Près de trois ans après le très rigolo et déviant Zelda like Turnip Boy Commits Tax Evasion, le studio Snoozy Kazoo est de retour avec une suite, Turnip Boy Robs a Bank. Une suite dans laquelle le terrifiant P'Tit Navet va donc profiter de la guerre civile au royaume des légumes pour percer les coffres de la réserve d'or du coin. Et on dit que les jeux vidéo n'ont pas de bons scénarios !
Si la sombre affaire d'évasion fiscale de notre gentil bulbe était un tant soit peu restée dans les mémoires, c'est davantage via quelques galéjades bien senties (et un sacré sens du shitpost) que grâce à son gameplay. En effet, ce dernier était plutôt approximatif et truffé de petits problèmes irritants. Et avec une durée de vie de 2 ou 3 heures pour un prix de 15 €, ça faisait un peu cher de la blague. Je dois dire que l'arrivée d'une suite aux aventures de Turnip Boy me surprend un peu, car je ne voyais pas bien ce qu'il y avait à ajouter là-dedans. Cependant, les développeurs du jeu ont fait un choix plutôt malin, en changeant complètement de registre. Adieu le Zelda like, bonjour le roguelite frénétique. Un choix à double tranchant, néanmoins : l'aventure est encore plus approximative, la blague encore plus condensée, et les défauts de l'expérience n'en sont que plus saillants.
Carotter l'oseille
Turnip Boy Robs a Bank, contrairement à son prédécesseur, ne s'embarrasse pas vraiment d'une tentative de scénario élaboré. C'est la guerre au pays des légumes, du coup tout est chaotique, et un cornichon demande à Turnip Boy de braquer une banque, et voilà, c'est ça, c'est le contexte. Cependant, le ton très particulier et, osons le dire, le sens des conneries balancées au hasard par des fruits anthropomorphes est toujours là. On croise des bananes, des cerises et des tranches de melon qui nous sortent des calembours idiots et nous racontent des âneries dans ce qui ressemble à une grosse blague de toute fin de soirée. Un boss fight où le boss pollue l'écran avec des vidéos de shitpost de slime ou de savon comme si on était dans les tréfonds de TikTok, ça reste rigolo.
Globalement, ça marche assez bien, pour peu qu'on soit perméable à ce type de registre. En tout cas, ça marche sur moi : tabasser des policiers représentés par des tranches de bacon, intégrer une secte de champignons paranoïaques ou écouter une banane m'expliquer pourquoi elle bloblote dans un bol de gelée, c'est totalement mon délire. Si ce n'est pas le vôtre, ça pourrait vous fatiguer assez vite dans la mesure où Turnip Boy Robs a Bank fait davantage dans la quantité que dans la qualité.
Au pire, il sera toujours possible d'esquiver ou de zapper une bonne partie des dialogues pour se concentrer sur le fond du gameplay, proposant de braquer le même donjon encore et encore en améliorant progressivement votre expérience. Une proposition abrutissante, mais pas forcément dans le pire sens du terme, après tout, un roguelite est un roguelite.
Are you radis to rumble ?
Turnip Boy Robs a Bank comporte un unique donjon, explorable qui plus est en temps (extrêmement) limité. Moins de trois minutes après avoir commencé à braquer la banque servant de terrain de jeu, vous devez vous extraire illico pour fuir les forces de police du coin. Si vous en ressortez en vie, vous gardez le pognon, sinon, vous repartez les poches quasi vides.
Au début de l'aventure, l'essentiel des portes de la banque sont fermées, votre équipement laisse à désirer et la progression est horriblement laborieuse. Tout le jeu repose sur une mécanique assez classique : l'argent récolté pendant une run vous permet d'améliorer vos armes, votre barre de vie, le taux de drop des objets rares, le temps que vous pouvez passer dans la banque et ainsi de suite. Et comme chaque partie est extrêmement courte, la boucle de gameplay ne perd jamais en nervosité. L'aventure est grosso modo découpée en chapitres, chaque section de la banque s'achevant sur un boss qui vous débloquera des raccourcis ainsi que de nouvelles zones, pour rendre l'exploration plus rapide.
C'est sans doute l'aspect du jeu le plus réussi : pour peu qu'on prête attention à la manière dont certaines upgrades de P'Tit Navet peuvent le rendre beaucoup plus efficace, on devient rapidement une pompe aspirante de moula permettant de progresser très vite dans l'arbre des compétences. Ou du moins de débloquer une nouvelle upgrade quasiment à chaque expédition. L'économie du jeu fonctionne ainsi assez bien, et si la montée en puissance est courte (le jeu se boucle à nouveau en deux ou trois heures), elle procure un vrai shot d'adrénaline. Le même soin n'a, cependant, pas été apporté aux combats faisant le cœur du jeu, et c'est un peu regrettable.
Distribuer les châtaignes
C'est probablement ce qui aurait mérité la plus grosse refonte et c'est hélas ce qui a le plus été laissé dans son jus : les affrontements de Turnip Boy Robs a Bank ne sont en effet pas franchement des plus satisfaisants. Toujours les mêmes masques de collision illisibles, toujours le même manque de visibilité dès qu'on se trouve dans une pièce encombrée, toujours les mêmes boss en forme de sac à PV aux patterns modérément intéressants. Particulièrement inintéressants, d'ailleurs, quand la fin du jeu se transforme en immense entreprise de recyclage vous proposant un boss rush en temps limité des plus soporifiques.
J'ai tout de même apprécié le fait de pouvoir changer de mode de difficulté à la volée, et le fait que la courbe de challenge progresse de manière plutôt harmonieuse. Hélas, force est de constater que les escarmouches de P'Tit Navet ne sont pas des plus variées. Les armes proposées sont nombreuses, mais beaucoup s'avèrent pratiquement inutilisables, alors que d'autres sont si efficaces qu'elles s'imposent vite comme le seul choix pertinent et cassent complètement le gameplay. J'ai ainsi pu battre un des boss majeurs de l'aventure presque sans bouger, juste en le canardant de loin avec un bazooka qui avait davantage de portée que ses propres attaques.
Alors, au bout de deux heures sur les quatre (environ) que propose le récit, on se retrouve invariablement à faire le ménage de loin avec un lance-grenade amélioré au maximum, puis à nettoyer les restes en speed avec une grosse épée, couloir après couloir. Au fil des sections qui se débloquent, on croise un bestiaire plus varié, souvent amusant, parfois un peu plus coriace, certes. Mais on en revient toujours à la même combinaison d'attaque un peu monotone, qui ne propose du challenge et des variations qu'à de trop rares moments de l'aventure. Aventure, qui, de manière déplaisante, vous forcera trop fréquemment à parcourir encore et encore les mêmes sections de la banque, la faute à une quasi-absence de téléporteurs fonctionnels et à un journal de quête particulièrement mal fichu.
Turnip Boy Robs a Bank a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch et sur les consoles Xbox.
Turnip Boy Robs a Bank est une suite pleine de bonne volonté, qui brille par sa proposition audacieuse et différente de son modèle, tout en conservant son esprit de la bonne vanne idiote lâchée entre deux bagarres. Les aventures de P'Tit Navet se prêtent parfaitement bien à cette course-poursuite frénétique dans une banque farfelue, entrecoupée de rencontres débiles. Mais Snoozy Kazoo, je pense, aurait dû mettre bien plus profondément les mains dans le moteur en améliorant davantage le gamefeel, le rythme des combats et la lisibilité de l'action. Tel le bon élève se reposant sur ses lauriers, engueulé par un prof acariâtre, ce jeu ne mérite sans doute pas vraiment les critiques que je lui adresse. Mais je ne peux m'empêcher de penser à ce qu'il aurait pu être avec des combats un peu plus fun, et une proposition légèrement plus généreuse et beaucoup, beaucoup moins de recyclage.
Les + | Les - |
- L'humour idiot est toujours là | - Les combats sont souvent illisibles |
- Le roguelite se prête bien à l'univers de Turnip Boy | - Contenu tout de même un peu chiche |
- La montée en puissance est très bien pensée | - Chapitres assez répétitifs dans leur structure |
- Deuxième partie de l'aventure assez inintéressante et pleine de recyclage | |
- Les boss sont très inégaux |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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