Poiiin poin poin poiiiiiiin ! Sortez la plus petite corne de guerre du monde, affûtez vos plus petites épées et enfilez votre plus petite couronne, Thronefall est un grand de la petite stratégie.
Depuis les lointaines années où j’y passais de nombreuses heures sur l’ordinateur familial et son écran de 30 cm de profondeur, le sous-genre du tower defense (ou TD chez les amateurices) n’a semble-t-il pas perdu en popularité, la formule étant réarrangée selon les lubies des uns et des autres studios qui se penchent dessus. Cette année, ça s’est par exemple observé avec grand spectacle dans le Kunitsu-Gami de chez Capcom, plus orienté casse-tête moche avec Artisan TD, pour le style chez l’esthétisant Death Crown, adapté à celleux qui aiment optimiser leur PC avec Diplomacy is Not an Option, ou avec une multiplication de systèmes comme le fait la série à succès Kingdom. Jonas Tyroller et Paul Schnepf, duo de développeurs allemands que l’on connaît respectivement pour le platformer Will You Snail? et le jeu-jouet The Ramp, se sont associés au sein du studio Grizzly Games afin de tenter, après le succès d’Islanders, une approche accessible et minimaliste avec Thronefall, désormais en version 1.0 après être sorti en accès anticipé à l’été 2023. Marque-t-il une nouvelle étape dans l’avènement des dioramas joués ?
Zenghis Khan
La stratégie, la tactique, la gestion, on ne peut pas dire que ce soit mon truc. J’ai horreur d’avoir le sentiment de perdre mon temps (en dehors de celui que je choisis de perdre, soyons d’accord), et rien que la pensée des quelques essais sur Age of Empire, où l’ennemi venait écraser mon petit camp alors que je voulais seulement raser la forêt avoisinante pour construire mes cahutes, me blase. Donc participer à la réorganisation politique de la Chine des années 1920 ou gérer les barres d’immeubles et le réseau ferroviaire de sa ville soviétique, sur le papier, j'aime bien l’idée, mais concrètement, le papier, j’en fais une boule pour que le chat joue avec. Peut-être qu’un jour, je me découvrirai une âme de grand optimisateur, mais en attendant, il faut me prémâcher toutes les options qui font la stratégie et me donner cuit dans le bec la marche à suivre. Thronefall paraissait donc fait pour moi, lui qui simplifie et enjolive la création d’un petit royaume sous la forme d’un tower defense ouvert et hyper coloré.
Tout commence au flanc d’une montagne, au sommet d’une colline, au pied d’un arbre géant. Notre petite tête couronnée, fièrement dressée sur son fidèle dada, doit construire son château. Ce sera ici et nulle part ailleurs, et puis pouf, il est terminé d’un coup, d’un seul, on n’est pas dans Crusader Kings III. Avec nos économies de départ, on installe les deux, trois premiers bâtiments puis place à la nuit, laquelle tombe dès que le son de notre corne retentit. Le nombre et la direction d’arrivée des ennemis sont indiqués, pas de surprise, nos éclaireureuses sont efficaces. Et comme notre personnage n’est pas le genre de souverain à laisser son royal séant sur son trône, c’est sur le champ de bataille qu’on règle les invasions nocturnes. Le jour se lève, les taxes sont récoltées (bah oui, quand même, faut bien faire tourner la baraque), et rebelote jusqu’à la victoire, au bout d’une douzaine de nuits. Puis direction la prochaine région.
Thronefall a beau garder les choses simples, il y a finalement pas mal de petits paramètres à prendre en compte pour avancer au mieux, des options qui doivent suivre une même direction pour être pleinement efficaces. Une maison donne de l’or au début de chaque journée, mais selon les améliorations choisies pendant la partie et les modificateurs décidés avant le lancement d’une campagne, elles pourront voir leurs revenus doublés, lancer des flèches sur les ennemis ou encore ramener de l’argent malgré leur démolition durant les assauts. L’argent étant le nerf de la guerre (et le seul, pas de stocks à gérer), il faut se débrouiller pour garder debout nos sources pécuniaires, car leur destruction nous prive de ressources précieuses, bien que tous les bâtiments soient remis à neuf dès l’aurore. Au milieu de tout cela, on apprend également à utiliser au mieux les capacités de notre personnage, dont les attaques, les mouvements et le pouvoir spécial peuvent avoir un impact non négligeable sur le cours des batailles. Un roi, quand ça veut, ça peut.
Très Beauwulf
La progression se fait en douceur avec l’introduction, niveau après niveau, de nouveaux bâtiments et ennemis, et ce tout au long du jeu. On a ainsi le temps de bien assimiler nos tactiques préférées, d’en tester d’autres avec les armes et modificateurs positifs et négatifs débloqués après chaque victoire, et d’essayer de remplir les objectifs secondaires de chaque mission, ce qui durcit considérablement le défi. Peut-être était-ce l’occasion de montrer l’exemple de synergies efficaces entre perks, ce qui finit par arriver pour les dernières cartes. Pas présents à chaque fin de niveau, ce qu’on aurait pu attendre, les boss bouleversent souvent la tactique mise en place et obligent à réagir dans la hâte, de quoi pimenter les parties lorsqu’une icône faite de points d’interrogation apparaît. Thronefall est de toute manière très sympa : la mort de notre personnage n’est pas punie et il se réincarne au bout de 10 (parfois longues) secondes, les unités réapparaissent petit à petit tant que leur caserne est debout et on peut recommencer la journée en cours en cas de défaite. L’expérience générale est très confortable et on enchaîne les journées sans s’en rendre compte – en ça, le mode infini ravira celleux qui ne sont pas rassasié·es facilement. À la manette, tout se manie avec facilité, même si la gestion précise du placement des unités est un peu plus engourdie lorsque les troupes s’accumulent.
La tactique générale sait se faire accueillante, ce sentiment est renforcé par la direction artistique choisie, qui met en avant le relief du paysage par un contraste entre ombre et aplats de couleur. Le résultat est particulièrement élégant et renforce une tendance qu’on observe dans le jeu indépendant, à savoir revendiquer le jeu vidéo comme un objet avec lequel on peut créer et mettre en place de petites scènes. Les cartes, si elles brillent par leurs tracés variés qui amènent à adopter des tactiques différentes à chaque niveau, s’apprécient également dans la satisfaction qu’on a à voir s’étoffer son village fortifié, au fur et à mesure que se remplissent les emplacements prédéfinis. Certes, l’ensemble est un peu à l’os et avoir un tantinet de vie à observer aurait été un petit plus (d’autant que le sound design fait une partie du travail), mais les développeurs se sont concentrés sur l’essentiel, ce qui est toujours une bonne idée. Rien que le fait de pouvoir interagir directement dans le petit monde qu’on participe à construire, comme avec une Polly Pocket et ses intérieurs miniatures, est une victoire digne des plus grands conquérants.
Thronefall a été testé sur PC (Steam Deck) via une clé fournie par l'éditeur.
Thronefall, c’est tout autant le plaisir de voir sa tactique s’enrichir et venir à bout des vagues d’ennemis que celui de bouger son bonhomme au milieu d’une scène médiévale super mignonne et presque zen. Les journées défilent les unes après les autres, les troupes adverses meurent par dizaines dans la joie et la bonne humeur, les nôtres, trop content qu'on est de se prendre pour un général d’un unique centimètre de haut. Les nouveaux et nouvelles venu·e·s au genre tactique pourront entrer dans le plus accueillant des petits bains. Les initiés, quant à elleux, profiteront d’une parenthèse à la simplicité bienvenue, sans être dépourvue de défis. Faites refroidir votre caboche, elle vous remerciera.
Les + | Les - |
- La direction artistique, qui semble tenir sur le pouce, est parfaite | - De très ponctuels cafouillages de gestion (à la manette) quand nos unités sont nombreuses |
- S'enrichit à chaque carte, que ce soit en termes d'ambiance, de tracés, de bâtiments, d'ennemis | - Les boss sont une bonne idée, en avoir plus aurait été cool |
- Accueillant pour tous les publics | |
- Du défi et du contenu pour qui en voudrait |
Seastrom
C'est la Loire qui coule dans les veines de Seastrom, mélangée aux subtilités de la vaporwave. Possibilité de l'amadouer en lui parlant indés et D&D (Dreyer et Digimon).
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