Surfant sur la vague des jeux en stop-motion, The Spirit of the Samurai est une proposition esthétiquement assez intéressante, mais qui se heurte à une maniabilité pataude, presque désagréable. Le tout laisse un arrière-goût de projet inachevé.
Il s'agit d'un de ces projets dont la note d'intention et le rendu définitif ont, hélas, un écart trop radical pour que cela ne soit pas d'emblée mentionné. Les trailers du studio espagnol Digital Mind Games laissaient entrevoir un véritable petit film d'animation au ton lugubre et au bestiaire grotesque et varié, le tout basé sur un style de combat à la fois nerveux et exigeant. On est loin du compte, tant la proposition est, comme nous allons le voir, maladroite et dysfonctionnelle. Des problèmes qui dépassent les simples défauts d'exécution technique, tant The Spirit of the Samurai peine à trouver un ton pertinent ou à proposer quelque chose d'un minimum intense ou concernant pendant ses quelques heures d'aventure. Dommage.
Bushido Blep
Je voudrais commencer par évoquer un détail qui est à mon sens un symbole de cette maladresse générale, cette fébrilité affectée en permanence par ce jeu. Toute l'intrigue de The Spirit of the Samurai est narrée a posteriori, par un esprit ayant assisté aux exploits passés d'un valeureux guerrier ayant triomphé des démons qui ont ravagé sa ville. C'est globalement assez peu inspiré dans ce que ça raconte, mais ce n'est pas bien grave. Pas besoin qu'un jeu d'action 2D ait la profondeur de Rashômon. J'ai nettement plus de réserves, cependant, sur la grande rigidité des scènes cinématiques et sur le côté robotique et désincarné des dialogues… dans lesquels les comédiens (anglophones) affectent sur un ton monocorde des "accents japonais" qui semblent tout droit surgis d'une VHS des années 80.
La première impression n'est donc pas ce que je qualifierais de tip top. Mais admettons : on est surtout venus pour découper des bestioles à la chaîne et faire ruisseler le sang de nos ennemis le long de la lame tranchante de notre katana familial. Là encore, la déception est rapide. À la manière de Sclash ou de Trek to Yomi, The Spirit of the Samurai tente un système de combat original et rapide, supposé retranscrire la vélocité et la brutalité des duels au sabre. Et il le fait avec une rigidité particulièrement irritante, doublée d'une implantation des commandes tout sauf instinctive. C'est assez compliqué à décrire, mais il est grosso modo question de se déplacer avec un stick, d'attaquer avec l'autre et de confier diverses actions annexes (arc, garde, esquive) au reste de la manette. On se retrouve vite à gesticuler avec son stick droit tout en maintenant la touche de garde activée, ce qui permet de passer sans gloire, mais de manière très efficace, quasiment tous les affrontements du jeu. Le flow médiocre des combats est aggravé par le fait que le personnage se pilote comme un 33 tonnes coincé dans un tunnel étroit, radar de recul en moins.
Il faut dire que ce système de combat plutôt raide et contre-intuitif se double d'une intelligence artificielle en dessous de tout de la part des adversaires, lesquels se jettent sans subtilité ni grâce les uns après les autres sur votre lame sans jamais tenter quoi que ce soit d'un minimum tactique. Dès lors, le jeu se résume à avancer et à trancher dans le tas sans se poser de questions, en se faisant réveiller une fois de temps en temps par un boss un peu mieux fichu que les mobs de base. C'est d'ailleurs le seul moment où l'effet d'animation en stop motion choisi par les développeurs offre un rendu un tant soit peu inspiré.
Le couloir de la mort
Cela ne veut pas dire que l'on ne meurt jamais dans The Spirit of the Samurai. Au contraire, on est fatalement et fréquemment victime d'un level design à la fois fort monotone et bourré de pièges invisibles. Vous marchez sur une dalle quasiment indiscernable du reste du plancher et vous avez le malheur de vous manger le piège qui tombe du plafond ? Hop, vous voilà bons pour expérimenter le système de sauvegarde automatique (assez bancal) qui vous renvoie plusieurs salles en arrière. Alors que les ennemis peuvent vous bourrer de coups pendant de longues secondes sans jamais vous écorcher vraiment, la moindre erreur, la moindre chute ou le moindre bug de caméra vous assure une mort certaine et immédiate. Parce que oui, bien sûr, à ce stade, vous l'aurez compris, le problème est aggravé par une quantité de bugs particulièrement dense, et ce même après la grosse mise à jour day one du jeu.
Notre malheureux samouraï se coince dans les murs, se heurte à des scripts qui ne se lancent pas, rencontre des ennemis glitchés à gogo. Difficile de ne pas pousser des soupirs agacés quand le principal adversaire du jeu est en réalité le fait que la moitié des pièges soient indétectables à cause d'une absence de gestion de la verticalité par la caméra. D'autant plus que, bien loin de proposer la variété de situations promise par les trailers ou les premières séquences du jeu, The Spirit of the Samurai souffre aussi de la grande monotonie des environnements traversés. Des villages jaunâtres, des mines ocre, des grottes étroites et des maisons en feu, le tout dans une ambiance ténébreuse, quasiment illisible, et vous demandant de multiplier les allers-retours fastidieux dans des douzaines d'écrans strictement similaires.
Car bien loin de proposer une fuite en avant éperdue pour latter du yokaï comme s'il n'y avait pas de lendemain, l'aventure est avant tout une douloureuse expérience d'interactions avec des PNJ obtus. Ces derniers refusent systématiquement de vous aider tant que vous n'êtes pas allé retrouver leurs clés, leurs médicaments ou leur poupée préférée cachée dans une maison que vous avez déjà traversée il y a vingt minutes. Alors on y retourne, on revient, on zigouille deux ou trois fois les mêmes monstres, et basta. Le tout en gagnant des points d'expérience que l'on peut dépenser çà et là pour améliorer des compétences, sans que l'on nous explique à aucun moment quelle statistique influe sur quel aspect du personnage.
The Spirit of the Samurai a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et sur les consoles Xbox.
Si j'ai mentionné en dernier cet aspect de leveling bizarre et jamais explicité correctement au long de l'aventure, c'est parce qu'il est symptomatique des problèmes de The Spirit of the Samurai. Tout ceci part sans doute d'une bonne intention, mais tout a l'air d'être encore à moitié en chantier, peu abouti et peu inspiré. Est-ce que Digital Mind Games a manqué de temps pour livrer une copie plus aboutie ? Ou s'agit-il plutôt d'un projet qui a du mal à concrétiser via un gameplay cohérent son excellente idée de jeu d'action en stop motion ? C'est difficile à dire mais, en, l'état, c'est surtout difficile à recommander.
Les + | Les - |
- Quelques boss inspirés | - Système de combat bizarre et répétitif |
- L'ambiance fonctionne par moments | - Level design très pauvre |
- Des bugs à gogo | |
- Doublage parfois un peu douteux | |
- Rythme cassé par des quêtes FedEx multiples |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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