Quelques années après le remarquable Prodigal, le studio Colorgrave revient avec Veritus un Zelda-like à l'ancienne, très tourné vers la résolution de puzzles. Pour l'essentiel, ça fonctionne plutôt bien, mais l'expérience est un peu gâchée par un level design légèrement laborieux et une narration trop souvent défaillante.
Après quatre ou cinq heures de jeu, je referme Veritus avec une idée assez floue de ce dont il est question dans cette histoire. Pourtant, j'ai été accompagné dans mon expédition dans un temple maudit par des dizaines et des dizaines de pâtés de textes déclamés par une foule de personnages différents et de codex mystérieusement éparpillés toutes les deux salles (c'est quand même bien fait, les jeux vidéo). Mais rien à faire, j'ai eu d'immenses difficultés à comprendre qui j'étais, ce que je fichais là, à quoi me renvoyaient les flashbacks (nombreux) de l'aventure. Si j'en parle dès les premières lignes de cet article, c'est parce que c'est, au fond, assez dommage, mais pas bien important pour ce type d'œuvre. Ok, Veritus raconte un peu n'importe quoi, et souvent pas très bien, mais c'est aussi un jeu bourré d'idées qui vaut la peine d'être parcouru pour peu qu'on aime se creuser les méninges.
Sésame Mucho
Le fond de l'affaire, au fond, n'est pas tant de savoir ici qui sont les gens qui vous accompagnent dans votre expédition en terre inconnue. Ni même de savoir si vous poursuivez le fantôme de votre fille disparue et kidnappée par une entité divine maléfique. L'idée, c'est quasiment toujours : je dois progresser dans ce donjon, et la prochaine porte est fermée. Et au bout d'un moment, j'arrive dans le biome suivant.
Et donc, pour atteindre la porte fermée, je dois attraper une clé ou un dispositif similaire. Et pour atteindre ce dispositif, je dois explorer un mini-labyrinthe. Et au bout de ce labyrinthe, je dois résoudre une énigme à base d'interrupteurs. Puis refaire le chemin en sens inverse, armé d'un nouveau pouvoir me permettant d'explorer plus vite, plus loin, plus efficacement. Non sans, bien entendu, massacrer au passage tous les rats, zombies et monstres qui passent.
C'est une idée aussi vieille que le jeu vidéo, qui était déjà presque classique au moment de la sortie du tout premier The Legend of Zelda en 1986. Et qui ne faisait qu'appliquer des concepts déjà présents dans Wizardry, Faxanadu ou Ultima. Difficile alors de renouveler la formule. Mais Veritus a une excellente idée : ne rien révolutionner du tout. C'est peut-être ce côté ultra-confortable qui m'a séduit pendant une bonne partie de la quête, au fond.
Vilain crafteur
En effet, Veritus, c'est une gigantesque paire de pantoufles. Des énigmes à base de grappin ? Check. Des blocs à pousser dans le bon ordre ? Check. Des boss à pattern qui remplissent la moitié de l'écran et vulnérables uniquement sur un unique point faible ? Double check. Si vous avez un peu de bagage en termes d’action-RPG, vous avez probablement déjà joué à chaque élément du jeu de Colorgrave.
Mais ce qui fonctionne assez bien ici, c'est l'assemblage plutôt harmonieux de l'ensemble. Les environnements traversés sont variés, les énigmes plutôt bien conçues, et l'aventure récompense énormément la curiosité et l'exploration. Le dosage de la difficulté est d'ailleurs assez fin, de même que les secrets du jeu, planqués de manière astucieuse dans le donjon sans pour autant être hors d'atteinte sans une solution sur les genoux. On note même quelques pointes d'audace dans quelques séquences dans lesquelles l'on incarne un autre personnage au gameplay assez différent. Bref, ça fonctionne parce que ça applique une recette vieille comme le gaming à la quasi-perfection.
Cependant, et même si on oublie assez vite cette histoire de scénario complètement abscons, Veritus montre aussi quelques limites un peu irritantes qui l'empêchent d'être tout à fait confortable. J'ai par exemple regretté que la progression de l'équipement du personnage principal soit liée à un système de craft relativement incompréhensible. Ou encore que la collecte de nourriture soit liée à un mini-jeu assez répétitif et finalement pas très gratifiant.
Manque de relief
À plusieurs reprises pendant l'aventure, je me suis trouvé ralenti, voire temporairement bloqué, parce que malgré le dégueulis de texte (qui n'est pas sans rappeler un certain Hunt the Night), Veritus oublie de donner des informations assez basiques de type "comment marche le système de forge", "quels sont les effets de la nourriture", "à qui donner tel artefact"... Ou pire : à ne pas expliquer clairement les possibilités offertes par tel ou tel upgrade.
Il m'est ainsi arrivé à plusieurs reprises de me heurter à des murs de difficulté complètement artificiels, m'empêchant de progresser juste parce qu'une mécanique simplissime n'était pas expliquée de manière claire. Il me semble que Colorgrave a structuré son aventure en partant du principe que reprendre une bonne partie, voire la quasi-totalité des mécaniques de Prodigal suffisait amplement à faire acte de tutoriels. Sauf que tout le monde n'a pas joué à ce titre, dont Veritus est la suite spirituelle, voire carrément une version 2.0.
Tous ces petits défauts empêchent un peu ce titre de trouver son rythme de croisière et hachurent un peu la progression. J'aurais apprécié passer davantage de temps à tabasser des boss impressionnants et un peu moins de temps à comprendre que oui, le grappin peut passer au-dessus d'une caisse pour attraper un objet au loin et switcher de place avec le personnage. C'est d'autant plus dommage que quand Veritus fonctionne, il fonctionne vraiment bien, et flirte avec les mêmes feelings d'exploration qu'un The Legend of Zelda: A Link To The Past. Il se prend juste trop souvent les pieds dans le tapis pour qu'on ne le remarque pas un peu. D'autant plus que pour dénicher 100% du contenu du jeu et pas juste rusher vers la conclusion "normale" de l'aventure, il faudra compter une bonne dizaine d'heures. C'est un poil trop long au regard de la teneur de l'expérience.
Veritus a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Pour son troisième jeu, le studio Colorgrave confirme à la fois son savoir-faire en matière de pixel art 2D et de construction de donjons, mais aussi les limites de son dispositif. Les quelques marques d'identité forte du titre se situent dans son côté verbeux, qui passent vite à la trappe. Je suis un peu embêté, au fond, parce que les quelques défauts que je pointe ont tous traits au fait que Veritus fait très bien des choses très classiques. Je pense que si je ne m'étais pas enfilé des dizaines d'aventures similaires dans ma longue histoire de gamer, tout ceci aurait un peu moins eu un goût de renfermé. Si vous avez envie de découvrir les mécaniques du genre de l'action-aventure 2D, c'est sans doute une excellente initiation. Sinon, c'est peut-être un peu chiche.
Les + | Les - |
- Pixel art très joli | - Le level design pas toujours passionnant |
- Mécaniques classiques mais fonctionnelles | - Scénario assez brouillon |
- Quelques séquences originales remarquables | - La progression est un peu irrégulière |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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