Premier jeu prometteur du petit studio français Aniki Games, The Executive - Movie Industry Tycoon propose une bonne dizaine d’heures intéressantes avant de se mettre à tourner un peu en rond.
J’ai toujours rêvé de faire partie du monde du cinéma, de produire mes propres films et de devenir un grand nom dans ce milieu, aurais-je pu vous dire si j’avais su mentir un tant soit peu. Alors que la vérité, c'est que si j’aime bien regarder des films, je n’ai pas vraiment d'intérêt pour la façon dont ils sont faits. Et je ne veux pas dire par là que je refuse de savoir quand les conditions de tournage sont mauvaises ou que je ne soutiens pas les mouvements pour des meilleures conditions de travail dans le milieu. Non, c'est juste que moi, les histoires de technique, de caméras, de comment on prépare tout ça, de qui fait quoi, ça me laisse un peu de marbre. Je veux juste passer un bon moment devant un film et savoir à la fin que tout le monde a été bien traité sur le plateau. C’est trop demander vous croyez ? Bref, tout ça pour dire que c’est plus par passion pour les jeux de gestion que pour l’univers du cinéma que j’ai testé The Executive - Movie Industry Tycoon et aussi par curiosité de tester, enfin, les jeux de type Tycoon. Alors, est-ce qu’on peut me confier une société de production ? Sur quatre parties, je n’ai fait faillite qu’une fois, donc ça devrait aller.
Nulle en titres
Bon déjà, ce n’est pas facile de produire un film, même dans les années 1970 pendant lesquelles les budgets étaient ridicules. Il faut tout un tas de compétences, que la productrice Bat Vador n’a pas. Pourquoi a-t-elle décidé d’ouvrir une boite de production ? L’histoire ne le dit pas, mais la fortune sourit aux audacieux ou un truc comme ça, donc on se retrousse les manches et c’est parti.
Ma première tentative a été mitigée, est-ce que je sais moi quel budget mettre dans le script par rapport aux décors et aux effets spéciaux par rapport à la musique ? Non, visiblement pas, mais après avoir joué un peu avec les curseurs, fait le tour des fenêtres, échoué à faire des films rentables, relancé une partie, fait faillite et enfin consenti à lire les infobulles qui tiennent lieu de tutoriel, j’ai relancé une partie et ça s’est bien passé. Notez que ce début chaotique tient à ma façon de prendre un jeu en main et pas au jeu lui-même. J’aime bien lancer une première partie que je finis rarement, juste le temps de comprendre par moi-même les bases et quand c’est fait, je repars sur des bases saines (et oui, j'ai la flemme de lire les tutoriels).

Bref, tout a commencé par des films à petits budgets aux titres peu inspirés tels que Sur La Route de Zombison, Robots In Space et Die of Love. Puis un premier succès, petit budget certes, mais grandes ambitions, Greek Gods on a Rampage remporte un succès tant auprès du public que des critiques, à tel point qu’il est nommé pour un « Romy ». Évidemment, il ne gagne pas, mais peu importe, 10 ans après l’ouverture du studio, nous voilà enfin sur la bonne voie. Mon égo de productrice est boosté. Vient ensuite la franchise qui cartonne au box-office. Vient d’abord Super Heroes are Hilarious, suivi de Super Heroes are Still Hilarious et Too Heroes Too Hilarious et du déchirant prequel When Heroes were Just Funny. Croyez-le ou pas, des succès au box-office. Puis la société ferme ses portes tranquillement en 2020 (date de fin du mode histoire), sans avoir gagné le moindre prix. Vexant. Qu’à cela ne tienne, on recommence.
Cette fois, on part sur des genres qu’on maîtrise déjà : la comédie familiale sur les chiens, la romance de Noël, le drama sur le mariage et les films d’aventure. Ça marche, mais le public n’en peut plus des films d’aventure et il faut innover. Il est temps de tenter la comédie musicale, je produis Cheating but Chanting, qui fait un carton. Un large budget pour les décors, modérément pour l’écriture et tout dans la musique et c’est un succès qui se décline ensuite par Still Cheating, Less Chanting, Cheaters in Love, Before the Divorce et They Cheated Again. La saga se conclut par Final Cheatery, pas le meilleur de la série si vous voulez mon avis. Pendant ce temps-là, évidemment, mon équipe s’est agrandie, on ne fait pas des films tout seul. D’abord une assistante pour vendre mes films à des distributeurs et commercialiser les films du catalogue, puis le déménagement vers un bureau plus grand a permis d’embaucher des analystes pour savoir pourquoi mes films marchaient ou pas et quelles étaient les tendances. Nous avons pu mieux allouer les budgets, éviter les thèmes passés de mode, négocier de meilleurs deals avec les distributeurs et raquer un maximum d’oseille et même deux trois récompenses. Puis, avec le succès grandissant, j’ai acquis un département de marketing pour vendre moi-même mes films. La réputation de No Name studio (oui, j'ai oublié de nommer le studio à la troisième partie) a décollé et les meilleur·e·s acteur·rice·s et réalisateur·rice·s ont voulu travailler avec moi. La consécration. Puis 2020 est arrivé, Bat Vador a raccroché sa casquette de productrice avec satisfaction… et a relancé une petite dernière partie pour être bien sûre de son avis.

Mécaniquement parlant
Outre un manque de talent abyssal pour trouver des noms de films, que peut-on conclure de cette aventure ? Eh bien, plusieurs choses. D’abord, comme je le notais en intro, je n’ai jamais réellement touché à cette branche des jeux de gestion, style Game Dev Tycoon ou autres, je ne saurais donc vous dire ce que ça apporte par rapport à ça. Je peux en revanche vous dire que si j’ai passé une chouette douzaine d’heures dessus, je ne suis pas sûre que j’en passerai beaucoup plus. The Executive, et je soupçonne les jeux de ce genre, est fondamentalement un jeu extrêmement mécanique. Il s’agit de comprendre où mettre les curseurs selon le genre de film et apparier les bons genres de films avec les bons thèmes. Ensuite, c'est un jeu d’équilibre selon qu’on veut que le film soit bancable au box-office, auprès des critiques ou sur le marché international. Évidemment, il y a de nombreux facteurs sur lesquels jouer et de nombreuses occasions de faire des flops, mais une fois la logique interne saisie, ça roule comme sur des roulettes, sauf pour les quelques genres pour lesquels on n'a pas encore mémorisé la répartition du budget.
Malgré son côté très mécanique, il faut d'ailleurs reconnaître que l’équipe a fait un gros travail pour recenser les films sortis dans le monde réel pendant ces cinq décennies et créer un environnement plutôt crédible (malgré peut-être un peu trop de jeux de mots et d’inversion de lettres sur les noms de films et de personnages). L’évolution de l’aspect du bureau au fil des décennies est très chouette à voir et si l’interface a quelques défauts énervants, elle est plutôt maniable et intuitive.

L’aspect très mécanique et l’absence relative de narration ou d’objectifs ne sont en soi pas quelque chose que je reprocherais à ce type de jeu. Personnellement, j’ai tendance à préférer les modes histoire et les scénarios, mais le côté ouvert de se fixer ses propres objectifs a ses mérites et ses adeptes et c’est tant mieux. Dans le cas présent, je pense toutefois qu’il manque un tout petit quelque chose au jeu qui permettrait d’avoir envie de le relancer au-delà de la grosse dizaine d’heures qu’il faut pour bien prendre en main les mécaniques et c'est un peu dommage, d'autant que la base est bien là et solide.
The Executive - Movie Industry Tycoon a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur.
S’il manque sans doute un petit quelque chose à The Executive - Movie Industry Tycoon pour qu’on ait vraiment envie d’y revenir une fois les mécaniques bien acquises, c’est néanmoins un premier jeu solide, agréable à jouer et assez intuitif qui exploite à fond son thème. Une agréable expérience pour se mettre dans la peau d’un·e producteur·rice puissant·e d’Hollywood, la maltraitance et l’exploitation des acteurs·rices et des techniciens·nes en moins.
Les + | Les - |
- Thème bien utilisé | - Vraiment très mécanique |
- Interface intuitive… | - ... mais avec quelques défauts agaçants |
- Possiblilité de vivre l'aventure à Hollywood ou Chinawood | - Ronronne un peu au bout de quelques heures |
BatVador
Traductrice ascendante topiaire qui aime les city builders, les dystopies et les jeux avec des gens déprimés dedans.
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