Dernière production des Polonais de Plot Twist, The Last Case of Benedict Fox se situe au croisement périlleux d'un metroidvania, d'un platformer et d'un puzzle game. Misant beaucoup sur son ambiance formidable, il peine, hélas, à exceller dans tout le reste.
Je ne sais pas si une critique de jeu vidéo est "utile". Dans un sens, si tous les critiques de jeux vidéo disparaissaient subitement, la marche du monde n'en serait absolument pas perturbée. Néanmoins, il arrive que certains jeux soient si bizarres et si clivants dans ce qu'ils réussissent ou foirent dans les grandes largeurs que je veux croire que nous autres avons parfois cette microscopique petite fonction de vous dire : "heu, attendez d'avoir lu la review". Avec ses puzzles parfois astucieux, parfois claqués au sol, ses mécaniques de combat de catégorie "bien, mais pas top" et sa map brillante, mais bourrée de backtracking, The Last Case of Benedict Fox est de ceux-là. Peut-être qu'il s'agira de votre metroidvania préféré de l'année. Peut-être. Mais avant d'arriver à l'apprécier pleinement, il faudra avaler un certain nombre de couleuvres que je vais malheureusement devoir vous détailler ci-dessous.
J'ai une enquête occulte
Dans une version alternative de l'Europe des années 1920, le malheureux Benedict Fox est un détective d'un genre un peu particulier. Possédé par une entité mystérieuse, il a la capacité de se plonger les deux mains dans le royaume du subconscient et du surnaturel. Capable de voyager dans la psyché des cadavres, Benedict peut reconstituer des crimes, des mensonges et des complots en explorant très littéralement votre labyrinthe intérieur. Bien entendu, nous parlons ici de morts violentes, de victimes prises dans des dédales de remords et de violence, et donc d'un palais mental particulièrement retors, peuplé de monstres, d'énigmes et de pièges.
L'ultime affaire de Benedict Fox qui donne son nom à l'intrigue va emmener ce dernier dans un immense manoir lié à son histoire personnelle. Seulement, à son arrivée sur place, il va trouver l'endroit quasiment vide, toutes les portes fermées, et pour seul habitant un corps à peine tiède étendu à la cave. Au bout de quelques minutes, on comprend le principe : ce n'est qu'en explorant les souvenirs de la victime qu'il sera possible de progressivement comprendre ce qui s'est passé, et de dénicher des indices permettant peu à peu de déverrouiller toutes les portes et tous les secrets du manoir.
The Last Case of Benedict Fox se présente alors sous la forme d'un metroidvania : on débloque un bout de labyrinthe, on finit par trouver une porte fermée, on fouille un peu mieux, on déniche une nouvelle capacité ou un indice, et on peut se remettre à explorer un peu plus. Au fur et à mesure de la progression de Benedict, le manoir va se peupler de divers habitants qui feront à leur manière avancer l'intrigue. Un marchand pour renforcer certains objets, un forgeron pour améliorer les armes, une tatoueuse pour débloquer des habiletés pour le démon vivant en symbiose avec le héros, etc. Dans l'idée, c'est très classique, mais en pratique, c'est une alternance frustrante de coups de génie et de moments particulièrement laborieux.
Perdu dans mes pensées
Davantage que beaucoup de jeux du même genre, The Last Case of Benedict Fox va plus mettre l'accent sur ses quêtes secondaires et la flopée d'énigmes qui y sont liées que sur l'exploration et le combat. C'est un choix intéressant qui le rapprocherait presque d'un Silent Hill. Pour progresser, il faut avant tout comprendre la logique qui sous-tend chaque biome : quel code secret correspond à telle porte, quel type de clé est nécessaire pour forcer tel coffre, quel alphabet est utilisé pour écrire telle note, etc.
Assez vite dans l'aventure, vous allez vous retrouver avec une bonne quinzaine de quêtes imbriquées les unes dans les autres, dans un labyrinthe assez bien fichu, mais assez avare en explications, qui va vous donner le sentiment de passer votre vie à vous perdre. Où était-il, ce cadavre de golem que je dois reconstituer ? Et cet échiquier planqué au bout d'un tunnel sous la bibliothèque, comment on y va déjà ? Quant à ce fichu piano, à quelle note dans mon immense carnet son mode d'emploi correspond-il ? The Last Case of Benedict Fox fait le pari de vous laisser vous perdre, ce qui peut s'entendre. Mais son monde trop grand, dans lequel la densité de choses à faire en même temps n'est pas forcément des plus logiques, se confronte régulièrement au fait que les indices et les informations sont assez mal organisés dans les différents menus.
Parfois, on a donc l'impression de progresser très vite et de découvrir des pans entiers de la map en quelques minutes parce qu'on a eu la chance de résoudre la bonne énigme au bon moment. Parfois, on se contentera d'errer pendant une heure parce que le jeu explicite assez mal dans sa mini map quelle porte on peut ouvrir avec ce nouvel item fraîchement débloqué. À de très nombreuses reprises, j'ai même été obligé de sortir un carnet de notes en papier pour réorganiser des informations que le jeu m'avait délivrées de manière trop confuse. Et même en ligne droite, sans s'attarder sur les quêtes annexes, le jeu propose de trop nombreuses phases où il est quasiment obligatoire de reparcourir des niveaux entiers plusieurs fois pour en déverrouiller de nouveaux passages. La faute à des téléporteurs étrangement trop espacés des points essentiels de l'action.
Certaines énigmes rencontrées au fil de l'aventure avaient même des formulations vraiment douteuses, ou des pièges purement visuels qui confinent à l'erreur de game design pure et simple. Je me souviens par exemple d'un moment où j'ai dû comprendre que certains symboles d'une énigme étaient dessinés à l'envers… ce qui était impossible, car les symboles en question étaient plongés dans le noir et qu'il aurait fallu que j'augmente le contraste de mon écran pour les distinguer. C'est anecdotique, mais assez révélateur d'un jeu qui me semble avoir cruellement manqué de finition.
Un bug dans la matrice
Déjà, je tiens à souligner à quel point The Last Case of Benedict Fox est loin d'être aussi joli, fluide et spectaculaire que lors de son premier trailer, publié il y a un peu moins d'un an. Ce sont certes des choses qui arrivent, mais en l'occurrence, on est loin du compte. La direction artistique du jeu reste assez bluffante : les environnements sont assez beaux et variés, et l'aventure a quelques moments vraiment marquants. Mais dans l'ensemble, tout est un peu en deçà de ce qui était annoncé. Les combats sont assez mous et anecdotiques, les confrontations avec des boss sont rarissimes, et l'exploration se résume souvent à un platformer un peu poussif. On passe en fait les trois quarts de son temps à résoudre des puzzles, et je ne suis pas certain que c'était le plan de base.
Cela ne serait pas bien grave si Plot Twist avait livré son jeu dans un état acceptable malgré ses défauts structurels. Or, il s'agit, je pense, d'un des jeux les plus bugués qu'il m'ait été pour le moment donné de voir en 2023. En l'état, il est assez fréquent de voir le héros s'emplâtrer dans un mur pour ne plus pouvoir en ressortir, rester suspendu en l'air après un saut ou encore de ne plus pouvoir attaquer les ennemis, comme si la touche d'attaque avait été désactivée.
Plus grave, il arrive que la partie puisse être complètement bloquée et votre (unique) sauvegarde perdue : téléporteurs désactivés, ennemis brutalement invincibles ou encore énigme dont la solution ne peut être validée. Quand ce genre de choses arrivent une ou deux fois en quinze heures de jeu, passons. Quand c'est à presque tous les chapitres du jeu, ça commence à faire beaucoup.
The Last Case of Benedict Fox a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur les consoles Xbox.
Un décor original, une intrigue assez bien ficelée, un level design grouillant d'idées : The Last Case of Benedict Fox ne manque pas d'allure. Mais un peu comme un gentilhomme en redingote qui aurait oublié de mettre son pantalon, le résultat final est si perclus de choses inachevées qu'il en devient parfois un peu grotesque. Des énigmes mal calibrées, une interface terriblement brouillonne, une carte qui manque de certaines indications basiques, un journal de quêtes chaotique et des bugs à foison… J'aimerais défendre cette proposition pour ce qu'elle porte d'original et d'audacieux, mais je vous recommanderais néanmoins d'attendre, au minimum, que la plupart des bugs critiques soient corrigés avant de vous lancer là-dedans.
Les + | Les - |
- Moins beau que dans les trailers, mais beau quand même | - Quantité de bugs ahurissante |
- De très belles idées dans la map | - Interface trop brouillonne |
- Quelques séquences vraiment marquantes | - Certaines énigmes vraiment imbitables |
- Système d'expérience plutôt chouette... | - ... Mais nécessitant trop de backtracking et de farming |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
Articles similaires
Miniatures - La poésie du souvenir
nov. 20, 2024
Rogue Flight - Monte dans le robot, Zali !
nov. 16, 2024
Great God Grove - Queer et élastique
nov. 11, 2024