En attendant la sortie de son prochain épisode majeur attendu pour le mois de juin, quoi de mieux que de célébrer Final Fantasy avec le retour d'un jeu de rythme et ses quelque mille milliards de morceaux (à peu de chose près) ? Et au-delà d'un formidable objet promotionnel, Theatrhythm Final Bar Line a-t-il de quoi enthousiasmer ?
Ça fait déjà un moment que Square Enix sait exploiter la licence Final Fantasy à tort et à travers, lorgnant avec avidité vers le mainstream hors jeu vidéo. En roman et manga d’abord, puis en série et films aux budgets plus ou moins faramineux à même de faire couler la boîte qui l’a créée, la franchise s’est inscrite dans la pop culture en jouant de sa notoriété auprès des fans de jeux vidéo, tout en cherchant à draguer un peu plus loin. Il fallait pour cela s’inscrire dans les esprits en multipliant les apparitions, parfois par des moyens aussi saugrenus que faire poser le personnage principal de son nouvel épisode phare pour une marque de luxe (avec l’interview qui va avec) ou, plus communément, en multipliant les collaborations promotionnelles – avec Assassin’s Creed ou Ariana Grande, car pourquoi pas.
Jouer sur le succès des épisodes ayant fait son histoire était pourtant le moyen le plus sûr qu’avait l’éditeur japonais de fêter la renommée de la série à laquelle il s’accroche bec et ongles. À travers la réinterprétation contemporaine de Final Fantasy VII, d’abord, mais aussi en profitant des célébrations attendues pour les 35 ans de la sortie du premier opus pour relancer un jeu dérivé qui avait tout de l’amuse-bouche et s’est pourtant imposé auprès des amateurs et amatrices de jeu de rythme comme une référence. Theatrhythm Final Bar Line condense ainsi les quelques décennies d’existence de Final Fantasy autour des musiques qui ont accompagné les péripéties de ses héros, convoquant comme un petit festival les grands et petits noms, de Nobuo Uematsu à Yoko Shimomura, de Final Fantasy XV à Final Fantasy Fables: Chocobo's Dungeon. Et tentant de faire infuser les titres plus mineurs, mais pas moins marquants, de l’éditeur dans le grand bain du mythe FF, bien obligé de rendre hommage à sa propre légende. Parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même – sauf lorsqu’on fait Stranger of Paradise Final Fantasy Origin.
Barret of a Gun
Derrière la série, et ce depuis le premier épisode, indieszero développe une formule relativement classique du jeu de rythme, bien loin de leurs expérimentations sur Electroplankton, mais la vernit d’une couche RPG étonnamment touffue. Notre équipe constituée de quatre membres prend part à une quête ou une suite de combats à chaque piste, donnant ou encaissant les coups adverses en fonction de nos performances côté rythme. Tout ce beau monde prend des niveaux, a son rôle tactique, gagne des compétences de plus en plus puissantes… On suppose que pour une majeure partie des joueurs et joueuses qui s’y essaieront, cette dimension tactique sera transparente ou presque, si tant est qu’on se concentre sur la partie jeu de rythme. Mais pour aller au bout des défis proposés par Theatrhythm Final Bar Line, il faudra nécessairement se pencher sur toute la méta RPG et prendre en compte les forces et faiblesses des boss les plus puissants afin de mettre en place la stratégie qui déroulera son programme en parallèle du morceau joué. Un fonctionnement aussi simple que satisfaisant, qui a le mérite de nous faciliter la vie en proposant une optimisation automatique des éléments personnalisables, si on le souhaite.
Bien que des images soient plus parlantes que n’importe quelle description, rappelons rapidement quelles sont les règles à suivre. Le plus souvent de gauche à droite, des indicateurs vont défiler vers des déclencheurs en suivant le rythme et la mélodie de la piste musicale : une fois arrivés à leur niveau, il faut appuyer sur une touche le plus précisément possible pour valider les points. Les indicateurs sont soit rouges, à déclencher avec l’un des boutons de la manette (au choix, dont les gâchettes), soit verts, il faut alors les maintenir appuyés, soit jaunes, et c’est au tour des sticks d’être utilisés dans une direction donnée. Voilà la base. Les mouvements demandés se complexifient évidemment avec la difficulté choisie, ajoutant des combinaisons traîtresses au nombre exponentiel de notes à déclencher. Pas de quarts ou de demi-cercles à effectuer, heureusement, mais il n’y a pas besoin de ça pour suer des doigts comme il faut, d’autant qu’en comparaison des précédents épisodes sortis sur console (le dernier en date est sorti exclusivement en arcade), Final Bar Line ajoute un quatrième niveau de difficulté bien coton. En passant, si vous étiez habitué·es à la maniabilité tactile du stylet de Curtain Call, préparez-vous à revoir vos réflexes, ça fait tout drôle – mais ça se fait assez instinctivement en commençant par le niveau standard. Et au besoin, un style de jeu simplifié à une seule touche est disponible, ainsi qu’une batterie d’options de personnalisation assez poussée, permettant la désactivation d’effets visuels, de visuels tout court ou encore de régler le décalage d’input en fonction de son propre sens du rythme (ou du décalage ressenti, comme ça a été notre cas sur PS5 – on l’a passé à -3, pour info).
Cid and Nancy
Mais la richesse des jeux de rythme se vérifie souvent autant, sinon plus, chez les joueurs et joueuses par le contenu qu’ils proposent que par leurs mécaniques. Et c’est peu dire que Final Bar Line, qui par son titre prévient d’ailleurs de son caractère définitif, met le paquet de ce côté. C’est une avalanche de chiffres qui est mise en avant : 35, les années d’existence de la série ; 46, les jeux dont sont tirées les pistes ; 104, les personnages jouables, héros et héroïnes comme antagonistes ; et enfin 385, les morceaux présents dans l’édition de base, auxquels il faut ajouter les 27 réservés à la version Deluxe et les 90 autres prévus en DLC, issus de jeux du catalogue Square Enix. Ce qui porte le total à 502 pistes pour celles et ceux dont le porte-monnaie leur permet cette munificence. Une grille tarifaire qui se négocie au prix fort, l’éditeur connaissant le public devant lequel il agite les oripeaux de la nostalgie x la légende x la générosité.
Cette abondance se découvre par l’intermédiaire de trois modes de jeu, dont le plus central : Quêtes de série. Ici, les morceaux se découvrent par jeu et dans l’ordre dans lequel ils apparaissent originellement. On suit ainsi, comme une réinterprétation de chaque épisode entrevu seulement par ses compositions, les grands instants d’un Final Fantasy III de son thème principal à celui du boss final, deux grosses pièces, mais aussi les moments de creux qui restent en tête, à savoir les thèmes de combat et d’exploration, dont le magnifique The Boundless Ocean, ou encore les passages fugaces, à l’image de ce donjon vite passé qui abrite pourtant le très beau Let Me Know The Truth/Doga and Unei. On aurait d’ailleurs bien aimé avoir le choix entre les différentes orchestrations d’un morceau, comme celle de FF III, dont la soundtrack de la version DS passe à l’as. Dans ce mode spécifique, la rejouabilité des pistes se trouve dans la quête qu’elles proposent, à savoir un objectif à remplir (jouer avec un perso, réussir un pourcentage de notes critiques, activer des compétences, tuer un boss très rapidement…), évalué par sa difficulté et dont on ne peut réunir les éléments de RPG qui nous mèneront à la victoire qu’après plusieurs heures de jeu – et parfois d’entraînement. Et ce sans compter le Endless World débloqué après les crédits, qui donnera du fil à retordre aux plus acharnés. Pendant ce temps, une jauge de points se remplit à chaque morceau terminé, nous arrosant de récompenses diverses.
Les deux autres modes de jeu disponibles permettent d’une part de lancer à notre bon vouloir tous les morceaux débloqués, avec la possibilité bienvenue de confectionner ses propres listes de lecture, et d’autre part de tester le mode multi en ligne. À ce titre, on remarque le manque de souplesse du jeu à plusieurs, qui réserve la coopération à deux au local et les affrontements (jusqu’à quatre) au online. Pas de versus sur canapé ou de coop’ en ligne, donc, en attendant peut-être des ajouts à venir. Reste enfin le musée, lequel rassemble les lecteurs de musique et de cinématiques, et autres merdouilles qui trouvent quand même leur utilité, au-delà du désir de complétion engendré.
Rikkuroll
Pratiquer le cliquetis de boutons à la chaîne révèle pourtant quelque chose derrière cet impressionnant rassemblement qui pratique le stimulus de récompenses avec passion – ça fait des « ka-ching » de machine à sous à foison. La satisfaction, d’abord, de découvrir ou redécouvrir les pistes à qui la série doit beaucoup dans l’établissement de sa notoriété sur le long terme. La réussite de Theatrhythm Final Bar Line tient notamment dans les clins d’œil aux jeux (l’arrivée d’un ennemi sur tel morceau associé à un passage emblématique, les décors évocateurs) et à l’effort de mise en scène, réduit mais présent, qui renvoie à des moments de jeu vécus et réinvestis à chaque écoute. Grâce à ses personnages chibi et ses fonds minimalistes, le souvenir est moins rebalancé en pleine figure que laissé au soin de la personne derrière la manette. Le second sentiment de satisfaction a lui plus directement trait au game design, devant les compositions rythmiques créées pour les morceaux et leurs différents niveaux de difficulté. C’est un plaisir de chaque instant de voir des mouvements s’enchaîner avec fluidité – et encore plus lorsqu’on les réussit –, de celui du percussionniste qui construit autour de morceaux qu’il apprécie (sur un coin de table ou un bout de genou), avec des combinaisons parfois pas si complexes et qui pourtant tombent, sous les doigts, de sens.
Theatrhythm Final Bar Line a été testé sur PS5 via une clé fournie par l'éditeur. Il est également disponible sur Switch.
En attendant la prochaine itération qui sera sans nul doute encore plus complète que complète, Theatrhythm Final Bar Line sait se montrer convaincant en tout point. Sa tracklist massive donne le change aux mécaniques de RPG simplifiées, prêtes à se faire oublier ou à être triturées pour faire face aux défis proposés. Ce nouvel épisode pourrait évidemment proposer des modes de jeu plus variés, une plus grande souplesse côté multijoueurs ou, on est gourmand, encore plus de pistes (et pas en DLC). Mais difficile de contenir sa satisfaction lorsqu'on nous propose de participer, en quelque sorte, à l'interprétation des musiques de la saga de JRPG la plus imposante.
Les + | Les - |
- Beauuucoup de morceaux... | - ... mais un petit côté vache à lait qui fait lever les yeux au ciel à l'évocation des DLC |
- Les mécaniques de rythme sont souples et impeccables | - Une plus grande variété de modes de jeu aurait été bienvenue |
- Des options de personnalisation du système de jeu assez complètes | - Du versus en local et de la coop en online, ce serait quand même pas mal |
- Le vernis RPG pas envahissant |
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