Que se passe-t-il chez Square Enix en cette fin 2022 ? Sans cohérence autre que « bourrer le marché de tout et n'importe quoi », l'éditeur japonais inonde le marché de jeux de rôle allant de nouvelles franchises aux remasters en passant par de simples portages. Il y a fort à parier que vous n'ayez même pas entendu parler de certains d'entre eux. The DioField Chronicle, ni fait ni à faire, est la dernière victime collatérale de cette surproduction.
Je dois d'abord préciser que si j'ai mis du temps à faire cette review, c'est en partie parce qu'une fois de plus, la version PC d'un jeu Square Enix semble avoir été faite par-dessus la jambe. Comme de nombreux possesseurices du jeu, je me suis retrouvé face à des plantages en série, rendant particulièrement compliquée ma progression dans le jeu. Mais hélas, même en mettant ces problèmes de côté et en considérant qu'ils ne touchent qu'une fraction des utilisateurices PC et n'affectent nullement les versions consoles qui paraissent tourner comme un charme, The DioField Chonicle m'a frustré. Frustré parce que comme beaucoup de projets Square Enix cette année, il semble avoir été purement et simplement sacrifié sur l'autel du « vite fait mal fait ». Il s'agit pourtant d'un jeu plein de potentiel, qui aurait mérité beaucoup, beaucoup mieux que cette bouillie un peu fade qui semble avoir été assemblée de bric et de broc avec les restes d'autres projets de l'éditeur.
Un DioField à relever
Si vous avez déjà fait un tactical RPG de Square Enix, vous avez, de fait, déjà un peu joué à The DioField Chronicle. Un méchant empire envahit une gentille république, la guerre s'enlise, une île entre les deux belligérants contient une ressource quelconque (disons : le scénarium) et cette île va devenir l'enjeu des convoitises des belligérants. Sur l'île en question, un groupe de mercenaires - dont l'un cache un lourd secret familial - se met au service du pouvoir et va bientôt découvrir qu'il est peut-être du mauvais côté du bâton, et blablabla.
Je suis trop sévère : en réalité, le scénario de The DioField Chronicle est relativement intéressant. Raconté de manière un peu plan-plan, sous forme d'écrans fixes et de dialogues mous, mais quand même pas si mal troussé. Son seul problème, c'est qu'il s'inscrit dans une longue continuité de jeux du genre et semble juste être un assemblage paresseux de tout ce que Square Enix a produit en termes de scénario de RPG depuis vingt-cinq ans. L'île, conflit entre deux empires ? C'est Front Mission (dont un remake est en cours). Le contexte géopolitique amer ? C'est Tactics Ogre (dont un remake est en cours). La tragédie personnelle vécue par les protagonistes ? C'est Final Fantasy Tactics (dont un remake est probablement en cours, après tout, pourquoi pas ?). Si le tout était servi par des scènes choc ou des dialogues flamboyants, à l'image du récent et merveilleux Triangle Strategy, on pourrait oublier ce scénario vu et revu et se concentrer sur ses quelques rebondissements plutôt bien vus. Mais le tout fonctionne en mode tellement mineur qu'on se retrouve souvent à soupirer, voire à zapper des dialogues qui peinent à aboutir.
Un tactical RPG, même très centré sur ses affrontements, doit généralement nous impliquer un peu émotionnellement pour bien fonctionner. À défaut, il faut au moins qu'il puisse proposer des combats assez intéressants ou une réalisation un minimum flamboyante pour retenir notre attention. Le souci avec The DioField Chronicle c'est qu'on tombe pile dans cette zone du « rien n'est vraiment mauvais, mais tout est franchement moyen » qui nous empêche d'oublier ce scénario sympa-mais-convenu.
J'aime me battre
On ne peut pas enlever à The DioField Chronicle sa seule bonne idée : son système de combat en semi-temps réel avec des équipes très réduites sur des cartes, elles, assez étendues. Si elles ne révolutionnent rien, les batailles du jeu sont plutôt rythmées et présentées de manière intelligente. On y contrôle de tout petits groupes de mercenaires (habituellement quatre paires de deux combattants) qu'il convient de rendre complémentaires avant les combats. Par exemple, appairer un archer et un tank permettra d'attaquer de loin et de se défendre en cas de débordement des défenses. Un magicien et un healer peuvent alterner attaque et soutien, etc.
De plus, les combats se déroulent sur des maps plutôt vastes et bien construites, avec des objectifs changeant de manière assez dynamique au fil des missions. On se retrouve souvent à devoir rebrousser chemin pour aller sauver ses camarades d'une embuscade ou à devoir repenser sa stratégie pour contourner un boss a priori invincible. Chaque mission est d'ailleurs livrée avec un ensemble d'objectifs annexes que l'on peut revisiter depuis le hub du jeu. Mais hélas, aussi plaisants soient ces affrontements assez rythmés, on s'en lasse vite, parce que tout le reste est assez fastidieux et moche.
Raide moche
The DioField Chronicle est, à l'exception de quelques illustrations dans des cutscenes, un jeu particulièrement moche. Non pas que cela soit bien grave, des tas de jeux moches sont par ailleurs brillants. Mais on parle d'une nouvelle licence d'un éditeur majeur qui semble, en 2022, toujours incapable de shipper quelque chose de joli en dehors de la coûteuse HD-2D et de ses productions AAA majeures. Comme si Square Enix en 2022 c'était un jeu joli pour 10 portages bâclés et 10 RPG baignant dans un brouillard cachant une misère composée d'assets PS2 lissés à la va-vite.
Ce n'est pas seulement un jeu moche : c'est aussi un jeu dont la laideur n'a aucune personnalité. Les personnages sont raides, sans traits saillants, la direction artistique est quelconque, la musique ne laisse aucune trace dans la mémoire et tout parait atrocement rigide. Une fois de plus dans un JRPG moderne, on se retrouve avec des menus trop nombreux, peu ergonomiques, redondants… Et un hub central lourdement inspiré de Fire Emblem: Three Houses, sauf que le monastère y a été remplacé par des couloirs vides et brumeux et des boutiques sans âme qui auraient tout aussi bien pu être de simples menus, à l'image de ceux du TRPG indé Symphony of War qui fait le choix d'aller, lui, à l'essentiel en réduisant au maximum ce qui est extérieur aux combats.
Ce qui me met en colère dans un jeu comme The DioField Chronicle, c'est cette idée de potentiel gâché. Il ne lui manque pas grand-chose pour être un vrai bon hit dormant de cette année, à défaut de révolutionner quoi que ce soit. Un peu de mise en scène, un peu d'épure dans les menus, davantage de personnalité dans ses graphismes, un scénario un peu plus saillant… N'importe quoi qui donnerait l'impression qu'on ne joue pas à une longue note d'intention d'une vingtaine d'heures dont les combats assez chouettes peinent à cacher le reste qui, visiblement, a manqué de tout : de temps, de staff, de budget et de choix clairs.
The DioField Chronicle a été testé sur PC via une clé fournie par l'éditeur. Le jeu est également disponible sur Nintendo Switch, PlayStation 4 et 5 et sur les consoles Xbox.
Si The DioField Chronicle avait « juste » un portage PC bâclé (un de plus chez Square Enix, on est plus à ça près), je pourrais vous le recommander sur n'importe quelle autre plateforme. Mais le cœur du problème n'est pas là et réside dans l'incapacité de l'éditeur à commercialiser des projets véritablement aboutis et préférant miser sur sa force de frappe commerciale pour faire du chiffre. On ne parle pas d'un petit jeu à 20 € qui aurait été publié par une équipe de débutants dans un micro-studio, mais bien d'un jeu vendu 60 € et présenté comme une nouvelle licence appelée à séduire un large public. Et de ce point de vue, The DioField Chronicle reste assez loin du compte.
Les + | Les - |
- Scénario convenu, mais bien mené | - C'est vraiment moche |
- Système de combat brillant | - Manque de rythme et d'ergonomie |
- Pléthore de bugs sur PC | |
- Beaucoup de choses inabouties dans le concept |
zalifalcam
J'aime les jeux double A, les walking simulateurs prétentieux et les JRPG, et plutôt que de me soigner, j'écris à leur propos.
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