Malgré une impression franchement enthousiaste laissée par ma découverte de la série Pikmin avec Pikmin 3 Deluxe, je m’étais mis d’accord avec moi-même pour ne plus jamais y retourner. Le micromanagement, la gestion des ressources qui s’épuisent de jour en jour, les objectifs quotidiens, les Pikmin qui décèdent à la pelle : tout cela était bien trop stressant et trop éloigné de ce que j’aime dans un jeu vidéo pour que je souhaite réitérer l’expérience. C’est très bien, mais ce n’est pas vraiment pour moi. Et voilà que Tinykin débarque avec sa propre interprétation de la formule, en proposant de mixer le tout avec de la plateforme 3D et de l’exploration, et que je me laisse prendre, une fois encore. Probablement la meilleure décision de ce début de saison : Tinykin est sans hésiter l'un de mes GOTY indés de 2022.
Le titre nous vient des Montpelliérains de Splashteam, ancien·ne·s d’Ubisoft ayant bossé sur rien de moins que les Rayman des années 2010 – toujours ma référence en termes de platformers 2D – et sur l’intrigant Splasher, qui devrait finir tôt ou tard dans un Mardi Douleur. Cet héritage de Rayman (et un peu des Lapins Crétins) se ressent dans toutes les strates de Tinykin, presque plus, finalement, que cette base de Pikmin. Rétrospectivement, je ne pouvais qu’aimer.
J'ai fait cette recette de Pikmin, mais j'ai remplacé la gestion par de la plateforme
La première chose qui frappe quand on se lance dans Tinykin, c’est à quel point il est chill. Parfaitement, incroyablement, constamment chill, et ce, dans tous ses aspects et toutes ses mécaniques. En abandonnant un gameplay propre à Pikmin pour faire de la plateforme, Splashteam aurait pu troquer le stress de la microgestion d’armée, de ressources et de tâches contre les habituels éléments tout aussi stressants des platformers, à base de scies circulaires, de séquences chronométrées, d’ennemis, de plateformes mouvantes, de piques, presses, de lave ou que sais-je. Les habitué·e·s du site et de notre chaîne Twitch le savent : j’aime tout particulièrement ce genre de mécaniques et pourtant je me réjouis de leur absence dans Tinykin au plus haut point. J’ai même craint leur apparition au bout d’un moment et fort heureusement, ce ne fut pas le cas, quand bien même le moteur physique et la maniabilité du titre lui en auraient largement donné la possibilité tant ça répond au doigt et à l’œil – allez, on notera seulement un bref passage de couloir piégé le temps d’une petite quête annexe, mais rien de bien méchant.
Et c’est bien ça, l’immense point fort de Tinykin. Il n’est jamais méchant, jamais injuste, jamais irritant, et tout a été conçu pour procurer un plaisir immédiat. De son intro à sa conclusion, qui arrive juste avant que l’on en ait assez et que le titre tire sur la corde, Tinykin parvient à conserver une constance dans la qualité et le plaisir de jeu assez remarquable et finalement assez rare dans la production vidéoludique. Cette constance, elle est évidemment due à la qualité de son gameplay, de son game feel et de son level design – nous y reviendrons –, mais c’est surtout du côté de la courbe de progression et de la quantité de systèmes qu’il faut regarder pour comprendre la réussite du jeu.
Combien de fois, sur ce site ou en off, nous avons râlé à propos de ces jeux qui démarrent correctement sur un bon concept et bon gameplay et qui finissent par se bananer dans le fossé en voulant en faire trop. Trop d’heures de jeu pour ce qu’il y a à raconter ou à faire jouer, trop de mécaniques qui apparaissent pour le budget ou la maîtrise de l’équipe : un paquet de propositions mériteraient d’être plus ramassées, quitte à abandonner certains concepts ou péripéties sur le bord du chemin. C’est exactement ce que réussit Tinykin. Aussi plaisant qu’il s’avère être à parcourir, pousser l’aventure au-delà des 9/10 heures de jeu aurait été superflu et aurait plus que certainement dilué une sauce qui ici se tient parfaitement : pas de mécanique en trop, pas de péripéties à tiroirs, pas de dernier acte interminable sans ajout de gameplay. Il n’y a tout simplement rien à jeter.
Et toute la famille s'est régalée
La courbe de progression est d’une simplicité et d’un classicisme absolus : chaque niveau voit apparaître un nouvel élément de gameplay, à l’exception du dernier qui permet de profiter de tout en même temps. Les compétences propres à Milo, notre mini-explorateur perdu dans une maison vidée de ses occupant·e·s, arrivent toutes en même temps (saut, skate et planeur), quand les mécaniques principales, liées aux différents Tinykins – équivalents des Pikmins, l’esprit colonial en moins – arrivent au fur et à mesure. Et si le titre reprend l’exact même concept que la saga de Nintendo, il réussit surtout à l’utiliser pour en faire complètement autre chose et rendre l’expérience toujours plus satisfaisante. Et l’on passe en quelques heures d’un clampin incapable d’escalader un livre à un personnage capable de monter à plusieurs mètres de hauteur avant de traverser toute la carte en planant.
Chaque type de Tinykin est ainsi d’une couleur et d’une utilité particulières, mais la comparaison s’arrête rapidement, car presque tout a été repensé pour la plateforme. On retrouve toujours les petites bestioles qui portent des objets plus ou moins lourds, de même que celles qui conduisent l’électricité, mais le reste servira uniquement à faire de la plateforme, en servant de bombes, de ponts ou d’échelles. La première chose à noter, c’est que leur utilisation est largement simplifiée en comparaison aux Pikmin.
Pas de risque ici d’envoyer un Tinykin se noyer dans une flaque ou s’électrocuter, car il n’avait pas la bonne couleur : chaque type de compagnon n’a qu’une et une seule utilité, et le bon type de Tinykin est sélectionné dès lors que l’on cible un objet ou un obstacle. Ainsi, pas de jonglage à effectuer entre les différents types, pas de crainte d’en tuer bêtement, d’ailleurs, à l’exception des Tinykins explosifs, ils ne peuvent simplement pas mourir, tout est automatique, mais surtout très instinctif. Allez, si on veut pinailler deux secondes, le dernier type de Tinykins (qui construit des ponts) est légèrement moins sympa à utiliser, puisqu'il implique de défaire et refaire plusieurs fois ses constructions. Mais même en fin de jeu avec plus d’une centaine de Tinykins à me courir dans les pattes en même temps, ça n’a été le bazar à l’écran. Pas non plus de circuit à tracer, de gestion de trajectoire : tout le monde suit en permanence, tout le monde sait où aller et quand s’arrêter et, fait remarquable, alors que j’étais persuadé de me retrouver très rapidement confronté à des Tinykins coincés partout dans le décor, je n’ai jamais pris l’IA en défaut.
Cet aspect instinctif, organique même par certains aspects, se retrouve un peu partout dans l’appréhension du titre. Chaque niveau correspond à une pièce de la maison et donc une thématique (le salon, la cuisine, la salle de bain, etc…) avec sa quête principale et ses objectifs secondaires, qui, ne nous mentons pas, sont un peu toujours les mêmes dans des décors différents. Chacun de ces niveaux est un petit bijou de conception, avec ses recoins, ses collectibles à foison – oui, en revanche, j'espère que vous aimez collecter des petits objets plus ou moins cachés, on n’est pas au niveau d’un Psychonauts, mais pas loin – ses raccourcis à débloquer. Et là encore, tout marche sur des roulettes, tout coule de source. Les tableaux ont beau avoir l’air chargés, et peuvent même dérouter devant la quantité de secrets et de routes possibles quand on y entre pour la première fois, tout s’explore et se déverrouille de manière logique et instinctive. Splashteam a cet incroyable talent de nous faire sentir libres, tout en nous traçant de manière astucieuse et subtile un chemin à suivre qui permette de ne pas rater de points d’intérêt. Le tout se déroulant sans pression de temps ou de performance, Tinykin atteint un modèle d’équilibre entre facilité et intérêt. En ne punissant jamais un saut raté, pas plus que l’égarement ou la flânerie ; en récompensant par l’amélioration de l’équipement et l’ajout de mécaniques, Tinykin parvient à se rendre accessible à un très large public sans jamais être ennuyeux ou rébarbatif. Et on aimerait plus souvent voir ce niveau de maîtrise.
Tinykin a été testé sur PC via une clé fournie par l’éditeur. Il est également disponible sur Switch, Xbox One, Xbox Series, PS4 et PS5.
Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. Tinykin est la petite sucrerie dont cette rentrée avait besoin. Le titre de Splashteam est un modèle de platformer accueillant, que je pourrais recommander autant aux enfants, ados et novices qu’aux inconditionnel·le·s du genre. Au-delà de son esthétique mignonne et de sa BO entraînante et efficace, Tinykin est surtout une revisite en profondeur et incroyablement réussie du concept de Pikmin. Un sans fautes, autant du côté du level design que du game feel, du rythme ou du gameplay. Que demander de plus ?
Les + | Les - |
- De la plateforme sans pression et sans punition | - Les quêtes annexes, toujours les mêmes d'un niveau à l'autre |
- Le level design exemplaire | - Le dernier type de Tinykin, légèrement moins pratique que les autres |
- Esthétique mignonne et OST entraînante | |
- Parfaitement dosé en termes de rythme et contenu |
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