MrDrNose, développeur indépendant, est un sacré farceur. Il a beaucoup aimé Signal Simulator, jeu sorti en 2018, inspiré par le SETI (Search for Extra-Terrestrial Intelligence), ces projets scientifiques qui visent à détecter des traces de vie extraterrestres en passant l’espace au peigne fin. Il a donc décidé d’en faire sa propre version… avec un petit twist.
C’est un trou de verdure où chante une rivière, comme disait l’autre. Mais cette fois, la verdure est parsemée de stations de télécommunications spatiales et de paraboles de métal qui dominent la cime des sapins. Le nouveau résident de ce parc national, perdu au fin fond des montagnes suisses, c’est nous : le Dr Kel, astrophysicien tout juste diplômé, cheveux gras en bataille, valises sous les yeux et regard blasé ; un astrophysicien, quoi. Sa mission est simple : scruter le ciel chaque jour pour y découvrir des signaux, les télécharger, les traiter, puis les envoyer au Dr Bao, son supérieur, qui le récompensera avec une poignée de crédits. Ces derniers permettront d’acheter de la nourriture et toute une flopée d’objets plus ou moins utiles, allant de la machine à café aux posters, en passant par des plantes vertes et… un pied de biche ? Des peluches ? Une combinaison hazmat ?!
À chaque jour suffit sa peine
Le ton est donné dès notre arrivée dans la vallée, avec pour seule possession une valise contenant tout ce qu'il faut pour passer un super moment à la montagne : un diplôme, une ration de survie et un rouleau de papier toilette. On demeure désespérément seul, toute communication avec l’extérieur se faisant par e-mail. La détection et récupération de signaux passe par plusieurs manipulations, avec lesquelles il faudra se familiariser : trouver un signal, le verrouiller, déterminer sa fréquence, puis attendre que les données se téléchargent, avant de l’enregistrer sur un disque dur, que l’on enverra par drone à notre supérieur.
Chacune de ces étapes se fait directement en jeu, en manipulant boutons, disques et potards sur notre console via le moteur physique. La procédure parait complexe, mais se prend en main rapidement et, très vite, on manipule les boutons avec aisance, jongle avec les disques durs, et on se prend pour un véritable chasseur de signaux spatiaux. Jusque-là, tout va bien.
Chaque jour, le Dr Bao nous demandera également de partir en quête de trois codes, délivrés par les antennes radio qui encerclent la base, avant de les recopier dans un carnet et de les lui envoyer. On possède heureusement un petit quad, qui nous attend sagement dans le garage de la base, et qui facilitera grandement nos excursions à l’extérieur, malgré le fait qu’il dérape encore plus qu’un oncle ivre pendant un repas de Noël.
Ajoutons à cela la présence de trois générateurs électriques, situés aux extrémités de la carte, qui ont la fâcheuse tendance de perdre en puissance bien trop rapidement. Si un seul d’entre eux lâche, c’est la catastrophe : plus de lumière, plus d’informatique, et donc plus de signaux. Mieux vaut garder un œil attentif sur l’état de chacun d’entre eux, grâce à une console bien pratique, capable de délivrer de nombreuses informations sur l’état de nos équipements.
Précisons aussi que chaque antenne possède son propre serveur, qui peut tomber en panne, et qu’il faudra aller rebooter sous peine que le téléchargement des signaux ne se fasse à vitesse d’escargot. Pas facile, la vie d’astrophysicien. Mais jusque-là, tout va toujours bien.
Pimp my base
Les premiers jours à la base se passent dans la quiétude et la découverte : il va falloir prendre possession des lieux, se familiariser avec les mécaniques et, surtout, la nettoyer des hectolitres de déchets qui la jonchent, nettoyer les murs et les sols, puis réaménager les différentes pièces, pour lentement commencer à se sentir chez soi. Entre la détection des signaux, la récupération de codes et le grand ménage de printemps, tout en gérant sa faim et son sommeil, on n’a que peu de temps pour s’ennuyer.
Les crédits accumulés permettent de se faciliter la vie, en accélérant la vitesse de téléchargement des signaux, en automatisant certains processus, ou même en commandant un robot qui ira réparer les serveurs défectueux à notre place. On finit par se sentir bien dans cette base de béton gris décrépi : on y prend ses marques, on installe des tapis et des fauteuils, pour en faire un petit cocon confortable. Qu’est-ce qui pourrait mal se passer ? Jusque-là, tout va b… euh ? Qu’est-ce que c’est que ce signal ? « Help us, everyone is dead » ?
Car le voilà, le twist : si Voices Of The Void ferait simplement un excellent jeu de simulation de signaux spatiaux, il ne s’arrête pas là. Tout le sel est ailleurs. Au fur et à mesure que les jours passent et que l’on apprend à traiter les signaux, ces derniers nous donnent de plus en plus d’informations : image, texte et son, qui la plupart du temps ne sont que des souffles ou des grésillements typiques de ce que l’on attendrait d’un signal intercepté depuis un astre lointain.
Et puis… on découvre autre chose que des planètes : des formes étranges, des vaisseaux triangulaires, des sons étrangement similaires à des conversations, des images de notre propre base, prises depuis l’extérieur. Comme si quelqu’un nous observait à chaque instant. Et ces mannequins en bois, qui trainent dans la base depuis notre arrivée… où sont-ils passés ? Est-ce que celui-ci ne vient pas de bouger ?
L’œil était dans la base et regardait Kel
On entend des pas, des cris, on fait des rêves étranges, et des graffitis ésotériques se dessinent sur le mur de la base. Petit à petit, une ambiance de paranoïa se met en place : à force d’étrangetés, de petits événements inexplicables durant la nuit, on finit par avoir peur d’ouvrir la moindre porte, on sursaute dès qu’une touffe d’herbe crisse dans notre dos, on va se coucher terrifié en espérant que rien n’arrivera cette nuit. Bien sûr, il est possible de se barricader dans la base, de verrouiller les portes, d’effectuer toutes ses tâches quotidiennes de jour pour ne jamais sortir une fois le soleil couché. Mais ce serait passer à côté d’une grande partie de ce que Voices Of The Void a à offrir, car la vallée entière regorge de secrets et d'événements inquiétants.
Dans la base, un radar scanne constamment la zone et retransmet en temps réel les entités qu’il y détecte. De petits points rouges sur une carte grisâtre, qui apparaissent et disparaissent constamment. Cette entité, apparue au sud-ouest pendant la nuit… est-ce que c’était un animal sauvage ? Un cerf ? Ou autre chose ? Est-ce que je devrais m’y rendre pour investiguer, sans savoir ce que je vais y trouver ? Ou bien y placer une caméra, pour pouvoir observer la zone au chaud, depuis mon ordinateur ? Est-ce que je viens d’entendre des coups frappés dans la ventilation ?
Certaines zones de la carte évoluent également au fil des jours, révélant de troublants secrets si l’on se donne la peine de les chercher, parfois à l’aide d’équipements spécifiques qu’il faudra se procurer. Une seule partie dissimule des dizaines de mystères, dont certains n’ont qu’une infime chance aléatoire de se déclencher, et d’autres n’ont probablement toujours pas été découverts. Il y a tout un lore derrière tout ça, développé petit à petit par MrDrNose, au fil des mises à jour : un background parfois sérieux et... parfois totalement absurde. (J'avais prévenu que c'était un farceur).
Voices Of The Void instille la peur sur le temps long. Il nous laisse le temps de prendre nos marques, de nous installer dans une routine confortable, avant de la perturber petit à petit avec des anomalies et des événements surprenants. Il peut parfois se passer plusieurs jours sans que rien ne se passe ; alors, notre attention diminue, la confiance s’installe… jusqu’à la prochaine bizarrerie. C’est une peur double : celle de tomber nez à nez avec un alien, juste là, dans les montagnes suisses, mais aussi la terreur écrasante de ce ciel étoilé qui nous domine, et dont on s’évertue à ne gratter que la surface.
Ce n’est pas un jeu fait pour les nerveux, ceux qui aiment l’action, ou qui veulent du jumpscare derrière chaque buisson. Il est avant tout un simulateur de recherche de signaux spatiaux, et les événements sont là pour instiller un malaise, une peur constante que quelque chose surgisse. On finit par être autant effrayé par sa propre imagination que par les vrais événements qui fleurissent autour de nous. Mais il faut bien remplir sa mission du jour, alors on continue de travailler, malgré la trouille. Oh, et, conseil d’ami : évitez de laisser votre barre de fatigue descendre trop bas. Qui sait ce qu’il pourrait se passer.
Voices Of The Void a été testé sur PC.
Encore en pre-alpha, Voices Of The Void est mis à jour régulièrement, avec toujours plus de contenu et de changements graphiques ou environnementaux. Il a néanmoins déjà beaucoup à proposer, et la formule de base est là, aussi efficace qu'effrayante. Un très chouette jeu de simulation, pour tous ceux que l’immensité de l'espace fascine, ou qui aiment jouer à se faire peur.
Les + | Les - |
- Des sons et graphismes inspirés des classiques du moteur Source | - Un rythme très, très lent, qui déplaira à certains |
- Une boucle de gameplay solide et une ambiance très travaillée | - Le jeu est en pre-alpha, et tout peut changer du jour au lendemain |
- Un moteur physique qui permet d’interagir avec son environnement… | - … au risque parfois de tout foutre en l’air avec une mauvaise manipulation |
Koroviev
J'aime l'Eurojank en tous genres, de Stalker à Gothic. Amateur de jeux grisâtres pour dépressifs et d'Immersive Sims, mais avant tout de Half Life 2.
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