Développé à l’origine en deux semaines lors du $105 Adventure Game Challenge par le développeur allemand Alexander Leps (Electrocosmos), The plague Doctor of Wippra est un court point & click en pixel art qui suit la journée d’un jeune docteur lors d’une épidémie de peste noire en Allemagne médiévale. S’il promet des « énigmes médicales » et des « personnages intéressants » ainsi qu’une « trame scénaristique nuancée », il ressemble plutôt à une ébauche de ce qu’il aurait pu être s’il avait disposé de plus de temps et de moyens.
The Plague Doctor of Wippra fait une proposition intéressante, celle de se mettre dans la peau d’un médecin qui doit lutter à la fois contre la peste et l’obscurantisme et trouver les causes de la maladie pour aider au mieux les habitants de la petite bourgade allemande de Wippra. Sous des dehors parfaitement rétro à base de pixel art qui parlera peut-être aux plus nostalgiques d’entre nous, mais qui gêne un peu le gameplay, et une forme parfaitement classique, il cache des propos et une logique tout à fait modernes et actuels.
Rétro, mais pas trop
Le jeune médecin Oswald Keller doit effectuer sa première journée à l’hôpital du couvent de la ville médiévale de Wippra et faire de son mieux pour aider les habitants et les sœurs à faire face à l’épidémie de peste noire qui ravage la région. En chemin, il doit d’abord aller voir la famille du vannier, dont le jeune fils est malade. Dès le début, il faudra donc prendre des décisions qui impacteront l’avenir des personnages que vous rencontrez et qui détermineront in fine celui d’Oswald. S’il faut bien reconnaître une chose à The Plague Doctor of Wippra, c’est de maîtriser parfaitement le concept de point & click rétro et de raconter une histoire qui se tient de bout en bout sans s’éparpiller. Chaque diagnostic nécessitera que vous cherchiez et combiniez des objets tout en faisant preuve d’un peu de bon sens et d’humanité pour arriver à vos fins. Contrairement aux vieux point & click, qu’il faut faire avec la solution sur les genoux tant la logique en est absente, ici tout est logique et aucun puzzle ne présente particulièrement de difficulté.
Même si comparativement à la grosse heure que dure le jeu, le nombre de puzzles est plutôt respectable, ceux-ci manquent souvent cruellement d’originalité et on se prend souvent à espérer que nos neurones soient mis à plus rude épreuve. Le côté médical n’est pas aussi bien mis en valeur qu’on pourrait l’espérer en lisant le résumé sur Steam. Les diagnostics se font tout seuls, impossible donc de mal soigner quelqu’un à une exception près et globalement seuls les choix faits dans les dialogues ont une incidence sur la fin du jeu. En une grosse heure, on arrive au bout du jeu, qui présente une conclusion bien ficelée et satisfaisante, mais assez attendue. La rejouabilité est très modérée, car si la fin change un peu selon les choix, les énigmes et le déroulé eux sont strictement les mêmes.
Pixel art, qu'est-ce que tu fais là ?
Je dois l’admettre d’emblée, je ne suis pas du tout cliente du pixel art, surtout à gros pixels comme celui-ci. Je n’ai absolument aucune nostalgie des vieux jeux, probablement parce que je n’y ai pas joué, et j’avoue que la vague de jeux en pixel art fleurant bon la nostalgie du bon vieux temps me réjouit autant que le retour des jeans taille basse (très peu donc). Je suis cependant capable de reconnaître quand c’est bien fait et, ici, la DA est soignée. On reconnaît les personnages et l’atmosphère ainsi que les dialogues permettent sans difficulté de plaquer des émotions et réactions sur leurs visages vides. Néanmoins, la combinaison de gros pixels avec un gameplay point & click me laisse toujours un peu perplexe, car bien souvent, et c’est le cas ici, cela rend difficile de discerner les objets. On n’est certes pas dans The Last Door, un point & click rétro, inspiré par l’univers de H. P. Lovecraft et d’Edgard Allan Poe, dans lequel il fallait faire preuve d’imagination pour même deviner la présence d’objets, mais pas si loin. Bien sûr, le jeu pallie ce problème en décrivant d’abord l’objet avant de permettre d’interagir avec, mais ça alourdit le gameplay, surtout si on refait une partie.
The Plague Doctor of Wippra n’est cependant pas du tout punitif, les formes sont tout de même discernables et une option dans le menu permet d'afficher les points d’indices si l’on est trop perdu. S'il faut trouver un vrai point positif, c'est que le pixel art, un peu grossier, diminue considérablement l'aspect très gore de la peste et des procédures médicales, ce qui fait que même en ayant l'estomac pas très bien accroché, il est tout de même possible d'y jouer sans trop souffrir. Il faut signaler aussi que le jeu est disponible en plusieurs langues dont le français, l’anglais et l’allemand et outre une phrase dont la ponctuation prêtait à confusion, la version française est de bonne facture.
Peste noire, COVID ou les deux ?
Pour ne pas être injuste, il faut rappeler à ce stade que The Plague Doctor of Wippra a été développé par une seule personne dans le cadre d’une game jam et il est donc logique qu’il n’ait pas une ambition démesurée. Dans ce contexte, le jeu se tient très bien. En plus des puzzles pas très compliqués, mais distrayants et logiques, évoqués plus haut, le jeu mise surtout sur son propos qui résonne de façon très actuelle. Une épidémie dont on ne connaît pas bien les causes, des mesures sanitaires parfois très punitives prises pour le bien commun sans forcément prendre en compte le bien-être, voire la survie des personnes concernées, les fausses rumeurs et les profiteurs de catastrophes… On parle certes de la peste noire, mais on ne peut s’empêcher de dresser un parallèle avec la situation que nous traversons depuis deux ans.
Le jeu évite également de se vautrer dans les pires clichés sur le Moyen-Âge et, malgré le décor, les personnages rencontrés ont l’air relativement modernes. On évite ainsi l’écueil du peuple uniformément inculte et crasseux, ce qui est plutôt rafraîchissant. Cependant, on ne peut s’empêcher d’être un peu frustré par le fait de devoir résoudre certaines situations par un puzzle un peu alambiqué alors qu’elles auraient probablement pu être résolues par une simple conversation. Le goupillon qu’il faut à un moment subtiliser aux nonnes parce qu’aucune option de dialogue ne permet d’expliquer pourquoi on en a besoin en est sûrement l'exemple le plus criant.
The Plague Doctor of Wippra a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
The Plague Doctor of Wippra est plein de bonnes idées pas vraiment abouties et manque d’originalité. Mais si on le prend pour ce qu’il est, un jeu de game jam développé par un seul homme, il reste un tout petit jeu pas désagréable pour les amateurs de point & click rétro très classique avec une touche de choix moraux. Que serait un jeu narratif si on ne se sentait pas un peu mal à la fin ? S’il se tient bien et livre une conclusion satisfaisante sans s’éparpiller, son manque d’originalité et de rejouabilité le rend un peu difficile à recommander.
Les + | Les - |
- Des idées originales… | - … mais pas vraiment abouties |
- Une DA soignée… | - … mais qui alourdit le gameplay |
- Une forme rétro et un fond moderne | - Puzzles un peu trop simples |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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