Le postulat de base de Undead Inc., c'est une sorte de Umbrella Corporation simulator. Un aspect recherche médicale dénuée d'éthique la plus élémentaire, adossé à une gestion financière visant le profit maximal. Mais ici, le jeu cherche à se démarquer encore plus en ajoutant au dosage du roguelite et de la stratégie. Effets indésirables : un manque de profondeur et une gestion pas franchement bien pensée.
L’industrie pharmaceutique est un monstre économique, et la force de frappe de ses groupes d’intérêts (la version française de lobbies), particulièrement aux États-Unis, n’a que peu d’équivalents. Cependant, et ça va décevoir nos "amis" complotistes, il n’existe pas, aux dernières nouvelles, de grand projet visant la domination mondiale par la création de mutants ou l’expérimentation à grande échelle sous couvert de vaccination. Le cynisme des grands groupes pharmaceutiques s’arrête, pour l'instant, à l’accumulation de profits toujours plus importants, ce qui est déjà bien assez problématique comme ça quand on parle de produits liés à la santé et au bien-être humain.
Homéopathie vidéoludique
Dans Undead Inc., la gestion de la filiale de Endwell Medical se fait également avec cette idée bien établie d’accumuler un maximum d’argent, quitte à vendre des médicaments aux effets secondaires douteux, voire problématiques, mais ça va aussi un peu plus loin que ça. Je ne suis pas dans les petits papiers de Sanofi (par exemple), mais je ne crois pas qu’ils travaillent sur une arme bactériologique à vendre à divers groupes obscurs ou même le développement d’une technologie mécanique avancée. En tant que directeur de filiale, ça fait pourtant partie de nos options pour engranger du dollar en masse. Afin de jongler entre tout ça, Rightsized Games nous propose un jeu de gestion, que le studio revendique comme une sorte de Fallout Shelter qui rencontre Two Point Hospital. Sauf que l’on n’y retrouve ni la simplicité du premier, ni le fun du second et si Undead Inc. a des points forts, le jeu est hélas contaminé par un paquet de soucis.
Franchement, je commence à peine à entamer le cœur de la critique et je suis déjà dans la déception. Je ne suis pas un grand fan de la saga Resident Evil, encore moins de zombies, mais je trouvais le principe de base de Undead Inc. très intéressant. Cette volonté de partir de la gestion et ne pas seulement ajouter des couches supplémentaires, mais de vraiment les incorporer dans la manière même de gérer notre entreprise. Un peu comme Frostpunk, qui met aux prises avec de lourdes décisions morales ou Dungeon Keeper, qui place du côté des forces du Mal ou Against the Storm et sa part d'aléatoire. Tous ont un aspect gestion, mais flirtent avec d'autres genres, et ils le font avec succès. Undead Inc., moins.
Le titre de Rightsized Games cherche pourtant à bien faire dès le départ en proposant un scénario tutoriel. On y apprend les bases : le personnage central du directeur (que l'on pourra ensuite choisir parmi plusieurs profils selon les caractéristiques que l'on préfère) doit lancer une filiale de Endwell. On se met donc à créer un cabinet médical, une pharmacie et un laboratoire pour lancer sur le marché nos propres médicaments, avec des effets secondaires possiblement un peu gênants du genre… zombification. Une fois les premiers profits obtenus, le jeu nous fait faire nos premiers pas dans l'illégalité avec le marché noir pour faire rentrer encore plus d'argent, avant d'enfin nous montrer la procédure d'exfiltration, permettant de partir avec la caisse et l'expérience accumulée. Le souci de ce tutoriel, c'est qu'il s'arrête trop tôt. Il manque les détails sur plein d'éléments qui apparaissent pourtant vite comme vitaux quand on avance dans Undead Inc. : comment ne pas trop attirer l'attention de la police, des médias et de l'opinion publique, la progression de la recherche et l'analyse des stocks de médicaments et autres produits que l'on crée, les technologies avancées et leurs effets, etc.
Exit tout cela, on est donc lancés. Soit dans le mode carrière, avec un total de 4 missions à achever, soit dans le mode scénario, qui propose 3 défis aux conditions de victoires spécifiques. Cela semble peu, mais en réalité, on échoue pas mal (bon d'accord, moi, j'ai pas mal échoué), ce qui fait qu'on se retrouve souvent à rejouer. Encore une fois, ce souci d'écart entre ce que le tuto nous montre et ce qu'il faut faire ensuite me paraît trop grand, peu importe le mode de jeu. Alors, j'ai cru un moment que ça allait être compensé en voyant dans le menu un onglet "base de connaissances" qui s'attarde sur les différents points abordés dans le jeu. Sauf que c'est tourné sous forme de lore, plutôt que de revenir précisément sur comment ça fonctionne quand on joue. Il va falloir tâtonner et le jeu peine à rendre ça agréable.
Tracé plat
Pourtant, encore une fois, Undead Inc. propose des éléments prometteurs. Par exemple, j'ai trouvé ça audacieux de ne pas se contenter du médical et d'aller chercher aussi du côté de la fabrication d'armes et de technologies de pointe. Au niveau des idées intégrées dans le jeu, on a également le principe de l'extraction en gardant une base de ce qu'on a eu précédemment pour relancer une nouvelle filiale, ce qui devait rattacher au côté roguelite. Ou encore la mécanique de suspicion du personnel quant aux activités de notre filiale, obligeant à une gestion minutieuse des membres de l'équipe.
Le jeu ne manque donc pas de concepts, mais la concrétisation échoue presque à chaque fois. Prenons par exemple le marché noir et comment on gagne de l'argent. Afin d'engranger des profits, on commence par gérer honnêtement notre petite filiale avec les bases que j'ai indiquées plus haut dans la critique. Mais ça ne rapporte pas assez, d'où le passage obligé par le marché noir. Pour y accéder, il faut mettre en place un centre logistique et y affecter un personnel administratif pour le superviser. Une fois cela fait, c'est bon, vous avez accès au marché noir et les contrats qui vont avec. Sauf que plusieurs contraintes apparaissent. Déjà, il faut installer le centre logistique en sous-sol, au risque de croiser un gang qui occupe le terrain et va vous fusiller le pauvre employé envoyé pour checker le terrain. Ensuite, il faut que l'employé affecté au centre logistique soit dans la salle, sans quoi impossible de voir les contrats disponibles, sauf que les employés ont une nette tendance à faire beaucoup TROP de pauses. Enfin, la police va soudainement être alertée de vos activités et de manière parfois hasardeuse (sans qu'elle ait un niveau de suspicion élevé) se mettra à tirer sur des membres de votre personnel ou à les arrêter.
Une illustration symptomatique de ce qui ne fonctionne pas dans Undead Inc. avec une idée prometteuse, une explication pas très claire, et en bout de course un concept qui foire. Soit parce qu'il ne va pas assez loin, soit parce qu'il est frustrant ou fonctionne mal. J'espérais aussi, mais là, c'est sûrement que moi, une dimension de dénonciation politique, de la critique de "Big Pharma" justement ou qui ferait le parallèle de l'extraction avec les parachutes dorés ou les problématiques des franchises, mais rien de tout ça. En parlant de trucs qui ne fonctionnent pas, j'en profite pour préciser que j'ai eu le droit à quelques crashs, y compris après la sortie officielle. Mais le studio a l'air de lire les retours (la note Steam est en "plutôt négative" à l'heure où j'écris) et ont déjà annoncé travailler sur les corrections pour ce point précis.
Finissons quand même sur les classiques : la DA et le son. Côté visuel, c'est donc des graphismes à la Fallout Shelter, avec une vue de côté et de la profondeur, plutôt agréables à l’œil, sauf qu'on est souvent situés soit trop loin, soit trop près de ce qui se passe, ce qui se révèle assez frustrant lorsqu'on doit cliquer sur un membre de notre personnel ou sur un endroit en particulier. Pour ce qui est du son, rien à redire sur les musiques et l'ambiance sonore globale, par contre, les alertes, il y en a trop, pour tout, et si vous vous retrouvez dans une situation problématique, typiquement des contaminations et en même temps la police qui attaque votre personnel et aussi des productions en attente, les alertes sonores s'enchaînent. Des petits détails, mais cumulés avec tout le reste, ça peut vite rendre le tout insupportable.
Undead Inc. a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
Undead Inc. est, semble-t-il, le premier jeu de Rightsized Games, alors forcément, un peu d'indulgence. Mais j'ai été à la fois déçu et frustré par les décisions prises et ce qui devait réunir gestion, fun, profondeur de gameplay et rejouabilité, avec en fond une critique de l'industrie pharmaceutique, ne tient presque aucune de ses promesses. Des mises à jour et patchs successifs pourraient venir rectifier le tir en partie, notamment sur les crashs (j'espère) mais pour le moment, je déconseille.
Les + | Les - |
- Un concept original... | - ...mais mal appliqué |
- Une gestion à plusieurs niveaux | - Ne va pas au bout de ses idées |
- Prise en main laborieuse | |
- Des airs d'early access et déjà un DLC ? |
Veltar
Joueur de jeux vidéo qui aime la politique. Du coup j'écris surtout des trucs qui parlent des deux. Stratégie, Outer Wilds, Metal Gear Solid et indés en pixel art.
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