Parmi les nombreux, nombreuses variations du RPG d'action à la Souls, il manquait encore la version humoristique. Heureusement que le studio tchèque GoldKnights était là pour apporter sa pierre à l'édifice avec The Last Oricru. Une pierre un peu cabossée, hélas.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, signalons que The Last Oricru appartient à cette catégorie parfois qualifiée d'Eurojank : un jeu développé en Europe de l'Est, trop ambitieux pour ses moyens, livré dans un état de finition approximatif, mais dont on ne peut pas lui retirer un certain panache. Voire, dans ce cas, une certaine audace conceptuelle. Car The Last Oricru essaye d'être beaucoup de choses en même temps : un Souls-like humoristique, un RPG narratif à embranchement, une histoire de science-fiction, un jeu en coop locale… Prise séparément, chaque idée qu'il développe aurait pu donner quelque chose de très intéressant, mais l'assemblage très maladroit de l'ensemble arrive à être beaucoup, beaucoup moins que la somme de ses parties.
Eurotrash from outer space
C'est l'heure de rencontrer l'abominable Silver. Vous ne le savez pas encore, mais vous le détestez déjà. Silver, c'est le héros de The Last Oricru. Un crétin fini à voix de crécelle et coupe de cheveux de clubbeur allemand des années 90, qui se réveille un beau jour captif sur une planète alien, serti d'une ceinture le rendant immortel. À chaque fois que Silver se fait tailler en pièces, il revient à la vie. Et ce sera comme ça tant qu'il n'aura pas réussi à comprendre ce qu'il fait sur une planète médiévale où une secte de mystiques racistes essaye de mater la révolte des « Ratvolutionnaires », des rats humanoïdes à l'accent russe qui sont quand même un peu cupides et pillards sur les bords. Tout le monde est un peu bête et méchant, rien n'a de conséquence, tout est prétexte à punchline : on comprend vite que l'on n'est pas face à un nouvel étalon-or de la SF du XXIᵉ siècle.
Malgré le côté très, TRÈS irritant de son personnage principal, dont on a rapidement envie d'arracher la langue, The Last Oricru fait tout de même un peu illusion au début. Parce que l'esthétique des premiers environnements présentés, mix entre dark fantasy et SF, intrigue pas mal, de même que la mythologie mystérieuse brossée par les premiers PNJ rencontrés. De plus, le jeu fait la promesse explicite de vous laisser remodeler le monde au gré de vos décisions : vous allier aux rats ou à leurs maîtres aurait des répercussions importantes sur le déroulé de l'aventure. Là encore, c'est une idée qui se tient très bien tout au long du tutoriel, qui propose des embranchements scénaristiques très intéressants. Mais tout cela ne résiste pas dans la longueur et s'effondre immédiatement dès la première « vraie » zone de jeu atteinte.
D'une part parce qu'on comprend bien vite le côté mécanique et très artificiel de ces embranchements scénaristiques, qui ne vont fondamentalement pas changer grand-chose à ce qu'on va concrètement vivre dans le jeu. D'autre part parce que The Last Oricru est un jeu qui essaye désespérément de raconter une histoire cohérente tout en essayant d'en faire une farce. Et comme le jeu échoue à peu près tout le temps à être drôle, on se retrouve face à un lore approximatif, systématiquement parasité par des remarques sarcastiques ou à côté de la plaque des personnages. Jeux de mots niveau CM2, gags visuels à base de chutes, accents bizarres, remarques « cyniques » sur la nature violente du monde traversé… Chaque séquence « gag » de The Last Oricru semble avoir manqué d'un auteur ou d'une autrice capable d'intégrer efficacement de la comédie dans un jeu vidéo. Une farce ratée dans un univers de science-fantasy qui se révèle hélas assez creux en ce qu'il abat dès le début l'essentiel de ses cartes avant de tirer à la ligne sur une dizaine d'heures… Et de s'achever par une pirouette franchement indigne.
Baston de parking
Le ton irritant et le scénario qui ne va nulle part, c'est déjà compliqué pour un jeu qui se veut avant tout piloté par son histoire. Le principal problème de The Last Oricru, c'est que le jeu vidéo qui sous-tend tout ça n'est vraiment, mais alors vraiment pas très bon ni même très agréable à l'œil.
Quand le jeu ne bouge pas et qu'on a la chance de n'avoir ni effet de flou bizarre ni effet de particule raté, il peut parfois sembler joli. Il y a de vraies belles idées dans la direction artistique et les premiers environnements visités se tiennent bien. Dès qu'on se déplace, cependant, tout devient rapidement assez vilain, avec des textures qui bavent, des personnages raides et des environnements de plus en plus fermés. Caves, grottes, égouts et autres couloirs marron, ocre et gris rappelant les heures sombres des TPS de l'ère PS3. Le tout amplifié par les innombrables (et hélas habituels dans les jeux du genre) bugs de collision en pagaille. Un bilan déjà sombre, aggravé par une caméra incapable de savoir où se placer dès qu'il y a plus de deux personnages dans un environnement fermé. Dernier clou dans le cercueil : le jeu est assez mal optimisé et tourne péniblement, quels que soient la résolution et le niveau de détails sélectionnés.
Et ce ne sont hélas pas les combats en eux-mêmes qui seront à même de sauver l'ensemble. The Last Oricru a, de ce point de vue, quelques idées intéressantes : la possibilité de faire le jeu en coop locale et donc de multiplier les approches est par exemple une très bonne idée. De même pour le réglage de la difficulté qui propose un mode standard horriblement difficile, mais également un mode « histoire » permettant de rendre les affrontements symboliques pour se concentrer uniquement sur l'aspect narratif. Le souci, c'est que ces combats ne sont jamais, mais alors JAMAIS intéressants, se contentant d'être des parodies de ceux de Dark Souls. Un bestiaire réduit d'archers et de chevaliers Playmobils vous fait ainsi face, vous attaquant mollement avec de grands mouvements lents que vous pouvez globalement esquiver à coup sûr en faisant des roulades dans tous les sens. On ne s'amuse pas beaucoup, que ce soit dans les phases d'exploration ou d'affrontements contre des boss un peu coriaces. Être à la fois raide et mou, c'est peut-être la seule prouesse réussie par The Last Oricru.
The Last Oricru a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur PlayStation 5 et les consoles Xbox.
The Last Oricru, c'est un jeu qui essaye énormément de choses, et qui a parfois de bonnes intuitions, il faut bien lui concéder cela. Néanmoins, il ne suffit pas d'avoir des idées pour faire un bon jeu, il faut encore les assembler dans quelque chose qui tienne au moins un peu la route. En l'état, il s'agit surtout d'une créature de Frankenstein vidéoludique prenant maladroitement des éléments à droite à gauche sans avoir bien pris le temps de les affiner ou de les rendre jouables et cohérents. À moins que vous soyez particulièrement fana de ce genre de concept et d'esthétique, difficile de vous le recommander.
Les + | Les - |
- Quelques bonnes idées dans l'univers | - Humour assez lamentable |
- La difficulté « histoire » | - Un scénario qui ne va nulle part |
- Possibilité de jouer en coop locale | - Un des pires protagonistes de l'année |
- Passé le tuto, ça devient très moche | |
- Combats inintéressants | |
- Bugs de collision et de caméra en pagaille | |
- Bestiaire très faible |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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