîtrisée
Bon, qu’on tire dans le tas (la fameuse « Noodles way ») ou qu’on évite un maximum de monde, imaginons qu’on ait fini de looter le vaisseau. On revient en vie, tout va bien et on fait le décompte de tout ce qu’on a récupéré avant de repartir pour de nouvelles aventures, encore et encore, jusqu’à nous enfoncer plus profondément dans les strates de difficulté de la nébuleuse.
Tout se joue donc sur la répétition. On répète le même schéma de réflexion tout au long de notre avancée, on répète les séances de loot dans les vaisseaux, on répète les combats contre des ennemis parfois excessivement énervants, etc, etc. Dans mon avancée, je me suis dit à un moment que le jeu était très répétitif justement. Que j’en avais un peu marre d’accoster des vaisseaux pour faire la même chose. Que bon, c’est bien sympa tout ça mais j’aimerais avoir le sentiment d’avancer quand même un peu dans l’espace.
Mais ces interrogations venaient surtout de ma méconnaissance des Rogue-lite et d’une compréhension encore incomplète de Void Bastards. Le titre de Blue Manchu est finalement très adapté aux petites sessions de jeu. À la manière d’un Zelda BOTW (seul exemple qui me vient en tête avec cette idée mais je suis sûr qu’il y en a plein d’autres), même si on a l’impression de ne pas avoir fait grand chose, on a quand même fait quelque chose. On s’est rapproché, même subrepticement, de la fin de la nébuleuse, on a looté des ressources qui nous permettront de tenir plus longtemps et d’aller encore plus loin à la prochaine session, on a appris une nouvelle stratégie, on a de nouvelles envies… Et on quitte souvent le jeu avec cette impression gratifiante d’avoir rendu sa vie plus facile la prochaine fois qu’on le lancera.
Pour des joueurs invétérés de Rogue-lite ce que je dis ne leur fera peut-être ni chaud ni froid. Mais pour moi, petit nouveau dans le milieu, comprendre ces mécanismes spécifiques qui poussent à y revenir et à essayer d’avancer le plus loin possible avant de perdre mon personnage (ce qui arrivera inévitablement même si j’ai pu faire une run beaucoup trop longue avec Lee, RIP petit ange), ça a été une révélation. Une révélation sur la capacité de Blue Manchu de nous pondre un Rogue-lite accessible, détaillé et foisonnant de possibilités. Et surtout une révélation pour moi en tant que joueur, qui me dis que si les cartes me sont aussi bien distribuées que dans Void Bastards et que mes capacités de réflexion, pas dans les plus hautes du monde je l’avoue, suffisent amplement à apprécier le contenu, alors je peux très bien me plonger avec plaisir dans ce genre de jeux qui ne m’attirait vraiment pas du tout avant.
Void Bastards a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur
Vous l’aurez donc bien compris, Void Bastards arrive à faire passer ses quelques points négatifs au deuxième, voire troisième plan tant ses possibilités et sa construction générale sont réussies et plaisantes. Je n’aime pas trop me prendre la tête sur mes jeux vidéo (cassez-vous Picross et les jeux tableaux Excel) mais ici j’ai pris beaucoup de plaisir à essayer de planifier mes actions même si au final elles étaient vouées à l’échec. Void Bastards est un excellent jeu qui s’installe bien confortablement et sans condescendance sur l’armoire des éventuels prétendants au GOTY des indés pour 2019. Je pense que même pour les amateurs de Rogue-lite, son mélange des genres devrait leur plaire ou tout du moins piquer leur curiosité.
Benjamin "Noodles"
Faire des jeux de mots c’est mon dada. J'aime bien tous les jeux aussi. Sauf les mauvais ou ceux qui nous prennent pour des glands.
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